Algérie

La distribution entachée d'irrégularités



La distribution entachée d'irrégularités
L'affluence que connaissent les huit centres de distribution donne une idée, on ne peut plus claire, sur le marasme social qui persiste dans la wilaya. Véritable casse-tête pour les responsables à tous les niveaux, la distribution du couffin du Ramadhan est une opération aussi éprouvante que délicate où l'on n'a pas le droit de trébucher sous peine d'être assimilé à un bâton dans les roues du département de Ould Abbes. Assistanat et action conjoncturelle sans portée sociale pour les uns, prise en charge des couches défavorisées pour une durée d'un mois pour les autres, les opinions varient d'une personne à une autre et les critiques aussi. Soit. L'acheminement des rations alimentaires acquises avec l'argent du Trésor public n'est ni une sinécure ni une tirelire entre les mains d'un prophète. L'affluence que connaissent les huit centres de distribution donne une idée, on ne peut plus claire, sur le marasme social qui persiste à Souk Ahras. Echauffourées, empoignades, propos injurieux à l'adresse des élus 'bref, une anarchie qui n'enchante personne, les élus communaux en première position. Dans la quasi-totalité des municipalités des voix s'élèvent, chaque année, pour dénoncer des irrégularités dans l'opération et plusieurs enquêtes judiciaires ont révélé l'implication de plusieurs édiles dans des détournements de couffins ou leur utilisation à des fins électoralistes. C'est surtout le chef-lieu de la wilaya qui connaît une pression et où un scandale a éclaboussé, en 2008, la gestion de la commune.Plus de 6 000 couffins y sont prévus, en sus de 1000 autres accordés en renforcement, croit-on savoir auprès des membres de l'APC. A Sédrata, deuxième daïra, après celle de Souk Ahras, les citoyens reconnaissent aux élus la transparence dans la confection des listes des nécessiteux et leur reprochent, toutefois, l'éloignement du centre de distribution. Des personnes âgées et autres impotentes doivent parcourir des kilomètres, attendre des heures pour recevoir leurs couffins et revenir le soir l'échine courbée à cause de la fatigue. Cette année encore, une enveloppe de 50 MDA(millions) a été allouée par la wilaya pour couvrir l'achat de 9 200 lots de produits alimentaires devant être distribués aux nécessiteux des 26 communes.Des lots en deçà des besoinsPlusieurs P/APC estiment, sous le sceau de l'anonymat, que le nombre des lots qui leur ont été accordés et en deçà des besoins de leurs municipalités. D'autres ont carrément qualifié l'opération de rude épreuve à cause de ses risques sur la stabilité de la commune. Pour une population d'environ 500 000 habitants, Souk Ahras est une wilaya qui compte officiellement 26 160 familles nécessiteuses. Un nombre élevé situé à mi-chemin de deux lectures. La première est la suivante : la paupérisation rampante a affecté au moins le 1/5 de la population si l'on tient compte du chiffre avancé plus haut multiplié par les membres d'une famille moyenne. Point de bilan de bonne santé dans ce cas ou d'euphémismes allant à contresens des réalités sociales. Le cas échéant, une deuxième lecture s'impose : le nombre des nécessiteux serait soit dopé à cause d'opérations de recensement réalisées dans la précipitation et marquées par un manque de professionnalisme criard chez des agents recrutés sans formation ni profil, soit à cause de dons parallèles de lots, prémédités par des élus qui, parfois, confectionnent eux-mêmes les listes.Des irrégularités sont signalées, chaque année, à travers les 26 communes, notamment au niveau du chef-lieu de la wilaya où deux affaires judiciaires, l'une traitée avec célérité et l'autre pendante depuis une année, ont dévoilé des pratiques frauduleuses dans la distribution des couffins. Le chef-lieu frôle l'émeute. Au cinquième jour du mois de Ramadhan, Souk Ahras a été au bord de l'émeute. Plusieurs dizaines de nécessiteux lésés ont pris d'assaut le siège de l'APC pour dénoncer les graves anomalies qui ont accompagné l'opération de distribution des couffins. Un groupe parmi eux nous a déclaré, à l'unisson, que les listes officielles des démunis n'ont pas été respectées et que la priorité a été accordée aux amis et parents de certains élus communaux. Un autre citoyen présent sur les lieux de la protestation s'est demandé si la copie d'une carte d'identité nationale, demandée pour la remise des couffins du Ramadhan, est capable de situer le rang social du demandeur. « On remplace les listes par d'autres », a lancé un autre citoyen mécontent. Hier encore, au centre de distribution de l'école Mecelti Mahmoud, la colère était au summum. Des femmes et hommes qui faisaient le pied de grue depuis plusieurs heures demandaient avec insistance leurs lots. L'un des contestataires s'est détaché de la masse pour se faire entendre. « Ces listes sont préétablies au pif et sur lesquelles figurent des noms de personnes aisées qui ont été retenues », a-t-il crié.D'autres réclamaient leurs noms qui ont bizarrement disparu des listes, confectionnées, nous dit-on sur place par deux vice-présidents de l'APC au moment où le maire était en congé. Arrivés sur les lieux, deux élus chargés de ce centre ont été assaillis par une foule compacte, notamment des gens venus s'enquérir des causes de la disparition de leurs noms des listes des bénéficiaires. De l'autre côté, un homme assis sur le trottoir, visiblement âgé, aux rides prononcées et aux paupières relâchées, murmure et passe à l'acte. Il lance des propos blasphématoires vers le néant, fait deux pas et découvre ses parties intimes. Cas de dépression aiguë, nous dira son compagnon.Les associations dénoncentLes associations sont sorties de leur réserve pour dénoncer les anomalies qui ont accompagné les opérations de la confection des listes et de la distribution des lots. Noueddine Nafaa, le président d'une association de quartier n'est pas allé du dos de la cuillère pour fustiger les vice-présidents de l'APC pour les dépassements multiples et le parti pris constaté dans la distribution des couffins. Il a déclaré ceci : « Je me suis rendu au vice-président chargé des affaires sociales un mois avant le mois de Ramadhan pour confirmation de l'état des nécessiteux de ma cité. Il m'a rassuré que les listes de l'année passée ont été toutes maintenues. Simple dérobade pour gagner un temps nécessaire pour la confection de listes barbares sur la base d'une simple carte d'identité nationale ; comme si cette pièce était révélatrice de pauvreté ou, au contraire, d'opulence. Le même élu me répondra avec véhémence le jour où j'ai découvert la couleuvre que j'étais venu en retard. Le P/APC qui était en congé nous a promis de remédier au problème. » Enquête judiciaire, an 1.Dans leur rapport d'enquête, présenté depuis plusieurs mois devant le parquet, les investigateurs du 5ème arrondissement de la sûreté urbaine ont confirmé l'implication de deux élus de l'APC de Souk Ahras dans un détournement de couffins du Ramadhan. Enquête dont les faits remontent à l'année 2008. Des noms de personnes décédées, inscrits à bon escient sur la liste des bénéficiaires, de fausses identités, la disparition inexplicable de plusieurs noms des listes des nécessiteux dûment établies par les services communaux, quantité réduite des aliments, vente de produits alimentaires à des commerçants ambulants et autres sédentaires sont autant d'irrégularités révélées par les services de sécurité, sur la base de renseignements et de documents fournis par des citoyens. Le préjudice causé au Trésor public est estimé, quant à lui, à des millions de dinars d'après une source responsable. Une année après l'ouverture de l'instruction judiciaire, le dossier demeure sans suite et les spéculations vont bon train. Le suspens qui entoure l'affaire plaide en faveur de l'existence de fortes injonctions et d'une impunité devenue coutumière à Souk Ahras. Un représentant d'un comité de quartier, pris en flagrant délit de détention de trois couffins a été, en revanche, jugé et condamné à deux mois de prison avec sursis dans un délai record.


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