Algérie

La face cachée de la France


Le chômage devient galopant dans la mesure où la fermeture des entreprises ne cesse d'augmenter, laissant sur le bout de la route de nombreux travailleurs. La société française est confrontée à de nouvelles cultures notamment le problème d'intégration, même les citoyens qui sont nés en France et d'origines étrangères, ne sont pas épargnés. Ils habitent dans des quartiers appelés communément « cités dortoirs ». Grenoble (France). De notre envoyé spécial Le voyage sous d'autres cieux plus cléments reste incontestablement le v'u de tous les jeunes Algériens qui rêvent de rejoindre l'autre côté de la Méditerranée. Le phénomène des harraga prend de l'ampleur chez une frange vulnérable de la société. Alors que nombreux sont ceux qui terminent leur croisière au large de la mer, certains jeunes parviennent, par la force des choses, à atteindre l'autre rive à bord de leurs barques de fortune. Ils prennent souvent des risques importants, pouvant mettre même leur vie en péril, afin de rejoindre des pays présentant des conditions de vie qu'ils espèrent meilleures. Ils n'hésitent donc pas à tout abandonner pour tenter l'aventure. Mais, cela reste-t-il une solution définitive ' Non, bien sûr, étant donné que l'autre galère ne vient que de commencer. Et pour cause, vivre clandestinement dans un pays étranger n'est aucunement une sinécure. En France, les sans-papiers sont continuellement chassés et traqués par la police, ils sont confrontés à un véritable dilemme, cernés entre la misère du bled et la fermeté ainsi que l'excrétion de leur pays « d'accueil » « Le problème le plus épineux pour les organisations de défense des sans-papiers en France reste toujours le phénomène des harraga, c'est-à-dire, les gens qui viennent clandestinement en provenance, notamment des pays africains et asiatiques. Quand, ils traversent la mer, ils jettent leurs papiers pour ne pas se faire reconnaître. Ils arrivent ici comme des anonymes. On ne peut même pas les aider pour une éventuelle régularisation. Vraiment, il y a plusieurs cas aussi bien à Paris qu'ailleurs », nous a souligné Pierre Gerrud, un médecin qui active comme bénévole dans des structures humanitaires établies, notamment à Grenoble, une région située à près de 600km au sud de la capitale française. Lors de notre virée dans cette division territoriale, une localité cosmopolite, les témoignages des uns et des autres convergent amplement sur le fait que la vie dans l'Hexagone n'est pas le « paradis perdu », mais au contraire c'est « l'enfer retrouvé ». « Quand on était en Algérie, on voyait la France comme un pays où l'on pouvait vivre comme un roi alors dès qu'on arrive, on se fait, du coup, une autre image différente de celle qu'on avait avant de venir. Moi, je suis arrivé ici, il ya quatre ans et j'ai dû, durant les premiers temps, passer des nuits à la belle étoile, sur un banc, au gré du froid glacial de l'hiver. Pis encore, le lendemain quand je me réveillais, je lisais fréquemment dans la presse qu'un citoyen a été retrouvé mort de froid quelque part dans les environs. Je ne faisais qu'attendre mon tour. Ce n'est pas facile. C'est dur », fulmine Karim, un jeune de 35 ans qui a, au bout d'une décade de sacrifices, réussi à obtenir ses papiers. Il s'est marié avec une quinquagénaire de nationalité française, histoire de décrocher « une carte de résidence aux yeux bleus » Dans la situation où il était, l'âge importe peu. Cependant, ce n'est pas définitivement le bout du tunnel, car il est vrai que le mariage, cette option de contrainte, reste inlassablement l'issue favorable pour sortir du « ghetto », mais pas pour l'éternité. « Certes, le mariage peut servir pour régler le problème des papiers mais pas pour fonder un foyer qui va s'installer dans la durée puisqu'on le fait seulement par contrainte. Dans la situation où j'étais, j'aurais pu épouser une vieille de 80 ans, rien que pour bénéficier d'une régularisation. Que voulez-vous que je fasse, c'est le seul moyen pour me prémunir d'une expulsion certaine », raconte cet Algérois qui dit avoir décidé de prendre la tangente vers le pays de Molière dans le souci d'aider un peu sa famille puisqu'il est l'ainé de celle-ci. En sillonnant les différentes artères de la capitale des Alpes, au palais Daguerre, un immeuble antique qui abritait, jadis, le siège du gouverneur de la ville, une voix, en kabyle, fuse parmi les personnes qui se baladaient dans cette esplanade réservée exclusivement aux piétons. Il s'agissait d'un couple originaire de Béjaïa. « Vous êtes venus du bled. Bienvenue. Ici, il ya plein de choses à visiter. Grenoble est la ville de la science et de la culture. Elle a enfanté plusieurs hommes de lettres. Elle est le pôle de la technologie. C'est ici qu'a vécu Kateb Yacine. Il est décédé, d'ailleurs, à l'hôpital la Tranche, juste à quelques encablures en allant vers Echirolles. Vous pouvez visiter de belles places. Mais faites attention. Il ya des voleurs et délinquants dans certains endroits surtout la nuit. », nous a-t-il prévenu. Effectivement, les agressions et les vols, il y en a. Le Dauphiné libéré, un quotidien local qui s'intéresse particulièrement à l'information de proximité, avait écrit le jour-même, qu'un homme a été agressé et dépouillé la veille par deux jeunes qui lui ont subtilisé les clefs de sa voiture, son téléphone portable et sa carte bancaire. Puis, la victime est allée déposer plainte à la police qui lui a montré des photos où il reconnaîtra ses agresseurs, deux jeunes connus pour leurs délits divers dans l'agglomération. Le même journal avait rapporté, le lendemain, que deux frères ont été poignardés en plein centre-ville. « Il ne faut s'aventurer, surtout la nuit dans quelques endroits de l'agglomération. Il y a toujours des risques de se faire agresser par des voyous qui empoisonnent la quiétude des gens », nous dira Mohand, un kabyle de Bouira très courtois et communicatif. Il connaît parfaitement la région. Même son histoire. « C'est à 15 km d'ici, à Vizille, qu'a eu lieu la proclamation de la déclaration internationale des droits de l'homme. La ville de Grenoble a abrité, en 1968, les Jeux olympiques », a-t-il fait remarquer.La précarité perdureAu centre-ville, à la place Verdun, en face du siège de la Préfecture, des membres d'une organisation de réinsertion sociale qui accueille des jeunes en difficulté, organisent une action de protestation. « Il y a une baisse de 3,32%des dotations globales de fonctionnement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale du département, soit un minimum de réduction des budgets de 700 000 euros. Cela laisse envisager à court terme des répercussions catastrophiques sur le secteur, à savoir la réduction des capacités d'accueil, le licenciement des fonctionnaires et la dégradation des conditions d'accompagnement des usagers », a déclaré N. Gaillard, un représentant de ladite organisation qui a estimé que l'Etat annonce plus d'expulsions locatives sans solution d'hébergement. « On va s'acheminer à coup sûr vers la précarité » , a-t-il regretté. La précarité, où plutôt l'incertitude, est un mot que l'on entend revenir dans la bouche de plusieurs citoyens rencontrés çà et là dans l'agglomération. A l'université Stendhal, où la faculté des lettres est en ébullition depuis plus de 11 semaines, les étudiants exigent l'abrogation portant autonomie financière des établissements de l'enseignement supérieur et le retrait des décrets d'application. Ils tiennent quotidiennement leur piquet de grève à côté des tentes de fortune érigées, histoire de décrire, disent-ils, la situation « catastrophique » de la communauté estudiantine si les nouveaux textes régissant l'université venaient à être mis en application. « Apres des mois de grève, l'action continue et nous n'allons pas lâcher prise. On exige aussi le rétablissement des 1000 postes d'enseignants chercheurs », fulmine un gréviste. Toujours dans le campus, notre présence a attiré l'attention d'un jeune étudiant qui s'approche de nous. « Moi, je suis Algérien. Je suis arrivé ici il ya deux ans. Mais, ce n'est pas facile de joindre les deux bouts. Je fais mon master, tout en essayant de bricoler un petit peu. Car un étudiant étranger n'a pas le droit de travailler plus de 20 heures par semaine. Il gagne seulement juste de quoi payer la location. Il doit s'autosuffire financièrement parce que ce n'est pas la France qui va le prendre en charge. Et à la fin de son cursus, il se trouve sans papiers. Il perd, de fait, le statut de résident », appréhende, d'ores et déjà, cet enfant de Tizi Ouzou.Le problème d'intégration persisteLe cas de Brahim, un Amazigh du Maroc, résume en quelque sorte cette situation. Il a décroché son visa d'études en 2001 pour une formation de post-graduation dans l'Hexagone. Jusque-là, tout était dans les règles de l'art, il a obtenu son « parchemin » après quelques années de galère. Mais, aujourd'hui, il est devenu immigré clandestin. Et pour cause, il a perdu son statut d'étudiant. La galère commence. Certes, il a réussi à dénicher un emploi mais ce n'est pas le bout du tunnel. « Un travailleur sans papiers, a-t-il dit, est considéré comme un otage. Il est surexploité par l'employeur étant donné qu'il est constamment soumis à des devoirs sans pour autant bénéficier de ses droits. Selon lui, des sans-papiers sont fréquemment arnaqués par des entrepreneurs qui les font travailler généralement dans les tâches les plus dures comme le bâtiment. C'est un calvaire quand on passe du statut d'étudiant à celui de travailleur sans papiers » , a-t-il dit. Ce n'est pas demain la veille pour ces pauvres malheureux. Il y en a beaucoup. Des Maliens, des Sénégalais, des Tunisiens et des Algériens qui se taillent un pourcentage prépondérant de cette catégorie d'immigrants en Isère tout comme partout ailleurs dans les autres villes de France. « On est carrément rejetés. J'ai perdu 80% de mes amis parce que je suis dans cette situation. Les filles, surtout les beurettes, refusent d'épouser quelqu'un qui n'est pas stable sur le plan administratif. Il ya aussi des gens qui perdent espoir, voire même ceux qui tentent de se suicider », affirme notre interlocuteur. En dépit des efforts des organisations de soutien aux immigrants sans papiers, à l'image du Centre interpeuples, des centaines, voire des milliers de jeunes en provenance particulièrement des pays du tiers monde, sont mal traités, entassés, dans conditions lamentables, à l'intérieur des structure de rétention. La vie est rude dans l'Hexagone. La société française est froide à l'égard des étrangers. Le monde occidental est confronté à de nouvelles cultures. Le problème d'intégration persiste. Même ceux qui sont nés en France, mais d'origine étrangère ne sont épargnés. Ils sont mis dans des quartiers appelés au commencement « cités dortoirs ». Les images laissent véritablement penser à des pratiques angoissantes. Ces endroits sont frappés par les fléaux sociaux tels que la toxicomanie et les vols. Ces jeunes ont un mal de repère. Ils sont devenus agressifs pour exprimer leur désolation. En France, le chômage devient galopant dans la mesure où la fermeture des sociétés ne cesse d'augmenter, laissant sur le bord de la route de nombreux travailleurs. Ainsi donc, l'on note, à titre illustratif, la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise Echirolloise spécialisée dans la tôlerie, provoquant le licenciement d'une quinzaine d'employés. Enfin, il y a quand même, une minorité, certains jeunes étrangers qui arrivent à s'en sortir occupent des postes prépondérants dans des entreprises et à l'université. C'est en somme l'élite des pays du tiers monde qui est acceptée et bien considérée là où d'autres citoyens de la même provenance sont maltraités et rejetés.
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