La curée Takfarinas

Le lynchage subi par le chanteur sur les réseaux sociaux depuis la sortie de son clip «Tchektchouka» a quelque chose de triste et d'attristant. On ne lui connaît pas de textes de haute teneur poétique. Takfarinas a son genre musical et dans son style, il tient plutôt le haut du pavé. Le chanteur n'a jamais été pris pour ce qu'il n'est pas et ses fans, très nombreux au demeurant, l'aiment comme il est : une bête de scène, du rythme, des sonorités du patrimoine revisitées sur des tons modernes et des paroles de bric et de broc qui ne sont là que comme support à une production musicale qui a eu ses «tops et ses flops». Personnage haut en couleurs, il ne fait jamais les choses simplement, dans ses compositions, ses tenues de scène et jusque dans la forme de ses instruments auxquels il a donné des formes qui lui ressemblent. Selon le regard qu'on porte sur lui, on peut y voir de l'audace ou de la facilité esthétiques. Lui, fait ce qu'il sait faire le mieux à ses yeux : chanter dans son registre, sans prétention, sourd aux reproches de ceux qui refusent d'aimer ou ne pas aimer un artiste pour ce qu'il est et pour ce qu'il produit. Et, il faut quand même en parler, à ceux qui aimeraient voir dans chaque chanteur un militant de? leur cause. C'est pourquoi, la curée déclenchée contre Takfarinas à la suite de son dernier album a quelque chose de triste et d'attristant, comme il est dit au début de ce texte. Puisque le chanteur n'a pas habitué le public à autre chose que ce qu'il vient de mettre sur le marché, la logique voudrait qu'on continue à aimer, ne pas aimer, ou même cesser d'aimer parce que déçus. La curée se justifie-t-elle pour autant ' Non, et c'est d'autant plus triste et attristant qu'on l'a retrouvée dans la bouche et le clavier de femmes et d'hommes qu'on n'attendait pas à ce niveau et sur ce terrain? d'indignation. Il y a tellement de raisons d'être en colère dans ce pays qu'aller invectiver un chanteur qui plus est, est loin d'incarner ce qui se fait de plus mauvais en la matière laisse sans voix. Dans le meilleur des cas, c'est incompréhensible. Dans le pire, c'est tout simplement douteux. D'abord parce qu'on n'a pas l'habitude, et heureusement, d'assister à ce genre de lynchage à chaque fois qu'un artiste déçoit par la qualité d'une nouvelle production. Ensuite parce que dans le clip « incriminé », il n'y a pas que la musique et les paroles. Il y a aussi? surtout ' - un ballet avec de belles danseuses au ventre nu. Que cela scandalise l'armée des ténèbres qui ne se recrutent pas que dans les maquis et les «halqate», c'est normal, personne n'en attendait autre chose. Mais que la levée de boucliers s'élargisse aussi dangereusement, jusque dans des cercles qu'on croyait acquis aux lumières, et de manière si synchronisée, c'est vraiment? triste et attristant.S. L.