Algérie

La dernière prière de Hamid Grine (Roman) - Éditions Alpha Design, Alger, 2006



«Mon livre n’est pas une compilation d’événements»

Auteur prolifique, et prolixe dans ses écrits, Hamid Grine signe et persiste dans le paysage littéraire avec son dernier ouvrage "La dernière prière" paru aux éditions Alpha. Traduit bientôt en russe et en arabe (Liban), ce roman se veut une chronique de la douleur dénonciatrice du fondamentalisme et de l’intégrisme des années de braise et de feu.



Cette histoire, qui chemine allègrement hors des sentiers battus est branchée sur la vraie vie. Tel un psychanalyste, l’auteur fait une introspection dans les méandres de la mémoire de son héros Hawas en proie à un immense déchirement et à une grande déliquescence dans une quête de soi.

Cette quête de soi éperdue amène Hawas à des cogitations, réflexions, et comportements qui interpellent tout Algérien en perte de repères. L’auteur surprend par son ton libertin, espiègle et cocasse. Hamid Grine ose, bouscule, fait voler en éclats certaines certitudes. Il dit avec lucidité des vérités brocardées par le prêt-à-penser. Il démontre avec discernement la personnalité de l’Algérien à travers son personnage macho. Ce personnage ne tient ni de Diogène, ni de Méphistophélès, ni de Tartuffe, il est un simple mortel, somme toute. D’une écriture fluide et d’une vivacité enjouée, ce roman raconte un pan de l’histoire du pays.



"Dans la dernière prière", vous relatez l’Algérie en proie à l’islamisme. Cette évocation, au ton parfois libertin, procède-t-elle d’un devoir de mémoire ?
Oui, bien entendu, nous avons vécu une tragédie pendant dix ans, et nul ne l’a oubliée. Je fais mon deuil de ces années-là, et les conjure tout en essayant le plus possible de donner du plaisir au lecteur. En revenant sur une période très douloureuse, je dépeins d’une manière particulière en l’agrémentant d’humour, et de pensées des philosophes qui m’ont marqué et qui peuvent être des maîtres de vie.

Pourquoi cette référence fréquente au stoïcisme ? Pourtant votre héros est en proie à la dualité du Bien et du Mal si chère à Baudelaire ?
Mon héro se cherche et ne s’est pas retrouvé. Il oscille entre le prophôte Mohamed (QSSSL), le Coran et le stoïcisme. Il essaye de faire la synthèse entre les deux. Le stoïcisme est une école de rigueur comme l’Islam.
Cette référence à ce courant philosophique est une quête vers la sagesse. Hawas veut être indépendant, c’est un solitaire qui ne recherche pas la gloire mais la maîtrise de lui-même, tout en voulant ôter de sa vie tout désir amoureux des femmes pour ne pas perdre son contrôle.



Hawas, votre personnage central, représente-t-il l’archétype de l’Algérien avec ses contradictions, son mal-être, sa perte de repères, guidé seulement par ses pulsions ?
Oui, exactement. Hawas est traversé par les mêmes contradictions et les mêmes désirs et déchirements que tous les Algériens. L’Algérien n’a pas de repères ni de modèles. La preuve, en Algérie, il se sent très mal, et quand il est à l’étranger, le pays lui manque.

Dans de nombreux passages, votre héros fustige et persifle les journalistes algériens. Pourquoi ces diatribes ?
Je ne persifle pas tous les journalistes algériens, mais les ripoux, ceux qui ont fait du journalisme un fonds de commerce. Tous ceux qui ont exploité à fond le système.
Je fustige les Rastignac mais pas 90% de la presse, avec qui je partage tous les combats. Durant la période des années 1990, il y avait des journalistes qui détenaient 10 logements et des voitures mal acquises. En revanche, je salue bien bas les idées de ceux qui ont porté l’étendard du journalisme honnête.

Pour votre héros, la femme symbolise le mal. N’y a-t-il pas un relent de misogynie ?
Mon héros est un être complexe et complexé par toutes les femmes. Complexe, car il a une relation œdipienne avec sa mère, et est complexé par toutes les intellectuelles qui lui tiennent tête. Il recherche les femmes objets pour ne pas être en situation de rivalité avec les femmes, et c’est en cela qu’il est macho.
Et comme tous les machos, il doute de lui, de sa virilité, de son pouvoir de séduction, et en même temps, c’est un homme d’ouverture, de tolérance qui admet sa part de fragilité.

Certains médias ont salué la sortie de votre ouvrage, d’autres y voient beaucoup plus une compilation d’évènements et de réflexions qu’un roman sous-tendu par une trame...
C’est tout à fait faux. Il n’y a aucune compilation d’évènements. Tout ce qui entoure le grand cheïkh de cet halo de mysticisme est de la fiction. La trame commence dès le premier chapitre où Hawas est ferré par une femme.
C’est un fantasme de beaucoup d’Algériens. Puis de meurtres en poursuites de la femme, en passant par le rite initiatique, on aboutit au dénouement à l’apparition du grand cheïkh. Tout cela est inventé et c’est de la pure fiction.

Comment conciliez-vous votre profession et l’acte d’écriture ?
C’est un point d’organisation. Le jour, je l’accorde à mon travail dans l’entreprise, et la nuit, je me donne à mon métier d’écriture. Quand, j’ai du temps, j’écris au lieu de faire du jogging, d’aller au bar ou à un concert. Je suis un stoïcien de l’écriture et rien ne m’en détourne.

Avez-vous d’autres projets en cours ?
J’ai un ouvrage intitulé "La nuit du henné" qui sortira lors de la foire du livre en octobre


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