Algérie

LA FABLE DU BON PRINCE



Le président syrien Bachar Al-Assad, quand il parle, ne fait qu'ajouter à la perplexité de ceux qui observent un régime aux abois, incapable d'apporter les bonnes réponses à l'énorme contestation dont il fait l'objet. Sa dernière trouvaille consiste à dire qu'il n'est pas responsable des violences qui sont commises par les services de sécurité syriens. «Je suis président. Je ne suis pas propriétaire du pays. Ce ne sont pas mes forces».
Cette réponse, formellement républicaine, est politiquement et moralement aberrante. Ce que suggère sous forme de justification le président Assad est que le régime syrien est tiraillé entre des clans ayant des intérêts et des visions différentes sur la manière de résoudre le «problème» que leur posent des Syriens en révolte. Bien entendu, il n'est pas exclu que des clans au pouvoir d'un régime acculé jouent chacun sa propre partition pour les lendemains d'un éventuel effondrement. On peut même imaginer que les plus impliqués dans la répression ont le sentiment de n'avoir plus d'autre issue que de s'enfoncer davantage dans la répression.
On ne s'étonnera pas que face à une remise en cause aussi forte, la réflexion de ceux qui ont contrôlé la Syrie pendant des décennies cède le pas à la réaction sectaire. Et à la tentation du pire. Le fait que le régime ait refusé sans vraiment rompre les offres faites par la Ligue arabe sur l'envoi d'observateurs est effectivement un indice des grands tiraillements internes. La répression comme réponse n'ayant pas remis les Syriens dans les rangs, le régime est dans l'impasse. La cohésion de ses forces armées, plus ou moins préservée jusqu'à présent malgré une multiplication de défections, pourrait ne pas tenir longtemps.
Mais ces constats, qui peuvent être faits par un observateur extérieur de l'épouvantable crise syrienne, ne peuvent en aucun cas servir d'explications à quelqu'un qui détient officiellement les rênes du pouvoir. M. Bachar Al-Assad n'est pas propriétaire de la Syrie, on veut bien faire l'effort de le croire, encore que ses proches ont montré par leur action et leur comportement qu'ils se considèrent les possédants du pays, prêts à le brûler plutôt qu'à le céder aux Syriens. Mais tous ces éléments ne peuvent servir d'arguments à un président. Si M. Bachar Al-Assad n'a plus aucune autorité sur les services de sécurité et sur les «chebiha», il ne peut se contenter de dire «ce n'est pas moi». Il va sans dire que cet argument paraîtra ridicule aussi bien à ceux qui sont hostiles depuis toujours à la Syrie et le resteront après la chute du régime qu'à ceux également qui s'inquiètent pour la Syrie et son devenir.
La tradition arabe qui consiste à être au pouvoir tout en prétendant ne rien pouvoir tourne au mauvais gag. Dans les sociétés en ébullition, on a cessé, depuis longtemps, de dire que «le Prince est bon» et «le mal vient de l'entourage». Au contraire, le roi est nu. Les formes épousent le fond : si M. Bachar Al-Assad n'a pas de pouvoir sur les forces de sécurité, pourquoi continue-t-il à exercer la fonction de président de la République ' Car, à ce niveau du pouvoir, invoquer l'irresponsabilité n'a pas de sens.


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