Algérie

La dernière occasion ratée



La dernière occasion ratée
Les porte-parole du pouvoir s'accordent à considérer que la victoire du FLN doit être lue comme un plébiscite du président Bouteflika. Prenons donc acte que 1 135 000 électeurs sur 21 600 000 ont répondu à l'appel de Bouteflika.
Ould Kablia est revenu à la charge, hier, pour travestir le message le plus significatif de cette consultation : 58% des électeurs n'ont pas trouvé d'intérêt à aller à voter ; et sur les 42% qui ont mis un bulletin, 15% d'entre eux n'ont pas voulu s'exprimer et se sont contentés de poinçonner leur carte de vote.
Ce tableau adopte les chiffres officiels et ne tient pas compte des opérations de fraude, cette fois-ci planifiée de manière à en exclure le RND.
Le ministre de l'Intérieur trouve argument en tout pour minimiser la réalité et, donc, le sens de l'évènement du 10 mai, l'abstention massive des Algériens. Il trouve même argument dans les électeurs empêchés parce que leur nom était absent des listes électorales.
Mais la belle affaire est dans les ovations concertées des puissances occidentales. Emises juste après le quitus du roitelet de Qatar, désormais proclamé étalon démocratique du monde dit arabe, elles ont agi comme un acte d'homologation suprême, et ultime, de la démocratie algérienne. Notre pouvoir, généralement rétif à toute ingérence, toujours prompt à se scandaliser de la moindre objection d'ONG, se réjouit volontiers des interventions étrangères quand elles viennent légitimer ses agissements. Cette ingérence 'positive' est la bienvenue et le pouvoir se charge de la relayer et de l'amplifier au moyen de ses mass media.
Cette acclamation occidentale est venue couronner avec une étrange diligence le quitus tout aussi précipité de l'observation européenne. D'ailleurs, la bonne disposition du député José Ignacio Salafranca était, elle aussi, observable dès le début de sa mission. Et il a vite détecté 'une réelle volonté de transparence' alors même qu'on lui a refusé de consulter le fichier électoral ! On comprend que les grandes démocraties soient soulagées ' qu'importe les moyens ' de ne pas voir déferler la horde verte sur l'Algérie et de s'éviter ainsi les cas de conscience démocratiques, humanitaires et féministes que leur posent déjà, le Maroc, la Tunisie, l'Egypte' Ici l'intégrisme pourra s'exprimer encore en costume cravate.
On connaît aussi l'intérêt gazier du pays pour l'Europe et pour l'Espagne en particulier, mais on saura peut-être, dans les prochains jours, d'autres motifs à la sympathie que suscite notre 'démocratie'.
Mais voilà, le pouvoir n'est pas aussi enthousiaste que ses convives spontanés à fêter la victoire de la' démocratie ' Et c'est le ministre de l'intérieur qui concède qu'il faille analyser l'abstention après avoir pourtant trouvé le niveau de participation 'satisfaisant' ; c'est lui qui proclame qu'il faille continuer le dialogue en dehors de l'Assemblée, convenant, consciemment ou inconsciemment, que cette institution, telle qu'elle a été pourvue, n'est pas représentative de l'opinion populaire.
Pas aussi enthousiaste, ni aussi serein. Un peu comme si le régime venait de prendre conscience, après coup, de sa faute. Et du risque qu'il a pris en s'octroyant l'exclusivité symbolique de la décision, sacrifiant ainsi la dernière opportunité de changement ordonné.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr




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