Algérie

"La dévaluation pèsera d'abord sur les caisses de sécurité sociale"


Le président de l'Unop indique, dans cet entretien, que la dépréciation du dinar impacte sévèrement l'industrie pharmaceutique, en renchérissant les coûts de production. Selon lui, la chute de la monnaie nationale "pèsera d'abord sur le système de sécurité sociale".Liberté : Quels risques fait peser la dépréciation continue du dinar sur l'industrie pharmaceutique nationale '
Abdelouahed Kerrar : Comme la grande majorité des entreprises industrielles algériennes, les entreprises pharmaceutiques ont besoin de marchés extérieurs pour l'acquisition de leurs principaux intrants. Et, dans un tel contexte, la dévaluation du dinar ne manquera pas de les affecter puisque cela renchérit automatiquement leurs coûts de fabrication.
Le principal problème, dans le cas du secteur pharmaceutique, c'est que nos entreprises ne peuvent pas répercuter ces surcoûts sur le prix de vente de leurs produits, ces derniers étant fixés d'autorité par l'administration.
Le réajustement de ces prix de vente par l'administration s'imposera donc inévitablement, au risque de porter atteinte à la viabilité de la production pharmaceutique nationale ou de bloquer le développement qu'elle a pu enregistrer jusque-là.
Les entreprises locales sont-elles suffisamment solides pour pouvoir amortir les effets de la dévaluation '
Tout dépend de l'ampleur de la dévaluation de la monnaie nationale et du degré de résilience des entreprises. Plus la dévaluation sera importante et plus important sera l'impact sur l'entreprise. Tout dépend également du poids des intrants importés par chaque entreprise. Mais en pratique et dans le cas des produits pharmaceutiques, le véritable impact pèsera d'abord sur les caisses de sécurité sociale. Ce sont elles qui financent, pour une large part, les achats de médicaments par les citoyens, et c'est donc là que se trouve la véritable source de préoccupation.
Les équilibres financiers de ces caisses de sécurité sociale sont, en effet, fragilisés depuis de longues années déjà, malgré les importantes baisses de prix rendues possibles par le développement de la production locale et malgré la mise en place d'un tarif de référence qui alignait le niveau du remboursement sur les prix du médicament générique fabriqué localement. Tout le problème est donc là : la dévaluation rendra inévitable la révision des prix du médicament, mais elle se heurtera aux capacités financières de notre système de sécurité sociale.
Le système de sécurité sociale sera-t-il davantage fragilisé '
En réalité, cela fait des années déjà que la monnaie nationale ne cesse de se déprécier. Selon les calculs de l'Unop, cette dépréciation a dépassé les 40% au cours des cinq dernières années. Malgré cela, les autorités ont opté pour le blocage de nos prix et n'ont pas accédé à nos requêtes, pourtant dûment justifiées, visant à les réviser. Mais dans la mesure où le processus de dévaluation se poursuit, cet ajustement deviendra de plus en plus incontournable et, sauf à risquer de mettre à terre la production nationale, il faudra bien trouver d'autres solutions pour préserver les équilibres du système de sécurité sociale.
Il faudra bien s'occuper d'élargir la sphère des cotisants, en particulier en direction des travailleurs du secteur informel qui profitent bel et bien d'une politique sociale généreuse, mais dont le financement pèse aujourd'hui sur les seuls travailleurs du secteur formel. Il faudra bien solliciter également toutes ces activités néfastes pour l'environnement ou sources de maladies, afin qu'elles contribuent à prendre en charge une partie des dégâts qu'elles occasionnent à la santé publique nationale.
L'outil de production national pourra-t-il être compétitif sans une parité stable de la monnaie nationale face aux principales devises '
Il ne faut pas oublier que, dans le contexte actuel, le prix du médicament importé et commercialisé sur notre marché est exprimé en devises, ce qui lui confère une garantie implicite de change, dont ne bénéficie pas le produit de fabrication locale. Au-delà des effets de la dévaluation du dinar, l'enjeu majeur sera de protéger les importants investissements consentis par l'industrie pharmaceutique nationale

Propos recueillis par : YOUCEF SALAMI
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