Algérie

La désolation



L'année 2009 a accentué la grande désillusion sur la capacité du pouvoir en place depuis 1999 à faire évoluer l'Algérie vers le progrès et transformer la société en profondeur. La constitutionnalisation de la présidence à vie à travers la manipulation de la Constitution a été suivie, au mois d'avril de cette année, d'une élection manipulée dans la forme et dans le fond : le score démentiel attribué au président-candidat a définitivement et durablement arrimé l'Algérie au lot des grandes autocraties du monde arabe, parmi elles l'Egypte et la Tunisie. En persistant dans le double refus d'agréer tout nouveau parti politique ' y compris ceux qui ont joué le jeu de l'élection présidentielle ' et de débloquer les autorisations d'activités de rue des partis politiques au prétexte de l'état d'urgence, le pouvoir a fini par plonger le pays dans le vide politique le plus total.Tout débat contradictoire entre officiels et opposants a disparu au profit des seules activités et rencontres officielles virant vite à l'apologie du régime et du président de la République et à la pure langue de bois. Le chef de l'Etat a raréfié ses apparitions publiques, ne s'adressant presque plus directement aux citoyens, suivi par son Premier ministre dérouté et désappointé par la perte de l'essentiel de ses prérogatives par la révision constitutionnelle à laquelle il a contribué et applaudi. Le réceptacle de toute cette perversion politique est tout naturellement la télévision publique, totalement délestée de sa mission d'informer. Le petit écran s'échine quotidiennement à livrer l'image d'une Algérie devenue, par la grâce du pouvoir politique, un long fleuve tranquille : nulle mention des émeutes récurrentes dans les villes et villages, des harraga rejetés par la mer, de l'alarmante progression de la paupérisation, de la criminalité et de la délinquance, etc.Et quand vint la qualification de l'équipe nationale de football au Mondial, ce fut là une occasion en or pour appeler à la « communion » entre le peuple et le pouvoir, victoire judicieusement exploitée par les dirigeants, s'offrant jusqu'à l'été 2010 une sorte de période de grâce pour faire oublier l'affolement des prix sur les marchés, les reculs en matière de revalorisation des salaires, les fermetures d'usines par le crédoc (crédit documentaire) imposé par la loi de finances complémentaire, etc. Alors que la jeunesse regarde vers Luanda et l'Afrique du Sud, les opportunistes de tout acabit, eux, ne perdent pas le nord. A coups de milliards, ils font jouer les alliances partisanes et tribales, souvent contre nature, pour avoir un pied dans le Sénat, une institution à côté du Parlement dont la mission est de distribuer des privilèges exorbitants payés par le Trésor public.Celui-ci découvre, effaré, que son argent est en partie détourné par toute une faune d'individus haut placés ou influents se sucrant lors des passations opaques des marchés de conception et de réalisation des grands projets décidés au début de la décennie 2000, notamment l'autoroute Est-Ouest. Quand la bonne politique est absente, le gain facile et sale devient roi. L'année 2009 laissera un goût amer derrière elle. Aussi fortes soient-elles, les larmes de joie de la qualification des Verts ne pourront être que quelques gouttes dans un océan de désolation.


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