Algérie - Revue de Presse


Ces élections auront bel et bien démontré la limite de la mobilisation partisane. Avec un taux inconfortable, la légitimité parlementaire est mise encore une fois à rude épreuve. Ils seront certes des députés d'une énième législature, mais aussi des amputés, quelque part, d'un soutien massivement représentatif. Les analyses postélectorales sont à prendre différemment. Chacun les fait selon ses arrangements. Le pouvoir y voit une « maturation » du peuple, alors qu'ailleurs l'on s'attache à un sentiment de dégoût populaire. Ainsi, dans la bouche des principaux concernés, les responsables politiques, il n'est pas question du tout d'une débâcle à imputer à ceux qui sont censés animer le débat politique, enrôler les troupes, captiver les pans de société et enfin engendrer le plaisir citoyen par l'acte désiré d'aller voter. Personne ne semble s'autocritiquer ou passer aux aveux justifiés d'un échec, voire d'une incapacité à justifier également ce manque d'engouement. L'on n'ose pas parler de déroute des partis. D'emblée, une nécessité s'impose: modifier la loi électorale ainsi que celle relative à la constitution des partis. En fait, tout le paysage et son animation politique devront connaître la suite logique des effets impératifs induits par le résultat de ces joutes.  Ce seront de vrais consortiums actifs censés remplir un rôle politique et une fonction organique dans l'architecture démocratisante du pays. L'Etat, par obligation de survie et de symbiose universelle, doit faire par le biais des partis une image de séraphin pleine d'atouts modernistes, de nuances philosophiques et de couleurs politiques différentes les unes des autres. Le parti est devenu, sous l'ère du nouveau concept étatique, une thérapeutique apte à contenir tous les virus liés aux anciennes notions de gouvernance des cités. La dictature n'est pas la même. L'oligarchie n'a plus le même manoir, comme la royalisme ne siège plus sur des trônes où, perché, le monarque auréolé asservit au lieu de servir. L'idiotie collective n'a pu imaginer comme tranquillisants politiques à injecter envers la contestation des foules, que la tromperie officielle et la sensation légale d'avoir liberté et initiative de créer, de s'exprimer, de se réunir.  Cette fois-ci, le pouvoir semble s'en laver les mains. Le leurre défie le réel et reste quand bien même l'un des meilleurs magnétismes, dont la possibilité d'abasourdir les spectateurs est édifiante. Prendre sa carte et aller voter est une hypnose. Ne pas y aller est une autre. Que faire ? Eh bien, c'est aux partis d'ameuter et de rameuter les troupes ! Si en 1954, un seul front, disons un parti, a pu rassembler tout un peuple, serait-il impossible qu'en 2007 toute une multitude de partis structurés, démembrés et assistés n'aient pu rassembler le tiers de ce même peuple ? Ce qui fait la différence est clair. La loyauté, la sincérité, l'engagement et le sentiment extra-intuite-personnae.  Que les élections - considérées comme l'un des moyens les plus stupides, du moins pour les tenants du système - aient la charge d'apporter à chaque lot quinquennal un quota de personnes tantôt bleues, tantôt ternes à force d'aller, de venir et de revenir, la force de la mobilisation des flots démographiques se perd par compte à rebours chez tous les partis. Ils persistent et signent, faisant croire à autrui un éventuel assainissement des rangs, une tentative de déstabilisation ou un sentiment inaccepté de jalousie piquante. Ils auraient à gagner plus de confiance d'abord en leurs militants, ensuite s'atteler à s'investir dans les profondeurs de la société, unique vivier électoral et moyen salutaire pour la survie.  Se contentant de conciliabules restreints qui, pour l'un est un bureau politique, pour l'autre un conseil national ou un madjless echoura, les chefs ne soumettent à l'analyse que l'actualité ou les faits saillants immédiats. L'ordre du jour se confine certainement en la lecture respective de rapports de circonstances et de compte-rendu de missions.  La prévision n'est jamais perçue telle une nécessité rentable dans le long terme. C'est habituellement de l'urgent que naît le ponctuel dans la résolution des cas soulevés ici et là. Ni les démissions successives des responsables locaux, ni le départ massif des adhérents, encore moins la défection unanime ou la désertion arrangée des inscrits, symptômes majeurs somme toute de la maladie élective qui ronge la base des partis, ne semblent troubler outre mesure ceux qui président aux destinées de ces corporations. Cultivant à leur manière et à leur tour la conscience de fait qu'ils ne sont là que pour une incertitude chronique dont ils ne connaissent point ni le point de chute ni les causes de leur mort, ces leaders participent, en jouant un rôle providentiel, au jeu des clans, des plans et du hasard des hommes et des circonstances. Les Mehri, les Benhamouda, les Benbaïbèche et les Bensalah savaient d'avance le compte du temps accompli, la « noblesse » du service rendu sous l'ordre inintelligible d'un pouvoir en quête permanente de maintien de l'ordre établi.  Ils n'avaient de cure que d'attendre, sereins et sans enthousiasme, l'heure fatidique où, sous un motif quelconque, ils quitteront sans états d'âme leur perchoir. Se sentant de simples travailleurs, fonctionnaires ou commis de partis, les leaders n'auraient fait que ce qu'ils avaient à faire. Aucune doctrine, aucune philosophie et nulle empreinte idéologique n'est venue dorer leur passage. Ils sont presque partis comme ils étaient venus. Avec fracas et insouciance.  A la limite du contraire, la zizanie, la grogne et le complot scientifique avaient fissuré pas mal d'édifices suite à un contrat dit de Rome, pour le FLN, à une notion de dialoguistes pour le RCD et le FFS, ou à une mise en scène de coup d'Etat au RND. Et maintenant, le feuilleton interminable de l'enfant terrible de Ennahdha, puis d'El-Islah, et demain je ne sais quoi encore. Là, personne en dehors de l'interprétation des résultats obtenus ne croit nécessaire d'imputer l'échec pour les uns, le manque à gagner ou la régression pour les autres à son manque de vision, voire à sa faiblesse managériale à hisser son parti aux nobles idéaux affichés et entonnés et qu'il ne cesse d'en faire des cris aux sourds.  En fait de stratégie pour des horizons lointains, il demeurera constant de remarquer l'absence de toute approche tendant à élever les partis en structures aspirant doléances et attentes pour devenir, en phase de développement, de véritables réceptacles de soucis et de préoccupations. L'objectif étant de canaliser la masse vers un front de défense d'intérêts communs suivant une certaine méthode politique à partager par l'ensemble des sujets.  Malheureusement, l'euphorie qui a accompagné l'affluence vers l'accouchement d'associations qualifiées à caractère politique, suite à la permission constitutionnelle de 1989, n'eut pas le résultat escompté. L'installation durable et efficace dans la société. Le seul profit que justement cette « société » a pu tirer, ce fut l'action participative à l'édification d'une démocratie dont les contours à ce jour ne sont pas distinctement appréhendés. Tout était perçu à la mode perestroïka. Au moment où l'on croyait balayer un système, l'on aurait permis à un autre plus virulent, tenace et perspicace de s'installer confortablement. Les partis à l'époque (une soixantaine), jouant à un jeu arrangeant toutes les parties (pouvoir, autres), se plaisaient dans la nouvelle posture qui d'ailleurs n'augurait aucun espoir de voir se dissiper le spectre de la mainmise politique. Qui des guignols, qui des crédules, tous pensaient détenir la potion mystérieuse et magique de pouvoir prescrire un traitement adéquat aux souffrances qui allaient affliger durement et pour longtemps tout le corps social. Le phantasme des hommes accompagnés d'autres au nombre de quinze et plus gagnait allégrement les bureaux où l'octroi des agréments se faisait sur simple présentation d'un rapport d'intention.  Néanmoins, le jeu se passait ailleurs. La multiplicité d'organisations différentes dans la dénomination ne multipliait pas pour autant la diversité dans l'option des choix, de projets et surtout de repères idéologiques. Le tout consistait en une infrastructure se proposant, à l'instar des autres, une super fonctionnalité. Chacun prétend et affirme « fouli tayyeb ». L'antagonisme qui minait la société minait davantage les partis. Les conflits de leadership, le besoin de médiatisation et la mise en exergue irrésistible de son « programme » l'emportaient sur toute autre préoccupation d'ordre politique. L'invective et les propos malsains n'ont pas empêché les chefs de s'autodétruire un par un pour que le débat qui devait être contradictoire ait su s'élever aux coups de gueule et de mains. Ce constat d'inculture politique fut d'ailleurs posé en terme de rivalité bien avant. « Ne faut-il pas s'étonner qu'une société fondée sur l'opposition des choses aboutisse à la contradiction brutale, à un choc de corps à corps comme dernier dénouement ?» (*). La rébellion du FIS, le terrorisme donc étaient quelque part prévus et réprouvés comme moyen de lutte politique.  La récente expérience brève et controuvée des partis est obscurcie par le fonctionnement difficile et aléatoirement contesté qui, en silence, les fait survivre ou tend à les faire, en cas d'inadéquation d'intérêts, disparaître (2007, 23 partis sont en lice pour les législatives). Où sont passés les autres ? La nature a bien aussi des gènes particides. Pour nombreux, le taux de zéro aura une autre signification qu'une absence totale de représentativité qui devait mener directement aux annales de l'histoire des institutions politiques du pays.  Qu'il soit dans son ampleur interne ou par effets d'immixtion, ce fonctionnement n'était pas apte à donner vitalité et progrès aux jeunes partis, poussins éclos dans une pouponnière où le maître de salle n'est autre que le système. Par l'observance outrancière et publique de l'exercice de ces manoeuvres au sein même des quartiers généraux de partis, l'individu, le citoyen, celui qui devait finalement fournir l'unité du militantisme, le futur adhérent, voire l'électeur, ne se voit qu'ému et outragé.  Ainsi vont les partis. Ainsi ira la volonté populaire. L'impression qui se dégage, toute inimaginable de tout citoyen potentiel remplisseur d'urnes, fait en sorte que l'on ne vote plus parti, mais personne. L'éloge ou la diatribe, à l'intérieur ou à l'extérieur des partis, loue le mérite des uns ou fait le bris des autres. La meilleure, enfin l'ultime, moins disgracieuse idée que se font les gens à bon propos des partis, c'est de conclure vers le verdict terrible pour une société fraîchement nouvelle, entérinant la suspicion des tous, à savoir la faillite des partis. En effet, multipartisme aidant, le parti ne symbolise plus l'homogénéité d'un projet ou l'unicité de vision. Il semble asservir plus qu'il ne sert son intérêt. Machine, à l'origine de production de pouvoirs et du pouvoir, le parti fonctionne telle l'entreprise à caractère économique. La rentabilité n'y est pas calculée sur des ratios de pertes et profits. Ce n'est qu'une encaisse numéraire à empocher dans l'immédiat. Les prétendants aux listes et aux postes se prennent pour des managers économiques habiles dans la collecte du plus fort taux de participation. Pour des raisons clairement définies ou tacitement comprises, l'on assiste, mais émerveillés, aux galops des « cavaliers-candidats » faisant leurs escapades d'un parti vers un autre. 1997 aurait vu un flux hémorragique du FLN vers le RND. 2002, c'était presque le contraire qui se reproduit. 2007, aucune idée, rien à analyser. Sauf qu'il existe 33 députés indépendants. L'indépendance ainsi n'est qu'une fuite des partis.  Les nouveaux militants, virginité politique et stupidité tactique obligent, ont également acquiescé aux charmes envoûtants provenant des appels au secours lancés par les corporations en mal d'amour populaire. Les militants attitrés, dont les cartes jaunies ne sont pas de simples imprimés avec photo mais des actes de présence, un engagement sincère et bénévole, ont fait les frais des politiques « d'assainissement » au profit parfois de ceux qui furent un temps à leur tour « assainis ».  L'histoire n'est donc plus une histoire de partis au sens académique, mais de groupement d'intérêts professionnels. L'impératif se trouve dans un nouvel élan avec une nette tendance volontaire de tout changer. Les hommes, les notions ainsi que les cibles d'intérêts. Que faudrait-il faire ? Si faire, c'est déjà s'atteler à penser, à réfléchir, à méditer pour se convaincre finalement que nous sommes les témoins mélancoliques de la déroute des partis !  (*) K. Marx, cité par Roger Cornu et Janina Lagneau in « Hiérarchies et classes sociales: textes ». Col. Armand Collin. Ed. 1969.


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