Algérie

La face perverse du régime de Bouteflika



Le procès en appel de Mme Maya, riche en révélations surprenantes, a levé le voile sur la gestion des affaires de l'Etat, pendant presque vingt ans, par le privilège et le fait du prince.Le verdict dans le procès en appel de Zoulikha Chafika Nachinachi (connue sous le nom de Mme Maya) et ses coaccusés sera prononcé le jeudi 31 décembre. La présidente de la chambre pénale près la cour de Tipasa et ses deux assesseurs disposent ainsi de trois jours pour trancher dans ce dossier après deux jours pleins (de 10h à 23h) d'auditions des inculpés et des témoins et de joutes oratoires entre les collectifs de la défense et le représentant du ministère public.
S'appuyant sur les actes consignés dans les PV d'auditions et les révélations des témoins à charge, le procureur de la République a requis l'aggravation des peines prononcées par le tribunal de première instance de Chéraga, en octobre dernier. Il n'a pas accordé des circonstances atténuantes ne serait-ce qu'à l'ancien wali d'Oran, Abdelghani Zaâlane, qui n'a jamais rencontré directement la principale accusée dans cette affaire.
Il a requis une peine de 10 ans de réclusion criminelle pour avoir enfreint la loi en signant des décisions d'attribution de lots de fonciers industriels à des personnes recommandées par Mme Nachinachi sous le couvert du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale de l'époque (2017), Mohamed Ghazi.
Les avocats de la défense, cantonnés dans leur rôle, se sont échinés à présenter leurs mandants comme des victimes d'un mode de gouvernance fondé, pendant 20 ans, sur une obédience et une soumission sans faille au président de la République, puis comme des lampistes sacrifiés pour calmer, d'une part, la colère du peuple en insurrection et, de l'autre, régler des comptes avec le clan Bouteflika. "Je n'ai fait qu'exécuter les ordres du chef de l'Etat", n'a cessé de répéter Mohamed El-Ghazi, qui a servi de mentor à Mme Maya pendant 19 ans.
"Elle m'a été présentée comme la fille d'Abdelaziz Bouteflika. Je ne pouvais pas enquêter sur elle sans paraître espionner le président de la République", a confié l'ancien DGSN Abdelghani Hamel. Insistant sur ce point, il a reconnu lui avoir affecté un technicien de la Sûreté nationale pour lui installer des caméras de surveillance dans sa villa de Moretti, cambriolée quelques jours auparavant.
"C'est la fille du président. Il valait mieux que ce soit un policier qui rentre chez elle qu'un étranger", a-t-il justifié lors de son audition par la magistrate. Lors de sa plaidoirie, Me Abdelaziz Bejdouba a fait le parallèle avec Mazarine, fille cachée de François Mitterrand, découverte par l'opinion publique à la fin de son deuxième mandat à l'Elysée.
"Aussitôt, les services de sécurité l'ont mise sous protection rapprochée aux frais de l'Etat. Mohamed El-Ghazi et Abdelghani Hamel ont exaucé les désirs du président de la République en dotant Mme Nachinachi de gardes du corps. Elle n'avait rien demandé."
Le président déchu Abdelaziz Bouteflika n'a pas été cité, ni en qualité de témoin ni en tant qu'accusé. Pourtant, il aurait éclairci les zones d'ombre qui couvrent encore l'étrange histoire de sa fille présumée. Sa responsabilité a été, en outre, clairement engagée par les 13 inculpés dans cette affaire.
Deux anciens walis, puis ministres, un ancien DGSN, des entrepreneurs, un responsable du salon d'honneur à l'aéroport international d'Alger... sont poursuivis pour "blanchiment d'argent", "trafic d'influence" ; "octroi d'indus avantages", "dilapidation de deniers publics", "incitation d'agents publics pour l'octroi d'indus avantages" et "transfert illicite de devises à l'étranger".
Ils ont écopé, à l'issue du procès en première instance, de 5 à 12 ans de prison ferme assortie de lourdes amendes et de la confiscation de leurs biens.

Souhila HAMMADI


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