Algérie

La faute à la météo: oui, mais à qui d'autre?


De la recherche systématique d'un introuvable responsable… Ce pourrait-être le titre emblématique des polémiques provoquées ces dernières semaines par les intempéries qui ont frappé l'Europe en général et la France en particulier. L'exemple le plus saisissant est celui des aéroports.

 En toute logique, on devrait facilement admettre l'idée qu'un avion ne puisse ni décoller ni atterrir lorsqu'une grosse pellicule de neige ou de verglas recouvre les pistes. On devrait aussi comprendre que dégivrer une carlingue prend du temps et, qu'à terme, cela génère une accumulation de retards.

 Mais c'est l'inverse qui s'est produit. Très vite, les opinions publiques ont exigé qu'on désigne à leur vindicte des coupables. Des doigts accusateurs se sont pointés vers les compagnies aériennes, notamment les low-cost, mais aussi les organismes de prévision météorologique et même les médias. Les sociétés qui gèrent les aéroports n'ont pas échappé aux mises en cause pour avoir préféré investir dans les magasins hors-taxes plutôt que de s'équiper en moyens de déneigement mais aussi d'accueil des voyageurs bloqués. Quant aux gouvernements, ils sont bien sûr jugés et condamnés dans l'heure. L'air est bien connu : si la machine se détraque, cela ne peut être que de la faute des politiques. Imprévoyance, incompétence, mauvaise planification, sont des griefs que l'on retrouve dans les déclarations hargneuses des voyageurs mais aussi de l'opposition qui n'entend pas rater l'occasion de faire entendre sa voie Il est évident, et l'auteur de ces lignes en sait quelque chose, qu'il n'y a rien de drôle à être bloqué dans un aéroport alors que votre famille vous attend. C'est une situation de grand stress où l'on se sent complètement perdu et où la colère le dispute à l'accablement. Dans ces moments, on en veut à la terre entière et on veut voir les coupables pendus au gibet surtout si les informations ne viennent pas. Cela vaut aussi pour les voyageurs en train, à l'image de ces passagers du Strasbourg-Port Bou qui sont arrivés à destination avec près de vingt-quatre heures de retard ! On imagine le calvaire. Extrait d'une dépêche : «deux ou trois passagers qui avaient bu ont été descendus du train par la police de Belfort, parce qu'ils importunaient leur entourage», a admis la SNCF. Ambiance… Ces clameurs et protestations en disent long sur notre civilisation. C'est la preuve que plus personne ou presque n'accepte l'idée qu'il n'y a rien à faire face à l'aléa climatique. A force de glorifier la technologie et la capacité de l'homme à dompter la nature, on a fini par oublier qu'au final, les éléments sont toujours les plus forts. Les équipements les plus sophistiqués resteront toujours inutiles face au blizzard, aux tempêtes de sable ou aux pluies verglaçantes. Et le plus étonnant, c'est de noter que ce rappel, qui relève du simple bon sens, a pratiquement disparu du discours public. Qu'un responsable vienne à expliquer que c'est le caractère exceptionnel de l'enneigement qui explique la pagaille – car c'est bien le terme qui convient – et il sera accusé de refuser d'assumer ses responsabilités. Prenons un autre exemple, capté par hasard lors d'un journal télévisé. Chutes de neige en amont obligent, le niveau de la Seine a considérablement augmenté au point que l'on se demande si le printemps prochain ne sera pas celui de la grande crue du siècle (la dernière, qui a noyé une bonne partie du centre de Paris, a eu lieu en 1910). La situation est telle que les ballades en bateaux mouches, si prisées par les touristes étrangers et provinciaux, sont interdites depuis quelques jours. A l'embarcadère, les caméras ont ainsi filmé les têtes défaites de ceux qui espéraient faire une petite croisière fluviale. Dialogue tendu : « Désolé, le niveau de la Seine est trop haut. La navigation est impossible. On ne peut passer sous les ponts ». « Ah, ouais ? C'est nouveau ça ! Et jusqu'à quand ça va durer ? ». « On ne sait pas. Le temps que le niveau baisse. On est pratiquement à cinq mètres. Regardez là-bas, la voie sur berge est pratiquement inondée ». « Mais c'est quand même incroyable que vous ne sachiez pas quand le niveau va baisser ! On ne va quand même pas revenir une deuxième fois pour rien ».

 J'ai souvent lu que les Français avaient gardé en eux des mécanismes psychologiques liés à leur passé rural et paysan. On a du mal à le croire quand on assiste à ce genre de scène ou lorsqu'on entend des gens pester dans la rue contre cet « hiver de m… ». En effet, personne ne sait mieux que le paysan que l'aléa climatique ne doit jamais être sous-estimé. « Une année bonne, l'autre non », chantait Ferrat dans La Montagne. C'est cette prudence, et surtout, cette humilité, qui semblent s'être évaporées dans les méandres du temps qui passe. Pour autant, rien ne doit empêcher de faire en sorte que les effets potentiellement dévastateurs des phénomènes climatiques extrêmes puissent être atténués. Ainsi, l'une des prévisions les plus communément admises à propos du réchauffement du globe est que cela va entraîner une augmentation de la pluviométrie et donc des inondations. Une ville comme Copenhague s'y prépare déjà puisque ses canalisations pour l'évacuation des eaux sont progressivement changées, les nouvelles ayant un diamètre plus important dans la perspective des débits élevés qu'engendreront les fortes pluies.

 Cette anticipation est peut-être ce qui différencie le plus le Nord et le Sud. D'un côté, des pouvoirs publics qui savent que les catastrophes naturelles ne peuvent être évitées mais tout simplement amorties tandis que, de l'autre, règne un fatalisme teinté d'irresponsabilité et de désinvolture. En novembre 2001, des inondations avaient endeuillé Alger et notamment le quartier de Bab el Oued.

 La Méditerranée étant l'une des parties de la planète où le réchauffement climatique risque d'être le plus marqué, il est évident qu'un tel phénomène va tôt ou tard se renouveler. La seule question est donc de savoir si la capitale et les autres cités côtières algériennes s'y préparent sérieusement ou non.

PS : Intempéries ou pas, Bonne année 2011 aux lectrices et lecteurs du Quotidien d'Oran.


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