Algérie

La deuxième mi-temps a commencé


A la mémoire de Fouad Boughanem.
Le mouvement populaire est à mi-chemin. Malgré les points marqués ? pas de 5e mandat, annulation de l'élection présidentielle du 4 juillet, disqualification de la bande des quatre (FLN, RND, TAJ et MPA), une mobilisation populaire qui n'a pas faibli ? la situation est restée globalement inchangée après trois mois et demi de mobilisation. Abdelkader Bensalah est reparti pour un mandat de 90 jours. Le gouvernement de Noureddine Bedoui, nommé par Bouteflika, est toujours chargé en principe d'organiser le prochain scrutin présidentiel. Et on ne peut pas honnêtement affirmer que le pouvoir est aux abois, parce qu'il n'a pu organiser le scrutin présidentiel ou faire cesser les manifestations.
A partir de ce vendredi, débute une deuxième mi-temps d'un match qui dure depuis le 22 février. Elle sera aussi longue et sans doute plus compliquée que la première. Et puis, malgré le pacifisme du mouvement populaire, et malgré le décès en détention de Kamel-Eddine Fekhar, le dispositif législatif répressif est toujours en vigueur. Hadj Ghermoul, à Mascara, qui s'est opposé au 5e mandat, est toujours en détention. A Bel-Abbès, Abdellah Benaoum a été libéré à la veille de l'Aïd sans doute par crainte qu'il ne décède en détention, en raison de sa grève de la faim?
La nouveauté, c'est l'émergence d'une conscience citoyenne en train de se structurer, avec, en toile de fond, des propositions élaborées de sortie de crise, émanant d'acteurs de la société civile ou de personnalités connues n'ayant pas appartenu au système. Parmi ces propositions, différentes de celle émise par exemple par Taleb Ahmed et ses amis, celle de Mokrane Aït Larbi, qui attire l'attention sur le fait que la démocratie «ne saurait se réduire au seul verdict des urnes qui, au nom de la majorité, risque de bâillonner les voix discordantes et d'écraser les minorités».
Et que «sans garanties consensuelles préalablement établies par tous les acteurs politiques, autour des libertés et de l'égalité citoyenne, le suffrage universel risque d'être le tombeau des espoirs trahis depuis l'indépendance, et ressuscités par la révolution en cours».
S'il faut s'attendre à l'émergence d'autres propositions de sortie de crise, faites par d'autres collectifs et acteurs de la société civile, des partis et personnalités politiques, elles doivent être débattues en toute transparence, dans la clarté, sans a priori et sans ruse. Car, pour ne prendre qu'un exemple, nombreuses sont les formations politiques qui parlent de démocratie mais dont l'identité politique est à mille lieues des valeurs de démocratie, de libertés sans exclusive et de citoyenneté.
Parmi elles, il en existe qui, au nom des «valeurs civilisationnelles authentiques», visent en fait une limitation des libertés individuelles et collectives et à restreindre les espaces d'expression. D'autres prônent un Etat de droit «protégé par les valeurs de la Nation». Or, un Etat de droit ne peut être protégé que par la constitutionnalisation de la séparation des pouvoirs et par des textes de loi qui consacrent les libertés d'organisation, d'expression et de la presse et de conscience et, partant, la citoyenneté. Autrement, le vivre-ensemble n'est pas possible.
De tels textes de loi devant structurer la vie sociopolitique, rendre impossible la violation des droits du citoyen, consacrer le droit pour tout individu d'assumer sans contrainte son droit à la différence et qui sont autant de garde-fous institutionnels afin de mettre à l'abri la démocratie, n'existent pas. Ils doivent faire l'objet d'un consensus et figurer comme objectifs prioritaires du mouvement populaire du 22 février. Car personne n'a envie de revivre le scénario de 1991 où, en l'absence de garde-fous institutionnels, le sort et l'avenir de l'Algérie ont été joués à la roulette comme au casino.
Raison pour laquelle cette deuxième mi-temps doit, elle, être celle des indispensables clarifications politiques et institutionnelles.
Bonne fête de l'Aïd à toutes et à tous.
H. Z.