Algérie

LA FIN DU ROMANTISME



Le Parlement égyptien issu des élections législatives organisées après la chute de Hosni Moubarak a tenu sa première réunion hier. Les islamistes, frères et salafistes, disposent désormais des trois quarts des députés et vont peser lourdement sur la vie politique. Il n'est pas encore certain que les «FM» vont s'allier à leur concurrent salafiste du parti Nour, le souci de «rassurer» pouvant les amener à privilégier d'autres alliances, notamment avec les libéraux. Les FM pourraient chercher à éviter une bipolarisation islamiste contre les libéraux et conclure des alliances avec les partis du centre et les libéraux, notamment le néo-Wafd.
Pour l'heure, cette reprise de service du Parlement égyptien, après des élections non contestées, sonne comme la fin du «romantisme révolutionnaire» incarné par les jeunes de la place Al-Tahrir. Ce mouvement, qui a suscité de grandes sympathies médiatiques et donné des idées sur de nouvelles formes de lutte, paraît, pour le moment, dépassé. La coalition «Révolution continue», qui l'incarne le mieux, n'a obtenu que sept petits sièges à la chambre basse avec moins d'un million de voix. La petite manifestation organisée hier par des jeunes activistes devant le Parlement avait le côté triste du baroud d'honneur.
Une révolution se termine nécessairement par une mise en forme institutionnelle quand les urnes s'expriment ; et même si elles ne donnent pas aux initiateurs de la révolution le premier rôle, cela n'enlève rien au fait qu'il s'agit d'un développement important. C'est la loi du genre. Des acteurs perdent de leur importance tandis que d'autres émergent. Place Al-Tahrir restera dans l'histoire comme un haut lieu d'expression de la volonté du changement. Elle sera probablement, à l'avenir, un recours possible en cas de dérive du nouveau pouvoir vers la dictature et les atteintes aux libertés. Mais à l'heure où les institutions se mettent en place, elle cesse d'être un acteur important.
Il reste l'armée. Elle est pesante, elle incarne le régime, sa continuité et elle tient encore les rênes de l'exécutif. Il y a les Frères musulmans qui s'installent, sans surprise, comme la première force politique du pays. C'est entre ces deux forces que va se jouer une délicate partie politique avec, à l'affût, des salafistes au résultat important inattendu. Les Frères musulmans, dans une stratégie destinée à rassurer, ont indiqué qu'ils n'auront pas de candidat à la présidentielle et qu'ils n'en soutiendront aucun. Cela ouvre en théorie du champ pour un équilibre au niveau des institutions. Mais ils n'entendent pas jouer les faire-valoir, et les urnes, libres, leur ont donné des moyens de peser. Ils devront nécessairement tenir compte des généraux du Conseil suprême des forces armées (CSFA), peu enclins à céder le pouvoir sans avoir eu l'assurance de ne pas faire l'objet de poursuites.
Mais au-delà, l'armée cherche à s'autonomiser du pouvoir politique et cela a donné lieu à un regain de violence. L'élection du parlement n'est donc qu'une étape dans une partie politique compliquée où les surprises ne sont pas exclues. Et qui peuvent redonner un rôle à la place Al-Tahrir.


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