Algérie

La famille de Krim Belkacem exige la réhabilitation du 19 Mars



Il faut que notre jeunesse connaisse la victoire politique et diplomatique du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA)», a déclaré hier, au centre de presse d’El Moudjahid, à Alger, Kawthar Krim, fille de Krim Belkacem, chef de la délégation du GPRA aux négociations d’Evian en 1962. Pour la famille du «Lion du djebel» (surnom donné par l’armée coloniale française à Krim Belkacem), le 19 Mars, date du cessez-le-feu, doit être fêtée comme le 1er Novembre, date du déclenchement de la Guerre de Libération nationale en 1954, et le 5 Juillet, fête de l’indépendance nationale. «Nous demandons la célébration du 19 Mars parce que ce n’est que justice. Comment pensez-vous que le 19 Mars soit né ' C’était l’aboutissement de la Révolution. Mon père avait fait partie des six chefs historiques qui ont déclenché la guerre. Il était là au nom de la Wilaya III historique», a déclaré à la presse Karima Krim, autre fille de ce membre fondateur du FLN. Les six chefs historiques du FLN étaient Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaïd et Rabah Bitat. Karima Krim a regretté que les jeunes Algériens ne connaissent pas les dates du 18 (signature des Accords d’Evian) et du 19 Mars 1962. «Je souhaite qu’il y ait plus de précision dans les écoles sur cette question. Il faut remettre l’histoire là où elle doit se trouver. Il faut dire la vérité. De toute façon, le temps fera le reste. Il faut que la jeune génération connaisse le vrai parcours de la Guerre de Libération et sache ce que Krim Belkacem a donné», a-t-elle dit. Karima Krim a rappelé qu’il y a eu trois signatures françaises et une signature algérienne aux Accords d’Evian ; Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, Robert Buron, ministre des Travaux publics, et Jean de Broglie, secrétaire d’Etat en charge des Affaires sahariennes, étaient les signataires français de ces accords. Krim Belkacem était seul à le faire pour le GPRA. «Je suis fière en mon nom personnel, au nom de ma famille et du peuple algérien, que mon père soit à l’honneur aujourd’hui. Mon père était un leader. C’est à lui qu’est revenu l’honneur d’apposer sa signature au bas de la 93e page d’un document historique mettant fin à la lutte armée, à sept années et demie de guerre. Ce n’était pas rien. Nous sommes fiers de ce qu’il a fait», a déclaré Karima Krim. Elle a relevé que Krim Belkacem était un révolutionnaire avant l’heure : «Ce n’est pas quelqu’un qui est apparu sur le terrain de la diplomatie après 1954. Il avait sillonné montagnes, mechtas et douars. Il était là, présent avant 1954, révolutionnaire avant l’heure.» Elle a rappelé que Krim Belkacem était vice-président du GPRA et ministre des Armées, puis des Affaires étrangères. Selon elle, il avait contribué à faire parvenir le problème algérien à l’ONU.
«Demander la vérité sur l’assassinat de mon père n’est pas une chose facile»
«Krim Belkacem a toujours lutté pour l’unité nationale. Il ne s’intéressait à aucune promotion sociale, si ce n’est de voir les Algériens libres. Son objectif était de mener à bon port l’Algérie. Une Algérie indépendante, plurielle et souveraine. Mon père était un homme ouvert. Il avait prouvé cela après 1962. L’indépendance du pays était le plus beau jour de sa vie. L’Algérie a été malheureusement privée de Krim Belkacem», a-t-elle noté. Karima et Kawtar Krim sont revenues sur les conditions difficiles qu’a vécues la famille après l’indépendance de l’Algérie. Krim Belkacem avait choisi la voie de l’opposition au régime d’Ahmed Ben Bella et à l’état-major de l’armée. «Après l’indépendance, mon père a eu des idées de démocratie. Il a été assassiné pour ses idées. Il n’a pas hésité à donner sa vie, sa jeunesse pour la liberté du peuple. Krim Belkacem est également votre père», a souligné Karima Krim. Elle a refusé de s’exprimer sur les conditions troubles de l’assassinat de Krim Belkacem à Francfort, en Allemagne, en octobre 1970. Le régime de Houari Boumediène est souvent cité par les historiens comme responsable de cet assassinat politique, un parmi tant d’autres. Un assassinat qui n’a fait, à ce jour, l’objet d’aucune enquête historique sérieuse malgré ses implications politiques. «Demander la vérité sur l’assassinat de mon père n’est pas une chose facile. Ce n’est pas l’histoire d’un homme. C’est plus compliqué, ça se fera un jour. Nous ne cherchons pas la vengeance. Si le peuple algérien veut la vérité sur cet assassinat…»,  nous a confié Kawthar Krim. Pour sa sœur Karima, la vérité sera dite un jour : «Je n’ai pas envie de m’étendre sur ce chapitre. J’ai l’obligation de réserve. Mais croyez-moi, nous sommes dépositaires de sa mémoire. Nous sommes là avec vous. Restons unis et gardons l’espoir.» Krim Belkacem avait été condamné à mort par la justice de Boumediène en 1967. Il avait été forcé à s’exiler, avec sa famille, au Maroc. Une année après, il créait le Mouvement pour la défense de la Révolution algérienne (MDRA) avec notamment Slimane Amirat et Amar Ouamrane.
Enterré en Allemagne, il n’a été réhabilité qu’en 1984 par le colonel Chadli Benjedid. Ses ossements avaient alors été rapatriés et mis en terre au carré des Martyrs, à El Alia. «Nous avons vécu un exil amer, difficile. Cela ne fait qu’une dizaine d’années que nous sommes là, en Algérie. Nous n’avons pas vécu sur la terre algérienne. Je ne sais pas ce que je suis, mais je suis revenue à mon pays. Mon père est mort pour ce pays. Nos glorieux chouhada aussi. Nous devons aller de l’avant», a estimé Karima Krim.
 


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