El Handi ou la figue de Barbarie, ce fruit sauvage (Opuntia ficus-indica) coloré à l'aspect rugueux avec ses épines, qui a colonisé depuis plusieurs siècles montagnes, plaines et vallées d'Algérie, a détrôné en ces jours de grandes chaleurs les fruits du terroir: pêche, melon ou pastèque.Au vieux marché couvert El Cantina de Bab El Oued, les revendeurs de Karmouss En-n'çara (figue des chrétiens), récolté à la dur sur les collines de Bouzaréah qui surplombent la ville, ont la côte: les afficionados de ce fruit se pressent à qui mieux mieux devant leurs étals.Généralement, le plus savoureux et le plus juteux opuntia est celui qui prospère allègrement sur les faces abruptes des montagnes, gorgé de soleil, contrairement aux colonies utilisées comme haies de protection de leurs demeures et enclos pour le bétail dans les vallées et les plaines par les populations rurales.A Alger, Blida, Oran, Annaba ou Chlef et Sétif, les connaisseurs n'hésitent pas parfois à grossir la chaîne devant une table d'un revendeur de higos chumbos (figue avec des épines).Dans les années 1960-1970, il y avait même cette criée célèbre (Ayaou El Hendi , Koul Weddi, El Mouss Men Andi ? (voici la figue, prend et mange, j'offre le couteau) pour attirer les clients de ce fruit que tout le monde peu aller cueillir au Bled , ou sur les hauteurs d'Alger, à Montplaisant, Cité Mollines ou sur les flancs de Bouzaréah.D'est en ouest, et du sud au nord, la réputation de ce fruit de la famille des Cactacée, n'a jamais été démentie, même si souvent, en cas de surconsommation, il provoquerait de terribles constipations.Mais, d'où vient-elle, cette plante sauvage, résistante aux chaleurs extrêmes, qui, autrefois, servait à protéger les douars et les maisons de campagnes, les jardins (les J'nanes) d'Alger contre les bêtes féroces, tout en offrant en été un fruit au goût très onctueux, agréable 'Rocher de la Barbarie En fait, le figuier de Barbarie est originaire du Mexique, et aurait été introduit en Méditerranée par les espagnols notamment. C'est très certainement le cas pour l'Algérie, où il y avait des fruits très divers et forts appréciés, dont certains ont disparus, comme les garvanços (leblebi).Dans son Voyage dans la Régence d'Alger au XVIIIeme siècle , un voyageur anglais, le Docteur Thomas Shaw, a brossé une étonnante et riche monographie sur l'Algérie de cette époque.Parmi les fruits que les algériens cultivaient à cette époque, et dont l'appellation n'a pas changé jusqu'à nos jours (comme la figue verte, baccor), Thomas Shaw cite ce fruit qui croît sauvagement sur la roche ou la terre ferme, même dans les petites îles du littoral.Il en est ainsi du bien nommé Rocher de Barbarie , dans la commune d'El Beldj, dans la wilaya de Tipasa, ou l'îlot de R'milia, une magnifique plage de sable fin accessible par mer dans la commune de Beni Haoua (W. de Chlef). Nous ne devons pas omettre ici la poire piquante, dont l'espèce est apparemment venue d'Europe, puisque les habitants lui donnent le nom de Kermous-en-nçârâ, ou la figue des chrétiens , écrit Thomas Shaw.Il ajoute: beaucoup de familles n'ont pas d'autre nourriture pendant ce mois jusqu'à septembre. Originaire d'Amérique, la figue de barbarie, un mot arabe d'origine berbère (akarboûz, mauvaise figue), aurait été introduite en Algérie par l'intermédiaire des conquérants espagnols. Le nom de handi corrobore pour sa part la provenance américaine, sachant que le Nouveau Monde fut appelé d'abord Indes Occidentales , précise une note de l'Editeur.La figue de Barbarie, El Handi ou Kermouss En-N'çara a par ailleurs beaucoup de vertus et dont les graines donnent une excellente huile végétale utilisée pour notamment les soins de la peau (acné, vergeture, cicatrices).L'atout de ce fruit est qu'il n'apporte qu'un faible nombre de calories (44 kcalories pour 100 gr, soit 2% de l'apport énergétique quotidien), mais contribue efficacement à renforcer les apports en vitamines et en minéraux dans l'alimentation.Le fruit de l'opuntia indica est qu'il est surtout bien pourvu en calcium, en magnésium, en fer et en cuivre, et, pour la petite histoire, les mexicains l'utilisent par ailleurs pour la fabrication de la tequila, une boisson alcoolisée.Un fruit qui regarde ailleursMais, à grande échelle, la culture du figuier de barbarie a fait naître dans plusieurs pays Méditerranéens une florissante agro-industrie, et un marché potentiel. Plusieurs pays du pourtour méditerranéen, dont l'Algérie, ont mis en place des programmes de production et de traitement industriel du fruit de l'Opuntia, avec comme objectifs son exportation.En Algérie, il y a eu l'expérience, dans les années 1980 de la culture de ce fruit, son traitement et conditionnement, et son exportation. L'expérience a fait long feu.Dans la wilaya de Souk Ahras, un programme d'intensification de la culture de l'opuntia est mené pour augmenter les revenus des agriculteurs en les encourageant à commercialiser ce fruit rustique.Limitée par le passé à un millier d'hectares, la culture de l'opuntia couvre actuellement dans la wilaya de Souk Ahras quelque 12.000 hectares.La commune de Sidi-Fradj (45 km au nord de Souk Ahras) abrite 60% des superficies dédiés à ce fruit, le reste des opuntias étant cultivés dans les communes d'Ouled Mimoune, Taoura, Dréa, Ouilène, ainsi que près de la localité d'Ouled Abbas, sur les limites de la wilaya de Tébessa où un marché de gros de ce fruit a été ouvert à Ouenza.Une coopérative d'exploitation et de transformation des figues de barbarie, s'étendant sur 5.000 m2, sera bientôt opérationnelle à Mechta Chekaka, dans la commune de Sidi-Fradj.A N'gaous (Wilaya de Batna), un jeune promoteur s'est quant à lui lancé dans l'extraction et la production d'huiles naturelles de la figue de Barbarie.La culture à grande échelle de l'Opuntia, en particulier dans l'est du pays, est telle qu'une association des producteurs et transformateurs a été créée à Souk Ahras en mars 2015, et compte parmi ses membres des représentants de 14 wilayas.Par contre, très peu de chiffres sont disponibles sur le volume des exportations de figues de barbarie, majoritairement vers le marché tunisien et européen.Un accord entre opérateurs algériens de la région de Khenchela et autrichien du Tyrol avait été signé en juin 2014 pour la production et l'exportation de l'opuntia.Venue du lointain Mexique, et même si elle est verte, jaune, rouge, noire, orange, brune, mauve ou bigarrée, la kermouss En-nçârâ des algériens du 18eme siècle a bien pris racine en Algérie où elle vend en ces jours de l'été 2015 chèrement sa peau pleine d'épines: 100 DA les trois livres, ou 10 DA l'unité.(Mahdi Boukhalfa)
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Posté Le : 04/08/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Algérie Presse Service
Source : www.aps.dz