Algérie

«La décrue a commencé, mais...»



Le docteur Reda Adane est assistant en anesthésie-réanimation à l'hôpital Nefissa Hamoud à Hussein Dey (ex-Parnet). Dans cet entretien, il nous parle de la situation épidémiologique actuelle. Il note une légère baisse mais appelle à la prudence, afin d'éviter le scénario français. Il revient aussi sur les risques et juge les mesures prises par les pouvoirs publics. Appréciez-plutôt...L'Expression: Bonjour docteur, comment se présente la situation au niveau des hôpitaux en général, et de l'hôpital Nefissa Hamoud à Hussein Dey'
Docteur Reda Adane: Comme depuis plusieurs semaines, il y a toujours une forte pression sur les établissements hospitaliers. Les centres de tri sont toujours pleins, il y a un nombre relativement important d'hospitalisation, ainsi que d'admission en réanimation. Néanmoins, comme le confirment les chiffres officiels, depuis le week-end dernier, il y a une légère baisse par rapport à la semaine dernière où l'on avait vu une déferlante de malades atteints de Covid-19, prendre d'assaut les établissements hospitaliers du centre du pays. On constate donc une diminution qui,, est légère mais nous fait penser que la décrue a commencé. On a peut-être atteint le «pic» de cette vague la semaine dernière avec le record des contaminations journalières. La décision des Hautes autorités du pays de fermer les écoles a été judicieuse car, ces dernières se sont transformées en véritables «clusters». Le Omicron a plus touché les enfants qui l'ont transmis aux adultes. L'arrêt des cours a permis de couper la chaîne de transmission. Toutefois, il ne faut pas crier victoire. Le chemin est encore long. Il faut que cette baisse se poursuive dans le temps pour confirmer que l'on a effectivement atteint le pic. Or, comme on a pu le voir en France, ils ont connu une baisse des cas avant que cette décrue ne marque le pas. Ils sont depuis plusieurs semaines sur un plateau haut avec des contaminations quotidiennes encore très importantes. Nous devons rester prudents!
Le constat est-il le même en ce qui concerne la réanimation'
Pas vraiment, on ne peut pas comparer les deux, car les places en soins intensifs ont toujours été limitées. Même durant les périodes d'accalmie, nos services ne désemplissaient pas de monde. Certes, avec cette nouvelle vague on constate moins de cas graves que durant l'été dernier. Néanmoins, le virus a la même incidence sur les personnes à risque. Que ce soit le Omicron ou le Delta, ils les mènent encore à l'hôpital, voire pour beaucoup en Réa, certains finissent malheureusement par décéder. Je tiens aussi à mettre en garde mes concitoyens sur le fait que le variant Delta circule toujours. Selon les séquençages effectués par l'institut Pasteur, il n'est plus majoritaire mais il est toujours là. Donc que l'on soit une personne fragile ou en bonne santé, le danger est toujours là. La preuve, les hôpitaux sont encore surchargés. Il faut rester sur ses gardes et respecter les gestes barrières.
Quel est le profil des personnes admises en soins intensifs' Sont-elles vaccinées'
Ecoutez, le profil est toujours le même. Ce sont les personnes dites à risque. C'est-à-dire celles âgées de plus de 60 ans, les personnes fragiles avec des comorbidités telles que le diabète ou celles en surpoids. Les études ont aussi démontré qu'il y avait une part de génétique dans cette incidence. En effet, certaines personnes jeunes, en très bonne santé sont foudroyées par la Covid-19. Elles décèdent même alors qu'elles ne sont pas considérées comme des personnes à risque. Pour ce qui est de la vaccination, je n'ai pas de statistiques exactes mais la forte majorité des personnes que nous recevons en soins intensifs ne sont pas vaccinées. Elles sont très rares celles qui ont eu leur schéma vaccinal complet et qui se retrouvent en Réa. Il s'agit plus de personnes dénutries, ou en fin de vie. Le virus va fatalement provoquer des complications chez elles même avec le vaccin.
Vous êtes donc pour l'obligation vaccinale'
Non, je ne suis pas pour que le vaccin soit obligatoire. Cela reste pour moi un choix personnel. Mais je dis qu'en tant que spécialiste qui travaille sur le terrain, il a prouvé son efficacité sur la prévention des complications liés au coronavirus. Malgré cela, un nombre très important de personnes à risque n'ont pas reçu leurs doses. C'est ce qui me choque! Je les voie arrivés en réanimation, alors que le vaccin aurait réduit considérablement leurs risques de se retrouver dans une telle situation. Je suis donc de ceux qui pensent qu'il faut aller vers une campagne de vaccination ciblée envers ces personnes à risque. Au lieu du tout- vaccinal qui n'a jusque- là apporté presque aucun résultat, il faut intensifier les campagnes de sensibilisation envers ces personnes, les contacter, se rendre chez eux pour les immuniser.
Les contaminations ont explosé mais nous ne vivons pas le même désastre que l'été dernier. Est-ce dû à la nature de Omicron ou une meilleure préparation des pouvoirs publics'
Effectivement, il y a beaucoup moins de pression que lors de la 3e vague. Le Omicron est moins «violent» que le Delta. Ce qui fait que même si les centres de tri sont pris d'assaut, il y a beaucoup moins de personnes qui finissent dans les hôpitaux. Cependant, comme je l'ai déjà dit, ce variant n'est pas moins inoffensif. Il provoque toujours des complications chez certaines personnes, ajouté au fait que le Delta circule toujours dans le pays. Ce qui fait que la nature du virus n'explique pas à elle seule le fait que nous ne vivons pas le même drame que l'été dernier. Il y a toujours des manquements, mais il faut avouer que le ministère de la Santé s'est mieux préparé à cette 4e vague, avec, notamment le fait de consacrer des hôpitaux entiers à la prise en charge des malades atteints par ce virus, et leur renforcement en matière de logistique à l'image des capacités en oxygène médical. C'est ce qui a permis de diminuer la pression sur les autres hôpitaux et mieux prendre en charge les malades.


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