Algérie

La diaspora algérienne et cette tenace tentation du «dictateur éclairé» Analyse éco : les autres articles



La diaspora algérienne et cette tenace tentation du «dictateur éclairé» Analyse éco : les autres articles
L'idée d'un gouvernement technocratique pour sortir l'Algérie de la sous-performance économique existe. Elle est portée par deux courants, l'un est proche de l'armée, l'autre est dans la diaspora. L'idée est la suivante : les politiques ne savent pas faire. Ils ont été aux affaires durant les trois mandats de Bouteflika et affichent des résultats décevants compte tenu de la dépense publique consacrée. En fait, ils sont incompétents et «crisogènes». Le courant dans l'armée propose d'apporter la protection politique. La diaspora offre sa compétence calibrée au standard mondial.L'attelage donnerait un général Zeroual de retour de sa retraite, à la tête du pays, combiné avec un gouvernement de technocrates en partie venant de la diaspora, en partie locaux, pour conduire le redressement du pays dans une étape «transitoire». Chafik Mesbah a ébauché un premier maillon de ce scénario de la reprise en main par la sagesse et la compétence. Invité sur Radio M, la web radio de Maghreb Emergent, Kamel Benkoussa, trader dans un fonds d'investissement à Londres, donne sa profondeur savante à cette idée. Il prêche pour un gouvernement de technocrates sous une présidence de Liamine Zeroual. Ce qui vient de se produire en Egypte donne de la force à cette projection «éclairée» de l'avenir de l'Algérie.
Des militaires renversent des politiques, avec certes le soutien d'un puissant mouvement de contestation dans le cas égyptien, pour mettre aux affaires, à titre transitoire, un gouvernement conduit par une ressource humaine, El Baradei, revenu de l'étranger. La suggestion est que la vertu managériale est, dans tous les modes de gouvernance, entre les mains des porteurs d'expérience à l'international. Double défiance. Envers le politique et envers la ressource locale. Il faut admettre que le raisonnement se tient jusqu'ici. Les locaux ont failli. Mais l'analyse plus fine de leurs échecs vient très vite perturber le diagnostic. Prenons deux postes à fort contenu technique. Celui de ministre des Finances et celui des PTIC. Karim Djoudi et Moussa Benhamadi connaissent bien leur métier.
Le premier peut disserter brillamment sur l'avantage pour des entreprises de disposer d'un marché financier qui offre une large gamme de produits de financement à leur croissance. Le second a introduit internet en Algérie lorsqu'il était à la tête du Cerist. Il n'ignore rien des atouts d'une économie numérisée. L'Algérie a pourtant le système financier et l'infrastructure numérique les plus retardataires au monde dans la tranche de son PIB ' entre 150 et 200 milliards de dollars. Parce que les deux ministres sont incompétents techniquement ' Pas du tout.
Parce qu'ils sont engoncés dans un mécanisme où l'on ne rend pas de comptes à la «cité» mais seulement au «prince». Ils manquent de responsabilité politique au sens civique. Et jouent la montre. Exactement le contraire de ce que peut réparer un gouvernement de technocrates. Qui est une déconnexion encore plus nette d'avec le suffrage populaire. Et son droit de sanctionner l'échec. Toute la diaspora ne partage pas l'approche du, par ailleurs très méritant, Kamel Benkoussa. Le professeur Omar Aktouf, passé à la même antenne de Radio M, a fait feu sur le scénario d'une transition algérienne confiée à un gouvernement technocratique. «Les technocrates seraient des ''bipèdes logiciels'' qui exécutent un projet écrit par d'autres.» Pour lui, il faut établir de vraies règles du jeu et s'y tenir.
Des règles qui peuvent permettre à un discours et une expertise critiques, comme les siens, de se mettre au service de l'Algérie. Divergence complète dans la diaspora entre le financier Benkoussa, et l'altermondialiste, Omar Aktouf ' Sur le fond peut-être. Le premier peut mettre entre parenthèses la représentation politique des ministres au profit d'un grand dessein technocratique, le second ne l'admet pas. Mais au final sur la forme pas tant de divergences que cela. Car aussitôt torpillée l'idée d'une transition algérienne sous un gouvernement éclairé par des technocrates d'ici et de la diaspora, le tonitruant professeur de HEC Montréal, admet qu'il est prêt à accepter une transition sous un régime autocratique moyennant certaines conditions.
«Un régime autoritaire,comme celui du docteur Mahatir en Malaisie ou celui de Singapour, qui met l'Algérie sur la voix du développement, moi je ne dis pas non.» En clair, le professeur Omar Aktouf accepte, passagèrement, un Etat de non-liberté si cela doit conduire plus tard à l'Etat de droit. Et quelle est la garantie pour passer de l'un à l'autre ' Appliquer les préceptes du capitalisme Rhénan-Nippon. Consensuel, partageur, participatif. La question en définitive est la même. Faire confiance ou pas à une performance gouvernementale basée sur le retour à l'évaluation citoyenne.
Par les urnes. La diaspora algérienne qui, c'est la vraie bonne nouvelle du moment, parle et s'intéresse de près au destin de son pays d'origine, hésite à faire confiance en Algérie au modèle démocratique occidental pour produire de l'Etat juste et efficace. Inutile de faire observer, comme l'a fait un interviewer sur Radio M, que cette diaspora dont l'Algérie a tant besoin, a tout de même choisi de vivre majoritairement dans des Etats où les libertés sont protégées.


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