Algérie

La démocratie contre les chars et les fetwas



La démocratie contre les chars et les fetwas
Aussi puissant soit-il, aux plans économique et militaire, aucun pays ne peut échapper aux pires des régressions ? le coup d'Etat, le chaos terroriste ? s'il n'a pas pris soin de se doter de l'attribut essentiel des sociétés humaines qu'est la démocratie. C'est, à notre sens, la leçon à tirer des événements de Turquie dont le leader, Erdogan, n'a pas été à la hauteur du vote populaire qui l'a porté à la tête du pays en instituant un régime absolu, sans réels contre-pouvoirs, ce qui a entraîné de violentes crises ces dernières années avec l'opposition et la société civile tout particulièrement. Jamais les militaires turcs ne se seraient lancés dans une aventure aussi insensée qu'un putsch ? procédé qui a considérablement reculé ces dernières décennies, après avoir été la panacée dans deux continents, l'Amérique latine et l'Afrique ? si leur pays était une terre de démocratie.Et il y a risque désormais qu'au prétexte de punir les mutins, Erdogan ne frappe lourdement les opposants et n'assèche le peu qui reste encore de libertés en Turquie.En Syrie et en Irak voisins, la seule loi qui subsiste est celle des seigneurs de la guerre se partageant, à coups de milliers de morts, des terres autrefois de tolérance et de libertés. Ces vertus ne sont signalées que dans quelques îlots dans le monde arabo-musulman définitivement terrassé par l'ordre militaire et les fetwas salafistes. Celles qui sont produites par le monstrueux Daech ont même fini par dépasser les fetwas enfantées par leurs maîtres des royaumes de la région, dont l'impact a été lointain, en Afrique noire, au Maghreb et même dans le monde occidental.Si l'Algérie a payé le prix le plus lourd au terrorisme durant plus d'une décennie, c'est aussi en raison de son déficit en démocratie. Alors que les premiers signes de l'intégrisme commençaient à apparaître, dès la décennie 1970, les gouvernants regardaient ailleurs ou sévissaient contre les forces de gauche. Un chef d'Etat dans les années 1980 avait même sollicité un prédicateur du Moyen-Orient pour «réislamiser», à la télé, les Algériens. Volonté de sanctionner le parti FLN devenu véreux et fraude électorale, il n'en fallait pas plus pour que la déferlante intégriste se matérialise en victoire électorale. Le recours par les militaires à l'interruption des élections, s'il mit un frein à la prise de pouvoir par les islamistes, ne servit pas de leçon. Il ne fit pas comprendre que seule la démocratie est en mesure de mettre en échec les intolérances et les atteintes aux libertés et aux droits de l'homme. La place de l'armée est dans les casernes et aux frontières. La tentation du pouvoir politique, les militaires l'avaient déjà durant la Guerre de Libération et fut à l'origine de terribles crises.Celle de 1962 consacra définitivement leur volonté sur celle des politiques, enterrant ainsi un des principes-clés du Congrès de la Soummam. Excepté Boudiaf, tous les chefs d'Etat sont issus de la hiérarchie militaire. Bouteflika s'évertua à casser cette sorte de fatalité de l'histoire en limitant le poids des généraux, notamment ceux des services de renseignement. Mais il dévoya cette mission en n'améliorant pas le climat démocratique dans le pays et, pire, en s'attaquant aux quelques acquis chèrement arrachés par la population. Comme sa politique ressemble à un règlement de compte, voire à une revanche sur l'histoire, elle se démarque nettement de celle des pays développés et démocratiques qui ont définitivement barré la route de la politique et du pouvoir à leurs armées.


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