Comme tout événement culturel d'envergure, la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe», dont le coup d'envoi a été donné hier, ne manquera pas de susciter moult débats et polémiques sur la gestion des budgets et leur destination, avec de lourdes suspicions de corruption et de détournement.L'une des caractéristiques du débat national est de passer toute action culturelle par pertes et profits et la première indication qu'on révèle autour de ces événements est leur dotation budgétaire, qu'on décline en milliards de centimes pour frapper les esprits. Or, l'argent destiné à la culture n'est ni plus suspect ni moins mérité que celui affecté à d'autres secteurs, notamment celui de l'importation des fruits exotiques et autres produits avariés ou dangereux. Pour la question de la transparence dans la gestion des deniers publics, il faudra attendre la fin du règne de l'opacité qui plombe en premier lieu les institutions politiques du pays.La légèreté dans la gestion de l'argent public sera «pénalisée», lorsque le pouvoir politique sera légitimé par un processus démocratique. Le pays n'en est pas encore là. Les révélations d'un récent livre paru à l'étranger nous apprennent que notre Etat n'hésite pas à prendre en charge des aménagements dans un hôpital parisien pour assurer les conditions d'une convalescence de haut rang.Chez les habitants de Constantine et ses élites artistiques et culturelles, on peut deviner leur satisfaction de voir s'ériger de nouvelles infrastructures, modernes et accueillantes. Le bonheur solitaire d'un musicien ou d'un comédien est plus précieux que l'extase des masses devant les produits de consommation importés des continents les plus lointains.Lorsqu'on assimile la réalisation d'un palais de la culture, d'un théâtre ou d'une salle de cinéma à de l'argent jeté par les fenêtres, il est clair que nous ne sommes pas loin du syndrome de la mutilation de l'esprit. Reste la gestion politique de ces événements destinés à redonner vie et meilleure physionomie aux grandes villes du pays. Pour évacuer la polémique latente autour de l'intitulé de «Capitale de la culture arabe», les autorités tentent le grand écart en prévoyant, aujourd'hui à Constantine, un recueillement sur la tombe de Abdelhamid Ben Badis, fondateur de l'Association des oulémas, ainsi qu'une visite au tombeau du premier roi de Numidie, Massinissa. Il y aura beaucoup plus à faire pour rendre justice à l'amazighité qui, selon l'article 3 bis de la Constitution, est «également» une composante de l'identité nationale.Un investissement infrastructurel massif peut très bien prendre la direction d'une grande ville de la Soummam ou du Djurdjura pour célébrer la culture amazighe, la dimension manquante dans ce programme ayant déjà fait une halte à Tlemcen, «Capitale de la culture islamique» en 2011 et aujourd'hui à Constantine devant incarner l'arabité.La notion de stabilité chère au gouvernement exige une reconnaissance pleine et entière de l'identité amazighe de l'Algérie et le projet de révision constitutionnelle annoncé par le pouvoir ne peut être crédible que s'il consacre, enfin, l'officialisation de la langue amazighe.
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Posté Le : 16/04/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Djaffar Tamani
Source : www.elwatan.com