Algérie

"La décision publique doit être décentralisée au profit des communes"



Liberté : Tout le monde parle d'une nécessaire autonomie de gestion des communes. À votre avis, comment serait-elle possible 'Benadda Abderrahmane : L'autonomie doit être d'abord financière, car il s'agit d'une institution dotée de la personnalité morale, c'est-à-dire d'un budget. Donc, on ne peut parler de l'indépendance d'une commune sans parler de budget et donc de recettes et de dépendances, mais aussi de patrimoine et de potentialités économiques et financières de la collectivité.
En dehors de la taxe foncière (bâti et non bâti) et des loyers qui reviennent de droit à la commune, quelles sont les autres ressources susceptibles de renflouer les caisses des municipalités '
Il faut d'abord examiner la répartition du produit de l'impôt et revoir à la hausse la part d'impôts revenant à la commune, sachant qu'une bonne partie des produis fiscaux alimente le budget de l'Etat, notamment la part communale de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) qu'il faudrait relever pour permettre à la commune de jouir d'une aisance financière lui assurant une indépendance pour la concrétisation de ses projets. Mais n'oublions pas qu'il y a aussi l'inscription des projets sectoriels qu'il faut répartir équitablement à toutes les communes au prorata de la population, dans le cadre du développement local, particulièrement les communes des régions déshéritées, à l'image de celles des Haut-Plateaux, du Grand-Sud et des zones à promouvoir qui devront bénéficier d'un tissu industriel, à travers l'encouragement de l'investissement à grande échelle en matière d'agriculture.
Depuis l'indépendance, les communes ne comptent que sur les opérations financées dans le cadre des programmes communaux de développement (PCD) et des programmes sectoriels de développement (PSD). Aussi doivent-elles se suffire de la régie communale '
Je crois que la régie communale est dépassée. L'Algérie, c'est 1541 communes. Il s'agit plutôt du pouvoir de décision en termes de développement. Il ne faudra pas oublier que la Constitution de 2020 évoque le rôle de la société civile qui doit s'impliquer davantage dans la gestion des affaires publiques car c'est elle qui doit déterminer avec précision les besoins de la population en matière d'emploi, de santé, d'éducation, d'enseignement et autres secteurs vitaux. Et c'est à la lumière de ce travail que les communes auront à c?ur de décider sur quelles actions de développement elles devront se baser. Ce n'est aucunement au pouvoir central de le faire à leur place quand il s'agit de définir les priorités, et ce, contrairement aux projets qui entrent dans le cadre des programmes sectoriels, à l'exemple du logement, des édifices publics et de la politique de l'emploi, dans la mesure où chaque commune a sa propre spécificité.
Prenons l'exemple de la wilaya de Aïn Témouchent avec ses 80 km de côtes, ses deux ports de pêche qui ne manquent pas d'importance, en plus d'un abri de pêche, de son agriculture et de son potentiel touristique. Ne mérite-t-elle pas de donner la possibilité à ses communes de décider des priorités de développement '

La quasi-totalité des communes est à vocation agricole. Qu'est-ce qui les empêche de bénéficier du produit du foncier agricole '
Les textes existent à travers le code des impôts directs et taxes assimilées. Il faudrait d'abord qu'il y ait imposition. Or, le recensement des terrains agricoles n'est pas une tâche de tout repos, notamment lorsqu'il s'agit de prendre les mesures des superficies de terre et dont nombre ne sont même pas cadastrées. Il faudrait donner les moyens humains et matériels avec la dotation de véhicules tout-terrain aux services extérieurs de l'administration fiscale pour recenser le foncier agricole à l'effet d'imposer des taxes, en plus de la taxe sur le revenu agricole. Pour ce faire, en plus de l'implication de tous les services représentés au niveau des communes, il faudrait libérer les initiatives à l'échelle locale et doter les services locaux des moyens humains et matériels pour pouvoir procéder au recensement mais aussi permettre de recouvrer ces taxes, qui reviennent à 100% à la commune pour alimenter son budget. Il va sans dire que la taxe foncière est très importante dans la confection du budget, alors que malheureusement celle-ci ne représente qu'un chiffre dérisoire (0,25%) du budget, contrairement à la part de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) revenant à la commune qui se taille la part du lion. Le même principe devrait être appliqué au foncier industriel, à la seule condition que celui-ci est taxé au mètre carré et le foncier agricole à l'hectare. Or, ce sont les communes qui abritent les sièges sociaux des entreprises et des sociétés qui sont les mieux loties avec le recouvrement de la TAP, contrairement à d'autres qui accueillent leurs filiales et qui sont pénalisées. C'est pourquoi il faudrait qu'il y ait un développement équilibré à travers d'abord le territoire national, ensuite à travers les communes de la wilaya pour une répartition équitable des richesses, par l'affectation des projets d'investissement pour donner la chance à chaque commune d'émerger sur le plan du développement local.

Entretien réalisé par : M. Laradj


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