- Quelles formes un transfert illicite de devises peut-il prendre dans la réglementation en vigueur 'Il peut pendre toutes les formes prévues par l'ordonnance n°96-22 du 9 juillet 1996 relative à la répression de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger. Selon cette ordonnance, «constitue une infraction ou tentative d'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger, par quelque moyen que ce soit : la fausse déclaration, l'inobservation des obligations de déclaration, le défaut de rapatriement des capitaux, l'inobservation des procédures prescrites ou des formalités exigées, le défaut d'autorisation requises ou le non-respect des conditions dont elles sont assorties».Une réforme introduite par ordonnance n°10-03 le 26 août 2010 a ajouté «l'achat, la vente, l'exportation ou l'importation de tout moyen de paiement, valeurs mobilières ou titres de créance libellés en monnaie étrangère, l'exportation et l'importation de tout moyen de paiement, valeurs mobilières ou titres de créance libellés en monnaie nationale, l'exportation ou l'importation de lingots d'or, de pièces de monnaie en or ou de pierres et métaux précieux».Cependant, au plan pratique, les transferts illicites de capitaux peuvent se faire à plusieurs niveaux ; depuis les petites ou grandes opérations du secteur informel, durant les opérations régulières d'importation ou d'exportation via le canal bancaire, et aussi à l'occasion des transferts des dividendes des entreprises étrangères installées ou activant en Algérie et, en perspective, lors de la mise en ?uvre de la nouvelle mesure relative à l'investissement à l'étranger des opérateurs algériens.- Mais les modalités des transferts destinés au financement de l'investissement à l'étranger sont clairement définies par la Banque d'Algérie, qui s'impose en gendarme en la matière?Je ne suis pas contre le principe. Cependant, l'accès à la devise pour un investissement à l'étranger doit être encadré dans un véritable et rigoureux cahier des charges qui délimite les obligations vis-à-vis de l'Etat algérien et aussi les possibilités de contrôle de l'exécution effective de ces obligations.- Peut-on déduire l'ampleur du phénomène à partir des affaires déférées devant les tribunaux et les cours 'Le transfert illicite de capitaux prend des formes multiples, variées, sophistiquées qu'il est possible d'affirmer que les affaires qui arrivent au stade judicaire et les chiffres révélés, qui nous donnent le tournis, ne sont que la partie visible de l'iceberg.- Le phénomène a pris des proportions alarmantes depuis quelques années. Selon vous, quels facteurs ont soutenu le développement de ce crime économique 'Lorsqu'un phénomène de cette nature se propage, trois explications sont possibles ; l'insuffisance ou l'inadaptation du dispositif législatif et réglementaire, l'inefficacité des organes de contrôle, à savoir les banques, le fisc, les Douanes et la justice. Mais il y a aussi, en toile de fond, un facteur qu'il faudra prendre en compte ; le phénomène est devenu inhérent à la vie et à la pratique économiques et il n'est donc pas ou plus possible de le réprimer efficacement.- Mais là, vous évoquez beaucoup plus des hypothèses, pouvez-vous être plus précis sur ce point 'Il est à remarquer que l'Etat intervient toujours par le biais de reformes législatives et réglementaires, notamment par des textes de nature pénale, alors qu'il est plus recommandé d'intervenir par la régulation économique. La devise a pris un envol sur le marché parallèle en raison de l'augmentation de la demande, née de l'ouverture sauvage des importations par le recours à la devise publique.Cette augmentation du prix de la devise en a fait un produit spéculatif et il est devenu préférable de vendre de la devise que d'importer un produit ou de le fabriquer. Les dégâts de cette situation sont immenses ; vendre un produit avec tous les dégâts que cela cause à l'économie. Plusieurs mesures peuvent et doivent être prises pour atténuer le phénomène du transfert illicite, qui trouve une de ses raisons dans la hausse du prix de la devise.L'Etat doit circonscrire et retreindre les possibilités d'accès à la devise publique qui sont le terreau des transferts illicites. Exemple : prohiber l'accès des importateurs à la devise publique pour les importations farfelues et fantaisistes. Dans le même sillage, réguler le commerce informel de devises en autorisant l'ouverture de bureaux de change officiels et légaux, donc contrôlables, est recommandé. Cela suppose l'alignement du taux de change bancaire sur le taux de change informel.Cette régularisation tendra à mieux gérer la double parité qui, de toutes les façons, existe. L'on doit, ensuite, s'acheminer progressivement vers la convertibilité du dinar. D'autres mesures sont préconisées, dont l'ouverture d'une banque et la mise en place de comptes fortement rémunérateurs afin de drainer dans le secteur bancaire la devise informelle. Mais il est temps surtout d'élargir les portes de l'investissement et de la production afin de restreindre celles de l'importation.- Pouvez-vous nous donner une idée de l'approche législative et réglementaire du change informel qui alimente, entre autres, les circuits du transfert illégal de fonds vers l'étranger 'Cette approche est purement répressive et totalement inefficace. Vous remarquerez qu'en dépit de son interdiction formelle et de son caractère délictuel, le commerce informel de la devise s'affiche sans vergogne.Chaque ville d'Algérie a une rue dédiée à ces transactions. Alger a le square Port-Saïd, à quelques pas du tribunal. A Constantine, il s'exerce face aussi à la Cour, tandis que Annaba lui a réservé la rue Gambetta et Sétif aussi lui a dédié une rue dont j'ignore le nom. C'est dire que dans toutes ces rues, les marchands de monnaies s'affichent et affichent des espèces sonnantes et trébuchantes dans toutes les devises du monde, disponibles même lorsque les banques en manquent.Le phénomène est difficilement maîtrisable. A l'imperfection des textes s'ajoute celle des hommes des femmes et des institutions chargées de réprimer. On se concentre et on se limité à la sanction. L'expérience et la pratique démontrent que le traitement pénal du phénomène est une solution bancale. La régulation économique est nettement plus efficace que la répression pénale, qui ne pourrait venir qu'en complément.
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Posté Le : 22/02/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali Titouche
Source : www.elwatan.com