Algérie

La famille Gaouar en procès à Rabat



La famille Gaouar en procès à Rabat
Originaire de Tlemcen, la famille Gaouar, qui importe, négocie et torréfie le café, de père en fils depuis 1860, victime de spoliation
au Maroc, garde une chance de recouvrer ses droits, le 12 juin, à la cour de cassation de Rabat.
Le malheur s'est abattu sur les Gaouar en 1979, lorsqu'ils eurent l'indélicatesse ou la malchance de s'associer au Marocain Omar Berrada, un homme qui a pignon sur rue au royaume (lire El Watan du 4 mars 2011). «En 1979, mon défunt père Mustapha prend comme associé Saad Ketani qui, à son tour, introduit avec lui Omar Berrada. Un an plus tard, le premier cède à ce dernier ses actions. En 1982, M. Gaouar se voit contraint de céder la société des cafés Ennasr (fondée en 1956) à M. Berrada, lequel s'engage, en contrepartie, à couvrir les besoins d'approvisionnement en café vert de la famille Gaouar», explique Mounir Gaouar, le fils. Un engagement qui ne sera jamais respecté.
En 1985, Kamel et Mounir Gaouar (les fils de Mustapha Gaouar) décident de monter une unité de production de café torréfié. Des préludes à une ascension fulgurante qui ne plaisent apparemment pas à cet associé cupide et jouant sur la nationalité algérienne des propriétaires pour les «éliminer» du marché prospère du café. «M. Berrada, non content de violer ses engagements, initie alors une plainte pénale en décembre 1985 sous couvert d'une fallacieuse action en contrefaçon, et fait emprisonner pendant une semaine mon père, mon frère Kamel et moi», ajoute, amer, Mounir Gaouar.
Le 6 juin 1986, la cour d'appel de Casablanca relaxe la famille Gaouar après avoir constaté l'absence de tout fondement aux accusations formulées contre la famille algérienne.
Le plus curieux, dans le cadre de cette procédure et selon des procès-verbaux judiciaires, c'est que M. Berrada reconnaît expressément son tort quant à l'action qui l'avait amené à faire emprisonner la famille Gaouar. Mais c'en était trop pour cette famille, qui avait compris qu'elle était indésirable parce que sa réussite dérangeait les notables du royaume. Les enfants Gaouar quittent le Maroc, au grand dam du père gravement malade.
En 1998, Mustapha Gaouar invoque la clause d'arbitrage contenue dans la convention du 11 janvier 1986 et saisit l'arbitre, M. El Khattabi. En effet, la sentence arbitrale du 4 août 1998 considère en substance : «Nous déclarons et ordonnons que l'interdiction absolue et définitive sur le sol marocain prévue dans la convention du 11 janvier 1986 est une clause inéquitable et incompatible avec les droits de l'homme, notamment avec le droit qu'a ce dernier à exercer l'activité dans l'environnement dans lequel il a grandi et vécu depuis son enfance ('). Nous considérons en conséquence cette clause n'ayant jamais existé, ordonnons par conséquent son annulation et autorisons Mustapha Gaouar et son groupe à reprendre une activité de torréfaction de café.» Une réhabilitation somme toute juste. Mais il ne fallait pas trop jubiler.
C'est que l'associé Berrada, refusant ce sort, se vengera à sa manière. D'abord, il interjette appel de cette décision, laquelle sera confirmée par la cour d'appel le 22 avril 1999. Ensuite, il se pourvoie en cassation devant la Cour suprême, laquelle rejette le pourvoi le 16 janvier 2002, revêtant ainsi la sentence arbitrale de l'autorité de la chose jugée et la rend définitive. L'affaire aurait pu trouver son épilogue à cette époque, sauf que M. Berrada, ne lâchant pas prise, s'empresse alors de trouver un acquéreur susceptible de reprendre la société des cafés Ennasr. Usant toujours de subterfuges, M. Berrada parvient, en 2002, à la céder à une filiale alimentaire étrangère.
«Forts de tous les jugements définitifs rendus en notre faveur, nous avons assigné la société des cafés Ennasr, devenue Kraft Foods Maroc, et Omar Berrada devant le tribunal de commerce de Casablanca, afin de les voir solidairement condamnés à indemniser des préjudices subis.»
Le 26 juin 2003, le tribunal de commerce de Casablanca reconnaît la réalité des préjudices subis par la famille Gaouar en indiquant notamment : «Désigne aux fins d'expertise MM. Siba et El Krimi pour (') déterminer l'indemnité correspondant essentiellement à la privation des demandeurs d'exercer leur activité, parallèlement au manque à gagner depuis le 11 janvier1986 au 15 janvier 2002.» Et d'ajouter plus loin : «La société Kraft Foods Maroc et Omar Berrada n'ayant pas interjeté appel de ce jugement mixte dans les délais légaux, ledit jugement devient définitif et acquiert en conséquence l'autorité de la chose jugée.» S'ensuit alors une grande bataille juridique où des experts désignés concluront dans leur rapport : «Rien ne prouve qu'une quelconque personne interdisait à M. Gaouar d'exercer la torréfaction de café. Il apparaît clairement l'inexistence pour les experts de ce qui aurait été utile à la détermination du préjudice subi par Messieurs Gaouar.» Autant dire une hérésie. Le 8 juillet 2005, la cour d'appel de Casablanca considère que «le jugement rendu le 26 juin 2003 n'avait pas statué sur le fond et que la preuve de la responsabilité de Omar Berrada n'était pas apportée'».
Ce mardi, la cour de cassation se prononcera sur la demande de rétractation de la famille Gaouar. «Nous avons espoir d'être réhabilités dans notre honneur», dit Mounir Gaouar avec humilité.




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