Algérie

La démocratie reste à protéger



La démocratie reste à protéger Il aura fallu attendre quelque 17 ans et 200.000 morts pour entendre un des dirigeants de l’ex-FIS, en l’occurrence Rabah Kebir, déclarer que la démocratie est une valeur fondamentale pour organiser les sociétés, qu’elle est valable pour l’ensemble des sociétés et qu’elle consacre l’alternance au pouvoir. Pour ne pas avoir accepté d’adhérer à cette petite notion de la démocratie, le FIS a décidé de ne laisser aucune chance à ceux qui en étaient convaincus, faisant d’eux des ennemis à exterminer. Alors qu’il était encore un parti légal, il a ouvert la voie aux «expéditions punitives» contre les rassemblements des partis aussi bien concurrents (la guerre des minarets) que des opposants à son idéologie (le RCD à Batna et Sidi Bel-Abbès), et a même généralisé sa fronde contre les activités culturelles et artistiques (salles Atlas et Harcha à Alger). S’afficher partisan de la démocratie, en ces temps-là, était le plus court chemin de se faire porter sur une liste de personnes à abattre quand viendra le moment.Dès cette période, les lettres de menaces ont atterri dans les boîtes aux lettres de militants et ne sont pas restées lettres mortes. Au prix de leur vie, les Algériens et Algériennes ont résisté pour maintenir l’Algérie républicaine debout alors que le pays était dans un désespérant isolement planétaire. L’islamiste fissiste conquérant était une donne que le monde entier avait intégrée comme incontournable et qu’il fallait faire avec. Mais la République n’a pas abdiqué. Sa lutte contre l’obscurantisme et son terrorisme a constitué même un «précédent» et un cas d’école d’héroïsme et de résistance. La voie inaugurée par l’ex-FIS, qui s’est mué, en un cycle de violence débouchant sur un terrorisme où s’est engouffré tout ce que le pays comptait de fanatiques, n’a été finalement qu’un immense gâchis. Les fossoyeurs de la démocratie, comme Rabah Kebir, qui voyaient en elle une «religion» concurrente de l’Islam ont dû se résoudre à l’accepter comme «une valeur pour organiser la société», selon ses mots. Mais au-delà de la conférence de presse d’avant-hier de Rabah Kebir et ses déclarations reprises par la presse, qu’il ait fait ou pas d’abord un «retour» sur lui-même avant de songer au retour au pays après son long exil, ce qui pose problème, ce n’est ni lui, ni son ancien parti dissous, ni ses déclarations, mais la démocratie elle-même. En Algérie comme ailleurs, celle-ci a ses règles. Elle est basée sur le respect des lois officielles dont se dote le pays. Cela est d’autant à souligner quand ces lois sont directement issues d’un document qui a été soumis au scrutin universel par le biais d’un référendum populaire. Or la «Charte pour la paix et la réconciliation nationale», approuvée massivement l’année dernière par la majorité de l’électorat algérien, et qui s’était fixé comme but de contribuer à mettre fin au terrorisme, s’est articulée dans ses textes d’application décidés par le Président de la République en une interdiction très claire en direction d’une catégorie d’Algériens comme Rabah Kebir. Il est dit explicitement dans un des articles de ces textes que l’exercice de l’activité politique est interdit, sous quelque forme que ce soit, pour toute personne responsable de l’instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale. Rabah Kebir vient d’emprunter une position en faveur de la démocratie qui ne lui était pas connue quand les troupes se réclamant de son ex-parti massacraient les Algériens. C’est peut-être une forme de «repentir». Il reste à savoir quand les autorités officielles décideront de veiller à l’application des lois qu’elles ont décidées et faites approuver par le peuple pour protéger la démocratie, pour lui faire éviter un autre bain de sang. Et avec elle, l’ensemble du pays. Mohamed Issami


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