Algérie

La diplomatie à la carte



Le grave dérapage vécu dimanche dans les tribunes du stade Omar Hamadi, à Alger, lors de la rencontre de football ayant opposé l'USM Alger à l'équipe irakienne des Forces Aériennes et qui avait vu les supporters de l'équipe locale entonner un chant à la gloire de Saddam Hussein et tenir des propos outrageants et blasphématoires à l'encontre du culte chiite, n'en est pas un pour le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Hattab, qui a qualifié froidement l'événement d'«acte isolé».Les joueurs et le staff irakiens, qui ont décidé de quitter le terrain en signe de protestation contre ce comportement inamical et condamnable, n'avaient apparemment pas chaussé les mêmes lunettes que le ministre pour apprécier différemment l'ambiance survoltée dans les tribunes.
Un acte isolé est, par définition, l'?uvre d'une poignée d'individus faciles à maîtriser et à neutraliser. Mais lorsque c'est tout un stade qui donne de la voix et reprend en ch?ur des propos injurieux, irrévérencieux, touchant, suprême provocation, jusqu'aux croyances religieuses de nos invités, l'acte se doit d'être courageusement assumé et fermement condamné par les pouvoirs publics pour que nous soyons entendus, compris et pardonnés pour nos fautes et errances. Quand un acte supposé isolé se répète, on n'est plus dans l'immatériel, dans l'autojustification par le nombre, mais dans un phénomène de socialisation de la violence.
Ce n'est pas la première fois que la violence dans nos stades, qui est devenue une seconde nature, met dans l'embarras la diplomatie algérienne qui tente de trouver les canaux et les mots pour dédramatiser ces événements regrettables que le peuple algérien réprouve et condamne unanimement. Sauf que pour être crédible à l'extérieur, le discours politique et l'action de notre appareil diplomatique ne peuvent pas se contenter de simples regrets du bout des lèvres ni se permettre le luxe politique de toujours s'abriter derrière l'acte isolé pour se soustraire à ses responsabilités. Les excuses présentées par le capitaine de l'USMA à l'équipe irakienne ainsi que par le président du Comité olympique, M. Berraf, auraient été sans doute mieux appréciées par nos invités du jour et par le peuple et les dirigeants irakiens si on avait joint le geste à la parole, si les délinquants du stade Hamadi, qui se sont rendus coupables de délits punis par la loi, avaient été appréhendés sous les yeux des caméras de télévision par les services de sécurité et présentés à la justice.
Cette fois-ci également, on a laissé faire la furia des stades pour éviter la confrontation avec le public, qui n'est pas souhaitable pour les autorités dans ce contexte politique et social tendu précédant l'élection présidentielle. La gestion politique et diplomatique de ce genre d'incidents, qui ne vont sans nul doute pas s'arrêter tant qu'on ne mettra pas en ?uvre une politique de pacification de nos stades, ne doit pas faire les frais de la politique de l'autruche des autorités qui consiste à chaque fois à nier l'évidence au lieu d'assumer et d'?uvrer à attaquer le mal à la racine. Nos partenaires, en tout cas, ne manqueront certainement pas d'apprécier et de tirer les enseignements de la politique de deux poids deux mesures de notre diplomatie officielle et officieuse.
Une politique qui consiste à se confondre en excuses comme on l'avait fait avec les Saoudiens il y a deux ans impliquant toutes les institutions de l'Etat (gouvernement, Parlement?) et à banaliser d'autres événements similaires comme c'est le cas avec l'Irak qui n'a pas eu droit au même traitement diplomatique.


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