Algérie

La double détresse des laissés-sur-le-carreau


Ils sont des centaines de milliers d'Algériens, jeunes et moins jeunes, à subir la double peine de la crise sanitaire. Certains d'entre eux vivent la pandémie dans leur corps, dans la douleur de leurs proches malades ou, comme tout le monde, dans la détresse de ceux qui ont peur. L'évolution de la situation n'est pas vraiment rassurante, c'est le moins qu'on puisse dire ; s'y ajoute la détresse sociale de la marmite qui ne bout déjà que par la débrouille de bric et de broc, quand ce n'est pas par la solidarité familiale qui, par bonheur, n'a pas encore tout à fait déserté la société. Ils sont, à des niveaux d'infortune différents, beaucoup plus nombreux que ça mais il faut bien s'arrêter aux plus faibles. «Eux», travaillaient dans les petits restaurants, les cafés, les bars, les hôtels de seconde ou de dernière zone. Autant dire qu'en «temps normal», avant que ne survienne le coronavirus, leur vie n'était déjà pas très confortable. Rémunérés au salaire de survie, sans couverture sociale, l'immense majorité d'entre eux travaillent loin de chez eux, dorment sur des matelas rachitiques étalés sur des tables ou à même le sol et se nourrissent de sandwiches de rien. Ils sont renvoyés sans autre forme de procès avec, dans le meilleur des cas, une promesse de «reprise» faite la main sur le c?ur. Appréhendant parfois une «descente» des services de l'emploi pour un «contrôle inopiné», les patrons ont leur astuce infaillible : ils les recrutent et, au bout de trois mois, délai approximativement légal avant la déclaration à la Sécurité sociale, ils s'en séparent pour engager d'autres qu'ils vont virer dans les mêmes conditions pour une nouvelle «fournée». Ainsi va la machine du travail au noir. Enfin, au noir... légal, puisque le tout est de notoriété publique. Les «contrôleurs» viennent à la tchipa ou sont mobilisés par la hiérarchie qui veut se donner bonne conscience. Sinon, on improvise au sommet des missions de «conjoncture». À l'occasion d'échéances politiques pour dire au petit peuple que l'Etat veille ou quand il s'agit de calmer une colère sociale qui gronde. Tous ces bataillons qui vivotaient dans l'indigence et la précarité découvrent maintenant le pire, ils n'ont même plus le minimum qui leur permettait de voir venir. Un «voir venir» qui, souvent, dure et parfois les accompagne jusqu'à la fin de leurs jours. Qui s'en soucie ' Que fait-on pour eux en ces temps de double détresse ' Dans leur tête, il n'y a aucune illusion. Si on avait un jour pensé à eux, ils l'auraient su depuis longtemps. Il faut maintenant penser à leur désespoir. Plus précisément à la colère de leur désespoir.S. L.
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