Il sera projeté à Constantine le 25 juillet. Courez-y le voir. Ce film est drôle, touchant et parle d'un sujet de fond. Rencontre à Alger, avec le réalisateur de Good Luck Algeria qui signe avec son premier long métrage, un film givré au sens positif du terme. Zoom sur les secrets de son tournage...L' Expression: votre film a reçu lors de sa projection au théâtre de Verdure d'Alger, beaucoup d'applaudissements, ce qui prouve son côté positif qui a interagi avec le public, il a plu car vous montrez la double nationalité de façon bien apaisée. Vous ne la traitez pas de façon négative, telle qu'elle est montrée dans les médias français ou certains films notamment...Farid Bentoumi: J'ai voulu montrer surtout que c'était simple, que ça existe, le fait qu'on soit beaucoup des binationaux très bien intégrés dans la société française mais pas des binationaux à problèmes. Je voulais parler de ces invisibles-là. D'ailleurs, les binationaux peuvent être aussi franco-turcs, franco-espagnols par exemple, pas seulement franco-algériens et qui sont très bien intégrés, mais on n'en parle pas car ils parlent très bien français ou ils ont fait des études ou pas et font leur métier et qui ne revendiquent pas toujours en se levant le matin, leur double nationalité. On n'a pas à revendiquer sa double nationalité. On la vit. Cela fait partie de notre culture, notre richesse. Dans le film, cette richesse fait partie du héros du film. Son père est comme ça. C'est un Algérien, après il se déguise en père noël, il marche en raquettes dans la neige mais c'est quand même un Algérien. Il a été élevé comme ça. Mais au quotidien Sam, le personnage du film, n'est pas dans la revendication. Moi quand je me lève le matin, je ne me dis pas: Ah je suis franco-algérien!. Ma vie, je ne la vois pas en tant que binational mais en tant qu' auteur, réalisateur, père de famille... Il y a une tendance médiatique et politique en France de pointer comme ça les immigrés en disant que c'est de leur faute. A chaque fois qu'il y a des problèmes sociaux, on pointe du doigt les immigrés. Alors que non, ce n'est pas parce qu'on a des racines différentes et qu'on est des binationaux qu'on pose problème à la société. On peut fabriquer des skis 100% français alors qu'on est d'origine algérienne et on s'appelle Samir Zitouni.Otre Sami Bouajila qui joue le mari, vous évoquez aussi la double nationalité de son épouse qui, franco-italienne, est campée par Chiara Mastroianni...C'était important pour moi que ce binational franco- algérien soit marié à une binationale. Ça nous permet de comparer deux émigrations. Une italienne et l'autre algérienne. Quelqu'un qui s'appelle Mastroianni, on lui demande plus ses origines. Il est français il a juste un nom à consonance italienne. Je pense que dans 30 ou 40 ans on ne demandera plus à des gens qui s'appellent Bentoumi ou Zitouni de quelle origine ils sont. Quand on me demande de quelle origine je suis, je réponds que je suis savoyard et ça contourne le problème. Et Samir pareil quand on lui pose la question il dit qu'il est de Grenoble. Il ne dit pas qu'il est algérien ou tunisien ou marocain.Vous avez conscience que votre film est sorti à une période très chaude politiquement en France où la question de l'identité nationalité était en plein centre du débat...Le film est sorti le jour même où ils ont annulé cette histoire de la déchéance de nationalité.Quelle a été la réaction du grand public et éventuellement de la classe politique hormis de la critique qui a été plutôt en faveur du film justement'J'ai eu très peu de mauvaises réactions. J'ai plutôt eu une certaine réaction dubitative surtout de la part d'une presse cinéphile un peu spécialisée qui disait que le film n'avait pas une grande originalité sur le plan cinématographique, mais sur les propos je n'ai pas été critiqué. Même dans les journaux très à droite comme Valeur Actuelle ou comme le Figaro, bien au contraire, le film a été bien vu car il est suffisamment ouvert, généreux et positif pour qu'on puisse reconnaître l'existence de ce héros. Après, il y aura toujours des gens pour dire que c'est un exemple d'émigration positive et la plupart des émigrés ne sont pas bien. Tant pis! Ça existera toujours ce genre de discours. Ce film c'est ma vision et puis c'est important pour tous les binationaux comme moi. Il y a énormément de personnes binationales qui viennent me dire après la projection, merci d'avoir fait ce film, car personne ne nous donne jamais notre point de vue. On ne s'adresse aux gens qu'à la sortie des mosquées en les interpellant sur leurs origines.Pourquoi avoir tourné le village, kabyle au Maroc'En fait on avait prévu de tourner en Algérie... et il y a eu un randonneur français qui s'est fait assassiner juste avant le tournage. Les assurances françaises n'ont pas voulu qu'on tourne en Algérie. On a dû décaler au dernier moment et trouver une production. On n'a fait les images qu'à Alger. C'est un grand regret de ne pas avoir pu tourner en Algérie. Je suis venu aux JCA deux fois, aux RCB qui sont vraiment intéressantes, et à chaque fois je rencontre des gens comme Karim Moussaoui ou Yanis Koussim et d'autres qui essayent de relancer le cinéma algérien et de créer un nouveau souffle au 7ème art algérien qui s'est arrêté pendant l'état d'urgence et le terrorisme et moi je voulais faire retravailler des techniciens ici, prendre des comédiens que j'avais repérés dans les films de Lyès Salem, mais je n'ai pas pu à cause de ces histoires d'assurance. C'était triste et j'espère que les Algériens ne m'en voudront pas d'avoir tourné au Maroc en faisant semblant que c'est en Algérie. Derrière, il y a beaucoup de travail, il y a des sons que je suis revenu prendre à Alger, des ambiances, la voix des enfants que je suis revenu enregistrer pour remettre leurs voix sur le film. Dans les champs des oliviers, on a tourné chez les berbères marocains. On a dû remettre des sons des récoltes algériennes. Pour le taxi longue distance, on en a pris un marocain, on l'a peint en jaune puis on a dû le rendre à son propriétaire dans son état en le repeignant en marron. Quand on tourne dans la rue, on a dû changer toutes les immatriculations marocaines et mettre des algériennes. Beaucoup de travail en plus et des difficultés à trouver les décors. Les villages marocains ne ressemblent pas à ceux d' Algérie. Ils sont beaucoup plus construits en parpaing, en béton, alors qu'au Maroc c'est encore de la terre. Il fallait que je sois très exigeant côté décor. Un film qui s'appelle Good Luck Algeria je savais qu'il allait être vu par les Algériens et je savais aussi que la première des critiques allait être celle-là. Pour l'accent, je l'ai travaillé le plus possible avec les comédiens.Finalement, la question que je devais vous poser au départ est: pourquoi ce film'j'ai commencé à l'écrire en 2011 j'en avais marre des discussions autour des immigrés, qu'on me parle toujours en me disant et toi le Franco-Algérien que penses-tu du voile' de l'islam' de Daesh etc. Or, j'avais envie de dire que ces questions ne sont pas plus centrales dans ma vie que dans la vôtre. J'évolue en France comme n'importe quel autre Français. Quand je rentre en Algérie je suis algérien, j'ai mon passeport algérien, j'ai une famille en Algérie, j'ai des origines comme certains en ont en France, en ayant des origines à Marseille ou en Bretagne. Je suis biculturel. Ce mélange qui est à l'intérieur, en nous, est beaucoup plus simple que ce que l'on imagine. Il n'est pas coupé en deux. Ce ne sont pas des oppositions en tout cas. Ce n'est que de la richesse!
Posté Le : 29/06/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : O HIND
Source : www.lexpressiondz.com