Algérie

La fille des Aurès



Résumé : Faouzi est enfin arrivé à la mosquée qu'on lui avait indiquée. On était au crépuscule, et après la prière, l'imam l'invite à siroter un thé. Faouzi dévoile ses intentions. L'homme de culte hésite avant d'avouer au jeune homme que l'histoire du bébé retrouvé sur les escaliers de cette même mosquée, lui avait été racontée par son père, il y a plus d'un quart de siècle.Faouzi serre les mains de son hôte :
-Raconte-moi tout... Raconte-moi tout s'il te plaît cheikh. Au nom de Dieu, n'omets aucun détail. Il sortit un papier et une photo de sa poche :
-Regarde cette photo. C'est celle de la jeune femme en question. Et ce papier que je n'ai pu avoir qu'après maintes interventions, stipule que cette fille avait été remise à un orphelinat en cette date, puis en était sortie 18 années plus tard. L'avenir de cette femme dépend de son passé dont elle refuse d'en parler. Elle en a honte ! Elle n'est qu'une victime bien sûr. Mais elle refuse de vivre, et ne veut pas entendre parler ni de mariage, ni de sentiments. En fait, cette jeune fille survit. Elle a une personnalité inébranlable, mais notre société ne rate rien pour tendre son index. L'imam lève sa main et se remet à siroter son thé, marquant ainsi un temps d'arrêt et de réflexion. Faouzi était assis sur des charbons ardents. Il prend une cigarette et l'allume, puis se met à fumer sans discontinuation. Ses mains tremblaient. La patience n'était pas sa tasse de thé.
L'imam repose son verre :
-Qui me dit que tu ne cherches pas une rançon comme tous les autres ' Faouzi sursaute :
-Pardon '
-Oui. Il y a beaucoup de gens qui étaient venus voir mon père pour en apprendre plus sur le bébé.
Faouzi extirpe de la poche de son veston sa carte de presse et sa carte d'identité :
-Je te remets mes papiers. Tu pourras tout de suite prendre contact avec le journal et te renseigner sur moi.
L'imam repousse les papiers de sa main :
-De nos jours rien n'est sûr. Par contre, les traits d'un visage renseigne à plus d'un titre sur la personnalité d'un individu.
Il sourit avant de poursuivre :
-Je vais te raconter tout ce que je sais sur cette histoire. Mon père n'avait pas été trop loquace là-dessus, mais j'en ai appris des choses au contact des villageois.
Il pousse un long soupir :
-Cela s'était passé en pleine saison hivernale, alors que les forêts étaient enneigées, et que le froid n'incitait pas à mettre un chien dehors. Les fidèles ne sortaient de chez eux que pour les prières quotidiennes. Au petit matin d'un jour aussi gris qu'une forêt en pleine nuit, mon père qui officiait à la prière de l'aube, fut sidéré de découvrir qu'on avait déposé un petit carton qui contenait un nouveau-né de sexe féminin. Les fidèles l'avait découvert sur les escaliers de l'entrée. Il prend le bébé, et le remet à ma mère, qui lui prodigua les soins nécessaires. L'enfant était frigorifié. Il n'était pas assez habillé pour affronter le froid, et pas assez robuste pour y survivre. On aura donc un mal fou à lui redonner des forces. Entre temps, mon père et quelques sages de notre village, entreprirent des recherches pour retrouver une quelconque trace des parents de cet enfant. Au bout de plusieurs jours, la neige commença à fondre, et n'ayant rien trouvé comme piste salvatrice, mon père a dû remettre l'enfant à un commissariat de police. Une enquête sera ouverte, et on lança des recherches plus poussées. Hélas ! Aucun indice sérieux ne sera trouvé. D'où l'obligeance de remettre l'enfant à une institution de l'Etat. On maudit satan, et on mettra l'abandon de l'enfant sur le compte d'une "erreur" commise par un couple jeune et inconscient. Le dossier de ce bébé sera ainsi clos. Des années plus tard, alors que j'ai pris le relais dans cette mosquée, ma femme vint me retrouver pour me dire, qu'un homme était venu demander après le bébé déposé sur les escaliers de la mosquée. Mise au courant, ma mère lève les mains au ciel et lance une prière : "Que celui qui a commis le péché de détruire la vie de cet innocent bébé soit maudit à jamais". Deux jours plus tard, un homme qui n'était pas du village demande après l'ancien imam. On l'orienta évidemment vers la mosquée, où je lui confirme que mon père était décédé depuis plusieurs années.
L'homme se frappe la tête :
-J'arrive en retard... J'arrive en retard... Que satan soit maudit.
Je l'ai tranquillisé autant que je l'ai pu, mais l'homme semblait mal à l'aise et me lance d'une voix à peine audible : "Je suis bien malade... Je n'en ai plus pour longtemps. Le remord me ronge et je veux ratrapper ma faute avant de me retrouver entre les mains de Dieu. La punition divine me fait rappeler chaque jour mon crime. Je veux faire quelque chose afin que cette fille ne soit pas mise à l'écart d'une société qui ne pardonne pas de telles erreurs. Elle n'est que le bouc émissaire d'un coup monté, un manège machiavélique".
(À SUIVRE)
Y. H.
[email protected]
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