Algérie

La dérive malienne



Anticipant la réaction du Conseil de sécurité de l'ONU, les militaires maliens ont remis en liberté, mercredi, le président Bah N'Daw et le Premier ministre, Moctar Ouane, tout en reprenant en main les commandes du pays.En effet, les dirigeants ont annoncé leur démission, ce qui plonge de facto le Mali dans une nouvelle période de grave incertitude. Le colonel Assimi Goïta, chef de file de ce qui s'apparente à un second coup de force en neuf mois, a laissé entendre que la transition se poursuit, conformément à la feuille de route adoptée par le Conseil de transition mais les observateurs ne cachent pas leur scepticisme dès lors que les militaires semblent loin de l'exigence internationale d'un retour rapide des civils à la tête du pays. Goïta «assure jusqu'à nouvel ordre la charge de président de la transition», a affirmé un haut responsable militaire qui considère, en outre, que la demande du Conseil de sécurité de l'ONU, de l'Union africaine, de la Cédéao et de l'Algérie en tant que chef de file de la médiation internationale au Mali d'une libération immédiate et inconditionnelle du président N'Daw et du chef du gouvernement a été satisfaite, preuve de leur bonne volonté vis-à-vis de la communauté régionale, continentale et internationale.
Mais Goïta et ses proches s'éloignent clairement de la reprise d'une transition conduite par les civils puisque le colonel malien a déjà fait savoir qu'il conduira personnellement la transition en choisissant un Premier ministre tributaire de la feuille de route que traceront les militaires. Une situation préoccupante dans la mesure où elle signifie un retour à la case départ après neuf mois d'efforts laborieux pour instaurer un climat de confiance entre les autorités militaires du pays et leurs interlocuteurs de l'ONU, de l'UA et de la Cédéao. Celle-ci a dépêché à Bamako une délégation conduite par l'ancien président nigérian Jonathan Goodluck qui n'a pu que constater la détermination des militaires à garder, désormais, les pleins pouvoirs, après avoir cédé du terrain en août 2020, lors du putsch contre le président élu Ibrahim Boubacar Keita.
Un choix qui obscurcit les perspectives d'un pays sahélien déjà confronté à de graves difficultés socio-économiques et sécuritaires et dont l'instabilité chronique nourrit des ambitions de domination et d'exploitation néo-coloniales. La Cédéao a annoncé un sommet extraordinaire demain au Ghana, pour d'éventuelles sanctions.
Mais le fait que le Conseil de sécurité qui avait agité, avant sa réunion de mercredi, la même menace ait dû se résoudre à une résolution a minima, sans évoquer le coup de force ni une mesure coercitive quelconque, montre bien que les enjeux sont complexes et dilués et que la démission de N'Daw et Ouane, dans des conditions non encore explicitées, répond à des intérêts implicites.
Une chose est sûre, le coup de force pose, dans toute son acuité, la question de l'impact d'une telle situation sur le défi sécuritaire et de la gouvernance du Mali dont tout indique qu'il ne sortira du bourbier qu'avec la mise en oeuvre complète et diligente de l'Accord de paix issu du processus d'Alger et du respect des échéances prévues, à savoir les élections de 2022.


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