Le royaume chérifien, depuis notre implantation en Algérie, ne cessait de créer des soucis aux autorités par les incursions pillardes de tribus plus ou moins soumises à son autorité, sur la frontière mal définie.
Malgré les accords successifs, demeurés lettre morte, et les incursions de nos troupes les années précédentes, le Sultan, soutenu par l'empire Allemand (qui le convoitait lui aussi) laissait ces tribus libres de leurs mouvements.
Il fallut qu'un accord Franco-Allemand soit paraphé pour permettre à nos troupes de mettre un terme aux désordres provoqués par ces agitateurs.
Le principal, BOUTCHICHE, et les BENI-SNASSEN furent mis à la raison par la campagne du général LYAUTEY en janvier 1908.
La vaste plaine des Triffa, située entre les rivières KISS et MOULOUYA, la mer au nord et BERKANE et MARTIN-PREY du Kiss, attira de nombreux colons.
L'un d'entre eux surtout su faire preuve de qualités exceptionnelles. Une volonté et un courage indomptables et une foi inébranlable dans la destinée de la colonie. Il créa, à quelques centaines de mètres de la frontière Marocaine, un port et une ville entière.
Louis, Jean-Baptiste SAY, lieutenant de vaisseau de réserve, choisit ce rivage et la plaine marécageuse qui le jouxtait pour s'installer.
Il construisit une baraque, couverte en diss (l) sur le rivage et explora l'arrière pays. Il noua des relations privilégiées avec les tribus avoisinantes.
Son génie est d'avoir compris que les 40.000 hectares de terres d'alluvions de ce quadrilatère, arrosé par deux fleuves qui ne tarissaient jamais, et possédant un nappe souterraine d'un débit considérable étaient une source de richesses. En sus les montagnes proches regorgeaient de minerais de cuivre, d'antimoine, de plomb argentifère et de fer.
Toutes ces productions actuelles ou futures auraient besoin d'un débouché maritime proche pour être exportées.
D'autre part la ville d'OUDJDA, guère éloignée, pourrait utiliser ce port pour son important commerce.
C'était en juillet 1900. Il aurait pu, au lieu de s'investir dans ce projet coûteux et hasardeux, continuer une carrière d'officier de marine prometteuse, et, riche héritier, jouir sans soucis des joies que la vie lui offrait.
Il a préféré tout risquer, y compris sa vie. Il s'est installé là où, les négociants de NEMOURS, avaient tenter de créer un comptoir commercial, qu'ils durent abandonner en raison des dangers courus. Deux de leurs employés, François LLABADOR et Napoléon LANTIERI y furent assassinés. En sus la salubrité, du fait des marais, laissait à désirer. Bref cette baie à l'embouchure du KISS, n'avait rien pour séduire.
SAY a pris le risque. Il engagea sa fortune dans l'aménagement d'un port, la construction de bâtiments, la création de pépinières et le drainage du marécage. Les pouvoirs publics suivirent, ils aménagèrent des routes carrossables, et installèrent les administrations nécessaires, Douanes, Ecole, Postes et Télégraphe.
En neuf ans la ville naissante comptait neuf fonctionnaires, vingt quatre commerçants et trois cents habitants. Soixante maisons, docks, magasins ou ateliers étaient construits ainsi qu'un bain maure, une briqueterie et le port possédait cinq cents mètres de jetées.
En six ans, 200.000 quintaux de céréales y avaient été embarquées, représentant deux millions de francs. Dans la seule année 1906 le port avait vu 146 navires faire escale.
Aussi le gouvernement vient de récompenser les efforts de Monsieur SAY, pour les services rendus à la colonisation Algérienne, et par conséquent, à la France. Il lui a conféré les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur, le 14 juillet 1908.
(1) variété de roseau à aspect très fin.
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Posté Le : 17/08/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Luc TRICOU, Extrait de l'Afrique du Nord Illustrée du 20 mars 1909
Source : afn.collections.free.fr