Algérie

La fin des Etats dans l'Etat


Le détail chiffré sur l'ampleur des biens détournés, livré par le ministre de la Justice devant l'Assemblée nationale n'avait pas de quoi étonner l'opinion. Les biens mal acquis avaient une dimension connue par tous les Algériens. L'étalage du faste de certains dignitaires aux bras longs et de ceux qui bénéficiaient d'une forte proximité avec les centres de décision était si manifeste qu'il était devenu un secret de polichinelle et le sujet de discussion de prédilection dans les cafés et les demeures. On ne s'en cachait pas. L'outrance de la piraterie s'était propagée avec démesure pour qu'elle soit un signe de promotion sociale naturelle souvent amplifiée avec frénésie par les descendances familiales. Et gare à celui qui avait quelques indignations à présenter à haute voix.Mais l'important dans le listing effarant, tout en dépassant l'entendement révélé officiellement par le garde des Sceaux, n'est sans doute pas dans l'obligation du rendre gorge exigé par la justice. L'essentiel est l'effacement de la culture de la rapine ayant transformé le pays en support presque officiel pour la piraterie. Peu pourrait importer l'addition des fortunes détournées ou accaparées de haute main. Le séisme provoqué par un courage présidentiel évident annonce que l'Algérie n'est plus un butin à partager par certains qui occupaient les devants des scènes locales et nationales. Il s'agit d'abord de la fin des passe-droits qui avaient gravement terni l'image de l'Etat.
Des magots et des fortunes ont certes été dénichés et récupérés. Leur valeur représente des centaines de milliards de dinars. Leur retour à leur source originelle n'est pas seulement important par la masse matérielle qu'ils représentent, mais surtout par la désintégration d'un certain esprit, des us et coutumes mafieux qui ont présidé jusqu'ici. Des Etats dans l'Etat s'effilochent pour que le réel Etat ait un sens et pour qu'enfin les Algériens soient persuadés que les lois et la légalité ne seront plus des bibelots pour l'enrichissement d'une minorité.