Algérie

«La fin d'une boucle historique»


L'Algérieofficielle refuse son présent filmé par les yeux des siens, veut son passé bienqu'il soit filmé par les autres et ferme son futur s'il n'est pas filmé par l'ENTV. Dans un étrange sursaut comique entre byzantinsofficiels, le pays a fait suivre la restitution de quelques archives de lapériode coloniale par un mécontentement absurde : lesdites archives montrentune colonisation trop positive, des Arabes presque heureux, des colonsentreprenants. Loin de l'image nationale agréée d'un colon carnivore, d'uncolonisé amaigri et d'une lutte armée vaillante. A quoi s'attendait-on ? A ce que les médias del'époque filment le FLN et ses combattants comme les pompiers de New york après le 11 septembre ? A ce qu'on interview lesnationalistes comme des maires de la métropole ou qu'on filme l'abattage desFellagha comme une inauguration d'église ou d'une cave ?Lecomble dans ce genre de cerveaux locaux est qu'on reproche à la France de nous restituerdes archives qui l'arrange, alors qu'aujourd'hui, on ne fait que perpétuer uneautre propagande, destinée à vendre une autre oeuvre positive avec écoles, routeset hôpitaux, masquant le reste du hold-up de la légitimité. Dansun siècle, lorsque l'Algérie restituera les archives d'aujourd'hui auxgénérations de demain, celles-ci pourront déjà se permettre la même réactionoutrée face à ce cambriolage rétrospectif de la mémoire qui montre tout unpeuple attendant le même président, à la place d'un autre peuple qui attendéternellement mieux.L'autrecomble, sur cette échelle de l'absurde, est qu'au même moment où le pays veutreprendre son passé, il refuse son présent et ferme son futur à tout autrecanal que l'ENTV. Pire encore, l'Algérie officielleest déjà dans la posture étrange d'un pays qui refuse l'image que s'en sontdonnés les colons, mais refuse encore mieux et avec plus de colère l'image quepeuvent lui donner ses propres Algériens comestibles. Au moment même où le paysreprend ses archives de la Turquie, de l'Egypte ou de la France, il refuse que leprésent soit archivé par des Algériens, écrit, décrit et dessiné par les sienset condamne un chroniqueur à de la prison ferme pour bien montrer qui a ledroit de « raconter » en Algérie et qui a le devoir dese faire raconter des histoire alors qu'il ne dort même pas. L'Algérie de la RADP demande à ses ex-colonsd'ouvrir leurs archives et aux siens de fermer leur bouche. Elle veut libérerle passé, verrouiller le présent. Dans « 1984 » de l'indépassable Orwell, lepersonnage découvre la violence de l'Etat d'abord dans l'usage infâme desarchives : on les corrige pour effacer un homme, le créer, le tuer ou ledisgracier. Du coup, la mémoire devient trouble, doute d'elle-même puis, lentementdésagrége le présent. Pays sous-développé, l'Algérie en est encore incapablepour le moment en dehors de l'ENTV : cela expliquepourquoi elle veut consacrer le passé comme présent et le présent comme uninterdit. Les gens qui vous gouvernent vous les rencontrez ainsi au présent, lorsquevous remontez dans le passé et donc, fatalement lorsque vous tentez de regardezvers l'avenir.Entrearchives françaises biaisées, ENTV fermée et futur anticipé, où peut-onvraiment trouver une vraie image de l'Algérie ? En fermant les yeux, enregardant par la vitre d'un bus qui s'éternise à l'arrêt, en s'abaissant devantle guichet d'un ex-colonisé acariâtre ou en lisant une chronique libre etindépendante comme s'est rêvée l'Algérie avant sa naissance. Du coup, oncomprendra, pourquoi la RADPqui contrôle le son et l'image reste allergique àl'écrit et la chaloupe. Et puisqu'on ne peut pas condamner la France après les Accordsd'Evian, alors on condamne un chroniqueur avant les accords de 2009. Leridicule ne tue pas, sauf celui qui le regarde, le subit ou le décrit.


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