Algérie

La diplomatie et la Révolution algérienne



Par Ali Cherif Deroua
Tout le monde reconnaît que la Déclaration du 1er Novembre 1954 est le premier acte officiel de la Révolution algérienne.
Tout le monde reconnaît aussi que cette déclaration est la Charte officielle de la Révolution, recommandant les objectifs à atteindre et les moyens à utiliser pour y parvenir.
Cette déclaration précise les objectifs intérieurs, les objectifs extérieurs et les moyens de lutte pour y parvenir.
Dans cette déclaration, il est écrit noir sur blanc : pour parvenir à ces fins, le Front de libération nationale aura deux tâches essentielles à mener de front et simultanément
- une action intérieure, tant sur le plan politique que sur le plan de l'action propre.
- Une action extérieure en vue de faire du problème algérien une réalité pour le monde entier avec l'appui de tous ses alliés naturels. Dans cet article, j'essayerai de faciliter au lecteur, dans la mesure du possible, en toute honnêteté, en toute neutralité, en toute objectivité, de se faire sa propre opinion, en lui présentant le contexte régional et international de l'époque et ce, uniquement pour l'action extérieure programmée dans l'appel du 1er Novembre 1954.
Situation en France
Le 6 février 1954, la zone militaire de Dien Bien Phu est encerclée par les troupes du Viet Minh du général Vo Nguyen Giap, le 13 mars est déclenché l'assaut contre la base, le 7 mai, l'armée française est défaite avec la capitulation de la base et 10 000 soldats faits prisonniers par les troupes de Giap.
Lecteurs, imaginez-vous un seul instant le désespoir de toute la France et aussi l'espoir qu'a fait renaître en nous une telle débâcle. À titre d'exemple, je vous cite la formule de Ferhat Abbas, loin d'être un anti-français : «Dien Bien Phu ne fut pas seulement une victoire militaire. Cette bataille reste un symbole. Elle est le Valmy des peuples colonisés. C'est l'affirmation de l'homme asiatique et africain face à l'homme de l'Europe. C'est la confirmation des droits de l'Homme à l'échelle universelle. À Dien Bien Phu, la France a perdu la seule légitimation de sa présence, c'est-à-dire « le droit du plus fort ».
Le 12 juin 1954, le gouvernement Laniel démissionne après un vote de confiance négatif de l'Assemblée. Il est remplacé le 18 juin par Pierre Mendes France avec un score remarquable, 419 voix pour, 47 voix contre et 143 abstentions.
Le 30 août 1954, l'Assemblée française refuse de ratifier le traité de la Communauté européenne de défense pourtant signé par Antoine Pinay en tant que chef du gouvernement. Ce refus ne fera pas plaisir aux cinq autres partenaires, à savoir la République fédérale d'Allemagne, l'Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg. Un point de vue personnel: c'est ce refus d'adhésion qui, à mon avis, a poussé les autorités des trois premiers pays à fermer les yeux sur la présence et les agissements du FLN sur leur territoire et ce, dès le début du déclenchement de la Révolution. Cet avis sera explicité dans les prochains articles intéressant ces pays.
Situation en Tunisie
Après le déclenchement d'une lutte armée depuis le 18 janvier 1952, après l'arrestation de Bourguiba, après l'assassinat de Hadi Chaker, figure emblématique du Néo Destour, puis celle de Ferhat Hached, président de la Centrale syndicale tunisienne (UGTT), une lutte d'indépendance de plus de deux ans, le pouvoir français, par la voix de son chef du gouvernement, annonce l'octroi de l'autonomie interne à la Tunisie le 31 juillet 1954. Le 13 septembre débutent des négociations sur l'autonomie entre la France et le Néo Destour via un gouvernement dirigé par Tahar Ben Ammar avec plusieurs pontes tels que Mongi Slim, Mohamed Masmoudi, Sadok Mokadem, et Hedi Nouira comme ministres.
Situation au Maroc
Le 20 août 1953, le sultan du Maroc Mohamed Ben Youssef, futur roi Mohammed V, est destitué par la France et remplacé par un proche cousin, Mohamed Ben Arafa. Depuis cette date, le Maroc vit une période difficile avec des attentats de part et d'autre, tentative d'assassinat du nouveau roi, attentat le 24 mai 1954 contre le Résident général au Maroc, le général Augustin Guillaume, attentat le 30 juin contre le directeur du journal La Vigie, Emile Eyraud, qui a succombé à ses blessures, ainsi que d'autres attentats presque tous les jours. Le 23 août 1954, Mendes France annonce la création d'un conseil d'étude des réformes au protectorat marocain. La situation au Maroc est très critique pour l'occupant.
Situation en Egypte
Le 27 juillet 1954, Nasser, chef du gouvernement égyptien et ministre de l'Intérieur, signe avec les Anglais l'accord de Suez qui autorise les troupes britanniques à rester pendant vingt mois dans la zone du canal de Suez et quitter définitivement le territoire égyptien. Ce traité sera ratifié le 19 octobre 1954.
Le 26 octobre 1954, Nasser est victime, à Alexandrie, d'un attentat manqué, présumé être l'?uvre des Frères musulmans.
Le nommé Mohamed Abdel Latif, auteur de l'attentat, a tiré à 10 mètres de distance les 8 balles de son révolver sans toucher Nasser. Celui-ci, au lieu de perdre son sang-froid, a repris son discours, discours avec lequel il s'est fait aimer et aduler par le peuple égyptien dont voici l'extrait qui a fait tilt : « Mes concitoyens, mon sang coule pour vous et l'Egypte. Je vivrai pour votre salut et mourrai pour le salut de votre liberté et votre honneur. Laissez-les me tuer ; cela m'importe peu car j'ai insufflé la fierté, l'honneur et la liberté en vous. Si Gamal Abdel Nasser doit mourir, vous serez tous des Gamal Abdel Nasser. Gamal Abdel Nasser est l'un d'entre vous et il est prêt à sacrifier sa vie pour la Nation .»
Cette phrase a changé le cours de l'histoire égyptienne. Elle a permis, entre autres, à Nasser de dissoudre le parti des Frères musulmans, à exécuter six d'entre eux et à destituer le général Naguib de son poste de président de la République pour, entre autres, sa proximité avec les Frères musulmans.
La description du contexte historique telle que présentée, de l'année 1954, vous facilitera la lecture des articles qui vont suivre et dont le prochain aura pour titre et sujet : Nasser et la Révolution algérienne. Soyez-en sûrs, vous ne serez pas déçus.
A. C. D.


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