La crise énergétique et le tour de force diplomatique algérien

Un des grands mystères et aussi une des grandes prouesses de l'action diplomatique de l'Etat algérien, en ces temps troubles de guerre russo-ukrainienne, est d'avoir réussi à maintenir un certain équilibre et imposer une position de non-alignement vis-à-vis des grands pays partenaires qui sont actuellement en situation d'hostilité avérée entre eux à cause de ce conflit armé.L'on se souvient qu'en juin dernier, le ministre espagnol des Affaires étrangères avait déclaré, en pleine crise algéro-espagnole induite par le brusque et surprenant revirement ibérique concernant le Sahara occidental, et dans le but de diaboliser l'Algérie, que celle-ci recevait directement ses «ordres de Moscou».
L'Algérie, pays vassal de la Russie donc ' Dans ce cas-là, comment expliquer la décision de notre pays d'accroître les volumes de gaz qu'il vend à l'Italie (et par un raisonnement plus pertinent que celui mis en avant par le ministre mentionné plus haut qui soutenait sans rire que l'Algérie voulait «déstabiliser le flanc sud de l'Europe en cherchant à opposer l'Espagne et l'Italie» sur instruction de Vladimir Poutine !) puis, avant-hier, de parapher un «partenariat renouvelé» avec la France (qui comporte sans doute un volet énergie), l'Italie et la France, deux pays majeurs de l'Alliance atlantique, en brouille sérieuse avec Moscou '
D'un autre côté, quels arguments de poids ont bien pu faire valoir les Algériens face aux Russes pour que ces derniers ne s'offusquent pas trop de «l'aide apportée par l'Algérie pour la diversification de l'approvisionnement en gaz de l'Europe» (selon la formule du Président Macron vendredi à Alger) au moment même où Moscou a fermé en partie ses robinets de gaz vers le vieux continent ' Mystère et boule de gomme ! Mais les man?uvres militaires algéro-russes qui auront lieu en novembre prochain près de Béchar sont la preuve que les relations entre Alger et Moscou demeurent toujours au beau fixe.
En tout cas, en ces temps de crise énergétique mondiale, le tour de force diplomatique de l'Algérie pour ne pas s'aliéner l'amitié des grands pays partenaires en grave conflit entre eux (avec les incidences que l'on connaît sur le ravitaillement de l'Europe en gaz) apparaît d'abord comme la réaffirmation de sa réelle autonomie de prise de décision au service de ce qu'elle considère être ses propres intérêts stratégiques.