On racontait que dans le village de Sainte-Amélie, dans la Mitidja, non loin d'Alger, habitait une Djennia merveilleusement belle. Cette fée se nommait, dit-on, Mitidja. Son palais, construit par les génies, était superbe ; les colonnes d'albâtre, les coupoles étincelantes, les balcons d'or travaillés ne pouvaient s'y compter tant ils étaient nombreux. Dès qu'un voyageur venait à passer dans les environs, les serviteurs de la Djennia l'avaient bientôt amené au palais de la fée. Aussitôt, des nègres le débarrassaient de ses vêtements poudreux, le conduisaient aux étuves et le revêtaient d'habillements de la plus grande finesse. Dans une salle toute pavée de pierres précieuses, la princesse Mitidja recevait le voyageur et le faisait prendre sa part d'un festin où étaient servis les mets les plus succulents, et où les vins les plus exquis étaient versés dans des coupes d'or fin. Des danseuses choisies parmi les autres fées, compagnes de la Djennia, se livraient aux danses les plus enivrantes aux sons d'un orchestre invisible de Djouak, de Kanoun, de Derbouka et de mille autres instruments. Puis, la Djennia conduisait l'heureux voyageur dans une salle plus merveilleuse encore où l'attendaient tous les plaisirs. Le lendemain, le voyageur reprenait, à regret, sa route emportant sur son chameau mille présents de la Djennia qu'il ne devait jamais plus revoir. Il arrivait parfois que les serviteurs de la fée ne pouvaient parvenir à rencontrer le voyageur cherché. Alors, le palais de la Djennia s'embrasait éclairant dans le lointain et appelant l'attention des gens égarés aux environs. La princesse Mitidja, vêtue d'une longue robe blanche, ses longs cheveux noirs en désordre sur ses épaules nues, errait par les bruyères en fleurs, chantant tristement et répandant par les airs des parfums voluptueux qui portaient au loin l'égarement et la passion dans le cœur des mortels. Mais la belle Djennia vieillit ; ses longs cheveux noirs blanchirent à la longue ; ses beaux yeux perdirent leur vivacité, ses joues se creusèrent, et la lente maladie bleuit ses chairs autrefois si roses. Les génies du lieu moururent les uns après les autres ; le merveilleux palais s'écroula, et de ses ruines, un seul puits profond resta. Au fond de ce puits on pouvait voir, durant les années 1900, dans un linceul, la Djennia Mitidja qui, malgré les ans, brûle encore de l'amour qui toujours la consuma. Cette légende, faut-il le rappeler, a été souvent racontée par nos grands-mères durant les années soixante.
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Posté Le : 21/12/2020
Posté par : aprincess
Ecrit par : Mohamed Medjahdi
Source : https://www.djazairess.com/fr/horizons/147151