Algérie

La dérive... soliloque d?un sexagénaire



Au détour d?une rue de la périphérie d?Alger en ce mois de juin, m?apparut dans sa nudité tragique, l?âme de mon pays. Un enfant, vendeur de cigarettes de son état, enveloppait son « kiosque » d?un drapeau canadien. Le rouge vermeil de la feuille d?érable, devint l?espace d?un moment, un immense trou noir où s?engouffrait irrésistiblement mon esprit. Happé par un tourbillon de questionnements, auquel je ne trouvais aucune réponse, mon esprit tanguait tel un reste d?épave, sur une mer immensément démontée.  Enfin, ce n?est pas en fait cette seule puérile ostentation qui lacérait mon ego. Les coups de boutoir, on en reçoit épisodiquement, mais en recevoir tous les jours, depuis le 17 mai, entre dans la chronicité. En dépit de colossaux moyens mobilisés, les législatives ne répondaient pas aux attentes citoyennes.  La honte bue jusqu?au calice, le ronronnement semble s?accommoder au séisme. Car c?en était un ! Un séisme, c?est connu, ça détruit tout, mais par instinct de conservation, l?homme reconstruit. La dérive semble nous faire voguer d?un récif à l?autre... Un quotidien national nous apprend, que le fleuron du savoir technologique et scientifique de Bab-Ezzouar, ne serait qu?à la 72ème place...en Afrique ! Tournant le couteau dans la plaie, il porte l?estocade finale en nous dévoilant, que les universités de Batna et de Tlemcen, sont juste classées avant celle de Mogadiscio. Un autre nous apprend que la wilaya de Sétif est à l?avant-garde de la télévidéo. Ce que l?on savait déjà, c?est que nos juvéniles cybercafés utilisent « le vieux » webcam, depuis fort longtemps ! Ceci ne fait-il pas confirmer notre propension acquise, à nous complaire dans le rustique ? On ne semble découvrir les choses, que lorsqu?elles tombent dans le domaine public. Notre pays est probablement le seul au monde, à gaspiller des ressources technologiques, en faisant remplacer la machine à écrire par le PC. Ensoleillé et venteux à satiété, il se dote encore de moyens énergétiques à base fossile ou hydraulique, énormément coûteux. L?Espagne produirait près de 10.000.000 de mégawatts par ces seules énergies renouvelables. La comparaison n?est pas excessive dans ce cas de figure, les chances de départ du décollage économique de ce pays, étaient relativement similaires aux nôtres dans les années 70. Notre sympathique chaîne 3 radiophonique, nous apprend à travers une émission sur le tourisme, que notre pays est classé mondialement à la...147ème place. Possédant pourtant le plus grand musée rupestre à ciel ouvert, qui puisse se trouver sur terre, qu?en avons-nous tiré ? Il est soumis à la curée des boucaniers de la Culture. Notre parc archéologique, aussi bien phénicien que romain, l?un des plus importants du pourtour méditerranéen, sinon le plus important, est livré à l?injure du temps et à la déprédation. Que dire de la Tunisie, qui pousse l?intelligence jusqu?à faire visiter, nos propres sites archéologiques et le circuit de Saint Augustin ? N?a-t-on pas encore compris, que le tourisme est une grosse industrie ? Pourquoi veuille-t-on le confiner dans l?artisanat ? Le tourisme exotico-archaïque, n?a plus droit de cité. La brochette de touristes qui fréquente les ksours, filmée à chaque occasion, est un cliché suranné d?une naïveté poignante. L?image d?Epinal ne peut rivaliser avec celles de Dubaï l?ultra moderne ou de Bangkok la mystérieuse, les vols charters faisant le reste. Les chaînes satellitaires ont depuis longtemps, fait découvrir les curiosités géo-touristiques à une planète, en perpétuel mouvement au propre et au figuré.  Le secteur économique privé, ne voyant rien venir, lâche sa première salve. Steel Mitaal décrète les vendredi et samedi comme jours de repos hebdomadaire. Il tente de réduire les dégâts, il y va de sa survie et il a bien raison. La success story d?Orascom en général et de Djezzy en particulier, n?est pas faite pour nous faire entonner l?hymne à la joie. N?y a-t-il pas d?opérateurs nationaux pour que notre matrice, de procréatrice devienne porteuse ? Sur un dernier classement d?indicateurs économiques, nous sommes classés à la 108ème place, bien loin de la Libye à la 52ème place et du Maroc à la 72ème place. Cela ne peut aboutir qu?à la déprime générale. Cette déprime est confortée, tous les jours que Dieu fait, par des images télévisuelles, de photos de harraga sauvés du naufrage, interceptés par les garde-côtes ou de champs cannabiques, découverts par les services de sécurité. Dans ce dernier registre nous rattraperons sous peu, notre voisin de l?ouest, si ce n?est déjà fait.  Que se passe-t-il donc pour que l?on soit contraint de piétiner ? S?agit-il de formation ? On rétorquera : oui, assurément ! Ce n?est pas évident, pour preuve cette colonie universitaire algérienne, qui a essaimé à travers le monde et très vite phagocytée par des communautés scientifiques supranationales. Beaucoup d?éléments formés en Algérie pourtant, sont devenus sous d?autres cieux, de brillants cadres dans leur spécialité. Une récente émission de la satellitaire A3, montrait des ingénieurs gaziers nationaux, bien dans leur peau au Qatar. Ils n?ont perdu qu?un seul de nos caractères : la suffisance. Imbus de cette suffisance congénitale, nous nous faisons étriller par une pragmatique équipe Guinéenne ...fi ?oqqri daarina ! La langue de Abou Nouas, est plus expressive quand il s?agit de débâcle. Ces jeunes cadres expatriés devisaient tranquillement, ils ne « gueulaient » pas comme c?est de coutume chez nous. Ils disaient travailler avec des staffs composés de 48 nationalités. Et c?est peut-être là, le secret. Il ne revient certainement pas à un homme, seul, de faire changer les choses. Ce sont des staffs moralement et matériellement complémentaires, qui pourront nous faire sortir de l?engourdissement ambiant. Il est inadmissible qu?un homme de sciences ou un chercheur se retrouve en perdition, entre son laboratoire et ses prosaïques préoccupations quotidiennes. L?on me dira alors, il est heureux qu?il puisse encore s?attendre, à être logé par les formules AADL ou LSP. Et c?est justement là, où le bât blesse ! Le changement de comportement n?est pas exclusivement affaire d?éducation civique, il doit être soutendu par une matérialisation de concepts novateurs. Le Palais du Gouvernement est demeuré dans l?esprit de beaucoup d?entre nous, le siège du Gouvernorat Général d?antan. Il y va de même pour le ministère de l?Agriculture qui est toujours abrité par la défunte Maison de même nom. En dépit de plus de quatre décennies de souveraineté nationale, les fameuses rues Michelet et d?Isly, ont repris leur droit sur Didouche et Ben M?hidi et pour cause, elles n?ont pu être supplantées par d?autres nouvelles artères. Il en est de même pour le front de mer d?Oran, que des allées de Batna, du Cours de Annaba, de La Brèche de Constantine. A de nouvelles générations, de nouveaux lieux. Beaucoup d?inscriptions graphiques de devantures de commerces ou d?autres activités, reviennent nostalgiquement à l?appellation coloniale du village ou de la ville. Nous n?avons pas offert de substitution. C?est le contraire plutôt, qui s?est produit. L?Euro qui a depuis longtemps supplanté le dinar a non seulement imposé sa parité monétaire, mais intellectuelle aussi. Les petits pensionnaires de jadis du régime de retraite français, sont financièrement devenus d?opulentes personnes, comparativement à leurs congénères nationaux. La petite pension de 100 Euros rapporte plus que le SNMG. On ne tente plus de constituer un dossier de moudjahid ou d?ayant droit, on cherche à faire partie de la descendance d?un éventuel indigène, qui aurait combattu dans les rangs de l?armée française ! Tout individu est intimement convaincu de son appartenance identitaire à ce pays. Il n?en est dépossédé, que s?il n?arrive pas à exprimer cette appartenance, par la reconnaissance de son travail, la spoliation du bien réputé lui appartenir, ou s?il est mis sous l?éteignoir. L?homme devient amorphe quand son avis n?est pas requis ou que son ambition ne soit échaudée. Il n?en aura plus. L?ambition d?une communauté nationale, passe par celle, que chacun de ses éléments, nourrit pour soi-même. Ne faut-il pas revenir à la « boîte à idées » de l?école d?où le maître puisait les meilleures d?entre elles, pour le confort de la classe ? Il me revient le souvenir de ce maître, qui faisait ramener des rebuts de cartons et de papiers par ses élèves. Le stock bien constitué se faisait vendre pour l?acquisition... d?un appareil de projection de 8 mm. Dès lors, l?école avait son propre cinéma et les élèves faisaient leur première appropriation. Il s?agissait tout simplement d?une petite idée, pour un grand dessein !  Merci Monsieur l?Instituteur...


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