Ce qui est arrivé samedi dans la localité d'El Madania est très grave. En arriver à agresser un chef de parti politique, en l'occurrence Saïd Sadi, et à le menacer avec un couteau, repousse les limites de la répression qui s'abat sur des citoyens algériens qui appellent à des marches pacifiques pour le changement. Non moins graves sont encore les insultes qu'on a proférées à son égard. Il a été traîté de «sale Kabyle», de «Juif» et qu'«il devait rentrer chez lui à Tizi Ouzou». La dérive est assumée officiellement. Le groupe des baltaguia chauffés à blanc avait bien été encadré et sa présence sur les lieux était tolérée par la police. Plus que ça, le groupe des jeunes ameutés contre les manifestants fait bien partie du plan concocté pour réprimer la marche de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD).
On en est arrivés là ! Dès lors, l'on ne peut que juger qu'on n'est plus dans la répression pure et simple mais dans la vulgarité. Il est difficile de penser que l'on puisse mesurer à un tel niveau de l'Etat les conséquences d'un tel dérapage. Jamais la haine n'a été aussi cultivée et érigée en réponse institutionnelle à un mouvement de contestation porteur de revendications démocratiques, et comme leur nom l'indique, sont d'essence pacifique. En fait, nul ne pouvait penser, il y a quelques années, que de pareilles pratiques, surtout après la période dramatique qu'a vécue le pays, allaient atteindre des institutions censées plutôt garantir la sécurité et la protection des citoyens, au lieu de semer parmi eux les germes de la division et les opposer les uns aux autres. Mais hélas, la réalité est poignante. Face à la revendication démocratique pacifique et aux valeurs de liberté, le régime a opté pour la délinquance.
Et la dérive d'El Madania n'est pas un fait divers mais un acte symptomatique du chaos qui nous guette. Gérer le pays par le recyclage de la violence, et l'assumer de manière aussi prononcée, laisse, en effet, apparaître une situation d'affolement face une société qui bouge. Tous les secteurs d'activité du pays sont touchés par des mouvements de grève : l'université, les transports, l'éducation, l'administration et la santé.
Il faut vraiment un total aveuglement pour ne pas voir que l'échec est patent, que la politique dépensière de centaines de milliards de dollars n'a pas sorti le pays du gouffre de la misère. Pour survivre, le gouvernement, qui n'a pas su créer une vraie économie et de la richesse, a été contraint de recourir à l'informel pour absorber, momentanément, les contingents de chômeurs par l'économie parallèle. Le régime n'a pas trouvé mieux que de conjuguer la distribution aléatoire de la rente pétrolière, la répression policière et l'attisement des haines pour étouffer la revendication pacifique pour le changement. Il prend à la gorge une société qui veut respirer à pleins poumons par des procédés qui dépassent tout entendement. A Alger, en plus de la mobilisation de la police, il a pris exemple sur le régime finissant de Moubarek qui a envoyé ses chameaux sur la place Tahrir pour brimer un mouvement qui a fini par le submerger.
Dans le reste du pays, il est revenu sur tous ses engagements, pourtant pris lors du très officiel Conseil des ministres présidé par le premier magistrat du pays, à savoir l'autorisation des marches pacifiques. Mais la répression des manifestations à Oran et l'interdiction d'une marche à Batna montrent bien que «la concession» faite il y a quelques semaines, en pleine tempête, pendant les révolutions tunisienne et égyptienne, se révèle àªtre un subterfuge, plutôt une diversion pour gagner du temps. A présent, l'on s'autorise tout pour mater, partout, les militants de la démocratie. Seulement cela a un prix : le chaos.
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Posté Le : 07/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Said Rabia
Source : www.elwatan.com