Algérie

La direction régionale des douanes de Annaba accablée par l'IGF : Courant de fraude, opacité et dysfonctionnements


Choix orienté vers des inspecteurs dans le traitement de certains dossiers douteux», «liquidation anormale des déclarations dans des délais très courts et autres plus d'une année après», «taxation sans reconnaissance physique des marchandises», ou encore «absentéisme des inspecteurs liquidateurs», ce sont là quelques constatations parmi plusieurs autres relevées par l'Inspection générale des finances (IGF) dans son rapport qui a ciblé la direction régionale des Douanes algériennes de Annaba.Transmises à la direction générale des Douanes à Alger, les conclusions de ce rapport qui couvre la période de 2014 à 2017 ont été à leur tour adressées au directeur régional des Douanes de l'époque (juillet 2016/juillet 2018), Belkheir Hamel, à l'effet de répondre à ces graves manquements. Selon ce document, daté du 10 juin 2018 et frappé du sceau «confidentiel», dont El Watan détient une copie, le nombre de déclarations ayant été liquidées en respect des délais prévus, soit huit jours, a enregistré un recul de 17,23% au 30 avril 2017 comparativement à l'année 2014. «A titre d'exemple, 186 déclarations en 2014, 251 en 2015 et 48 en 2016 ont été traitées plus d'une année après leur dépôt au lieu d'un délai limité à huit jours», relèvent les inspecteurs de l'IGF.
Courant de fraude
Pis, ce rapport révèle que le processus informatisé de la cotation des déclarations est manipulable. «L'examen de ce processus à travers l'exploitation de la base de données du CNIS et le contrôle de certaines déclarations au niveau des différents bureaux des douanes ont permis de constater que certains dossiers de déclarations souscrites à des transitaires ont été cotés d'une manière orientée, à des inspecteurs choisis (?). Cette manière d'agir peut constituer un courant de fraude entre le transitaire et l'inspecteur vérificateur», estiment les enquêteurs de l'IGF. En effet, plusieurs dossiers douteux ont fait l'objet de scandales, notamment au port de Annaba, où la fraude, la contrefaçon, les fausses déclarations sont légion.
Cela impacte négativement le travail de l'Inspection principale aux contrôles des opérations commerciales (Ipcoc). Justement, ce volet a également fait l'objet d'acerbes critiques de l'IGF qui note : «Les Ipcoc, au niveau des différents bureaux des Douanes, n'assurent guère leurs responsabilités en matière de contrôle des opérations de dédouanement des marchandises, en laissant toute latitude aux inspecteurs vérificateurs placés sous leur autorité. En effet, ces derniers jouissent d'un pouvoir discrétionnaire important concernant la liquidation des déclarations en douane.
Ils statuent librement et de façon aléatoire sur les éléments de la taxation et tendent à se décharger de leur rôle lorsqu'il s'agit de reconnaissance physique des marchandises, en confiant assez souvent cette tâche aux agents des brigades qui ne disposent pas des compétences et qualités professionnelles requises en la matière.»
Et d'affirmer : «Ce constat est confirmé à travers l'examen de certaines opérations d'importation (hors produits périssables et dangereux), admises en circuit rouge (nécessitant une visite physique des marchandises) dont les déclarations ont été anormalement liquidées dans des délais très courts (?). Il résulte de cette situation des visites fictives dues au volume important des marchandises à vérifier, des reconnaissances erronées, des inexactitudes dans les résultats et, enfin, des retards dans l'enlèvement des marchandises.»
Appréciation obsolète de la valeur des marchandises
Durant sa mission de contrôle, l'IGF a relevé que l'inspecteur liquidateur ne dispose pas de support technique ou d'outils lui permettant de se prononcer sur la valeur déclarée en cas de majoration ou minoration. C'est pourquoi, il a été constaté par les inspecteurs de l'IGF que l'appréciation de la valeur diffère d'un inspecteur à un autre. «Les moyens mis à la disposition de l'inspecteur liquidateur en matière de définition de la valeur en douane restent très limités. En effet, à l'exception des bases de données disponibles pour certains produits intégrés dans le système Sigad (les valeurs fourchettes et produits boursiers), du matériel de travaux publics, l'inspecteur se trouve sans aucune référence lors du contrôle de la valeur en douane (?).
Certains inspecteurs liquidateurs procèdent souvent à l'établissement de contentieux pour ?fausse déclaration de valeur?, qui aboutissent souvent à des redressements sans justification et sans qu'aucune authentification ne soit faite auprès du pays de l'origine de la marchandise. Ceci constitue une transgression des dispositions de l'article 16 du code des Douanes, complété et modifié, qui charge l'administration des Douanes d'apporter la preuve en cas de doute sur la valeur déclarée.
Ces contentieux établis demeurent non justifiés et non fondés», tranche l'IGF. Le cas de l'équipement de la SPA EvCon Industry, filiale de Cevital, retenu actuellement au port sec Atlantic de Boudouaou, dans la wilaya de Boumerdès, illustre justement cette insuffisance professionnelle des Douanes algériennes, relevée par les inspecteurs de l'IGF. Force est de rappeler que cette opacité et ces dysfonctionnements interviennent alors que la justice instruit actuellement deux affaires de contrefaçon et de transfert illicite de devises.
Saisie, la justice à Annaba a entamé le 17 juillet dernier les procédures pénales, où l'ex-directeur régional des Douanes algériennes et huit douaniers ont été placés en liberté provisoire, tandis que huit autres douaniers, entre cadres et agents, ainsi qu'un déclarant en douane ont été mis sous contrôle judiciaire.
Au total, ils étaient 42 individus, dont deux femmes, à être entendus par le parquet avant que leur dossier ne soit transféré vers deux chambres d'instruction près le même tribunal. Paradoxalement, le sous-directeur régional du contentieux qui assurait l'intérim n'a pas saisi la justice lors du déclenchement de cette affaire au niveau du port de Annaba. Ce qui a poussé le juge d'instruction à demander aux enquêteurs de la gendarmerie locale à effectuer une enquête complémentaire qui inclura vraisemblablement la responsabilité de ce service.
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