En dépit d'une
situation financière très confortable favorisée par une embellie des prix
pétroliers qui remonte maintenant à plus d'une décennie, l'économie algérienne
semble s'installer durablement, année après année, dans un régime de croissance
molle que viennent confirmer à la fois les résultats enregistrés en 2011 et les
prévisions pour l'année 2012. Consensus au sein des économistes algériens : un
défaut de gouvernance, pour ne pas dire une mal-gouvernance.
Les chiffres
rendus publics ces derniers jours par les institutions financières
internationales relèvent une croissance limitée à 2,5% en 2011 et plus faible
que prévue, en novembre dernier encore, lors de la visite à Alger d'une
délégation du FMI. Les perspectives pour 2012 ne sont pas beaucoup plus
favorables. Les 3,1 % prévus cette année par le FMI sont à la fois contredits
par la Banque
mondiale qui annonce un petit 2,7% et menacés par les risques de dégradation de
la conjoncture économique mondiale. Contrairement à une idée largement
entretenue par le flou de la communication officielle qui annonce imperturbablement
à chaque projet de loi de finances, une prévision de croissance voisine de 5%, les
résultats obtenus sont loin d'être à la hauteur de notre potentiel économique. Selon
les bilans établis dans ce domaine par le FMI et qui constituent la principale
référence internationale, la dernière année de croissance forte en Algérie date
de 2005 avec un chiffre de 5,1%. Depuis cette date, soit les 6 dernières années,
la croissance globale de l'économie algérienne s'est toujours située entre 2 et
3%. Plus proche d'ailleurs de 2 que de 3%. Une performance très nettement
inférieure à celle de la moyenne de l'économie mondiale ainsi qu'à celle des
pays voisins. Compte tenu par ailleurs d'une croissance démographique voisine
elle-même de 2%, ces chiffres correspondent à une stagnation du PIB par
habitant, qui est le principal déterminant du niveau de vie de la population. Dans
ce tableau assez sombre, le seul élément de satisfaction reste une croissance
hors hydrocarbures proche de 7% et portée essentiellement par les secteurs du
BTP, des services ainsi que par l'industrie privée.
EN QUEUE DE
PELOTON POUR L'EXPORTATION
En dehors de sa
mollesse «structurelle», les principaux points faibles de la croissance
algérienne résident dans le fait qu'elle reste essentiellement tributaire de
l'importance de la dépense publique, à l'origine notamment des performances
enregistrées par le secteur du BTP. La croissance du PNB algérien est d'autre
part tournée essentiellement vers le marché interne avec des performances en
matière d'exportation (malgré des exportations hors hydrocarbures qui ont
franchi pour la première fois la barre des 2 milliards de dollars en 2011) qui
illustrent la faible diversification de notre économie. Dans ce domaine, la Banque Mondiale a
élaboré un indicateur intéressant qui mesure le nombre de produits exportés par
chaque pays. Avec 186 produits exportés, l'Algérie se classe tout à fait en
queue de peloton, loin derrière bien sûr les champions que sont la Chine - qui en exporte près
de 4500 - mais également la
Turquie devenue grand exportateur avec 3200 produits. Ce
n'est pas une surprise non plus, la
Tunisie et le Maroc font beaucoup mieux que nous avec
respectivement 1200 et 1100 produits exportés. La surprise vient peut être d'un
pays comme l'Arabie Saoudite, au moins aussi pétrolier que nous et qui exporte
quand même près de 350 produits. La médiocrité persistante des performances de
l'économie algérienne a conduit depuis de nombreuses années les institutions
financières internationales à réclamer, ainsi que l'a fait ces derniers jours
le FMI dans son rapport sur l'Algérie, «des réformes structurelles plus
résolues qui sont vitales pour atteindre des objectifs de diversification de
l'économie algérienne».
CHANGER D'ECHELLE
La nouveauté de
ces derniers mois, c'est que la stagnation de l'économie algérienne conduit
aujourd'hui un nombre croissant d'opérateurs et d'économistes nationaux à
réclamer, à l'image du think tank, «à défendre
l'entreprise», une accélération du processus de réforme économique et un
changement d'échelle de l'action de l'Etat dans ce domaine. C'est avec beaucoup
de vigueur que les animateurs de ce groupe de réflexion au sein duquel figurent
des noms aussi connus que Taieb Hafsi,
Abdelmadjid Bouzidi ou
encore Abdelhak Lamiri, ont
relevé en décembre dernier qu' «il est devenu patent que les blocages dont
souffre l'économie algérienne sont dus à un défaut de gouvernance». Pour eux
«il est indispensable que l'Etat algérien accepte de remettre en cause sa
gouvernance» et abandonne donc l'attitude de dénégation qui est aujourd'hui la
sienne. Les pistes d'action qu'ils indiquent pour «mettre notre pays sur la
voie d'une croissance forte et auto-entretenue»
constituent un véritable programme économique inspiré explicitement des
expériences mises en Å“uvre récemment et avec succès par des pays comme la Malaisie ou la Géorgie. Elles
s'appuient notamment sur une réforme de l'administration visant à mettre en
place «une administration professionnalisée, c'est-à-dire compétente, motivée
et comptable de ses actions». La réduction de l'intervention de l'Etat dans la
sphère économique est également au programme car, précisent les membres du think tank, «vouloir à tout prix préserver et développer un
secteur public fort est un choix perdu d'avance». La participation des acteurs
économiques aux grands choix de développement à travers notamment la
transformation de la tripartite en instance permanente de consultation, ainsi
que la mise en place d'une institution indépendante responsable de la
simplification administrative pour les entreprises, figurent également parmi
les propositions destinées à améliorer le climat des affaires et améliorer la
croissance.
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Posté Le : 31/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Taleb
Source : www.lequotidien-oran.com