Algérie

La culture de la rente : un désastre


"La culture de la rente est devenue une question structurelle qui amène la société dans une forme de désastre", regrette Daho Djerbal.Le siège de l'association Rassemblement pour la jeunesse algérienne (RAJ) a abrité, avant-hier, une conférence-débat autour du système rentier qui prend en otage le pays. Placée sous le thème "économie rentière et culture rentière", soit le titre même du dernier numéro de la revue Naqd, cette rencontre a été animée par les sociologues Daho Djerbal et Rachid Boumdine ainsi que les économistes Youcef Benabdallah et Amar Khalif.
Les quatre intervenants se sont accordés à dénoncer la gangrène par la culture rentière de l'ensemble de l'appareil de l'Etat et son extension à la société, notamment depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, en 1999. La culture de la rente, regrette M. Djerbal, est devenue une "question structurelle qui amène la société dans une forme de désastre". Le système s'adossant sur une large clientèle, explique le sociologue, étouffe toute initiative de production car il compte exclusivement sur la rente pétrolière qu'il redistribue dans le seul souci d'élargir sa clientèle. Ainsi, ajoute-t-il, le système rentier reste foncièrement un système "liberticide", animé, donc, par la volonté permanente d'étouffer les libertés et les contre-pouvoirs.
Le fondateur de la revue Naqd conclut ainsi que le système rentier produit de la "violence horizontale". Même analyse chez son collègue, Rachid Boumdine qui, lui, dénonce un "Etat clientéliste géré comme une propriété privée".
Un Etat qu'il qualifie de "néo-patrimonial" dont la gestion repose sur la transformation et le redistribution de la rente pour le réseau de clients se trouvant aussi bien à l'intérieur de l'appareil étatique qu'à l'extérieur de l'Etat. De l'avis du sociologue, les tenants du pouvoir ne décideraient rien au hasard et que leurs politiques seraient réfléchies et "cohérentes".
Pour étayer son propos, il fait le parallèle entre la gestion des manifestations populaires et le marché informel. Selon lui, si l'Etat a souvent réussi à maîtriser, par la répression, les manifestations et tolère le commerce informel, cela ferait partie du fonctionnement du système animé par la seule volonté de se pérenniser au pouvoir. Un raisonnement auquel se joint Youcef Benabdallah qui dénonce le "désengagement de l'Etat" depuis notamment 1999, même s'il regrette que la rente soit une maladie qui affecte le pays depuis plus de 40 ans. Dans son analyse rétrospective sur la gestion du pays depuis l'Indépendance, ce dernier a rappelé la volonté qu'il y avait durant les années 70 pour industrialiser le pays avant que cet élan ne soit freiné par la conjoncture du milieu des années 80 et la crise qui s'en est suivie.
Au lieu de reprendre la politique de l'industrialisation et l'encouragement du secteur économique productif, regrette l'économiste, il y a eu, depuis 1999, l'émergence de l'Etat clientéliste. Un Etat, enchaîne-t-il, qui mise, depuis, sur la rente des hydrocarbures pour l'achat de la paix sociale. L'objectif des décideurs, ajoute-t-il, étant d'assurer la pérennité du système. À son tour, le professeur en économie, Amar Khalif, a fait un diagnostic minutieux sur la gestion "catastrophique" du secteur des hydrocarbures. Il dénonce, entre autres, la volonté de libéraliser le secteur à travers plusieurs actes de gestion qui se sont succédé notamment depuis l'arrivée de Bouteflika à ce jour.
Il cite, entre autres, l'ouverture des gisements pétroliers aux étrangers ou encore la volonté d'aller vers le gaz de schiste qu'il qualifie d'aventure "économiquement désastreuse".
Farid Abdeladim
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