« Ne songer qu'à
soi et au présent, source d'erreur dans la politique ». La Bruyère
L'impression
générale qui semble s'installer est qu'il y a une course contre la montre entre
le président de la République et une mosaïque d'intérêts à l'intérieur de la
majorité censée contester le législatif, l'exécutif et l'administration. Les
appétits, bien précoces et fébriles, se manifestent comme en témoignent la
guérilla bien entamée autour de la loi sur les partis, le code électoral,
l'information, le quota pour les femmes, la constituante, la friperie et autres
joyeusetés. A un moment crucial, un ministre n'a pas trouvé mieux que de partir
en croisade contre un livre, un simple livre, qu'il a sûrement lu et compris,
pour le mettre sur un bûcher. La gymnastique du jour pour la majorité est
intenable pour les articulations. Comment vider de toute pertinence et réduire
à zéro, les réformes envisagées et faire oublier que le Graal indépassable
était « soutenir le programme et chaque décision présidentielle » au péril de
sa vie ?
En face, des
oppositions hétérogènes et sans once de plus petit dénominateur commun, ont
pour programme un tic, un slogan, une fixation obsessionnelle : « tout sauf Boutelika qui doit partir ! Une posture adoptée par des
courants de la majorité qui scrutent les oracles et lorgnent vers El Mouradia. En réalité, de nombreux partis, bien « gérés »
convergent objectivement pour assécher le débat, reconduire le suivisme
administratif du parlement, doper le statu quo, retarder toute réforme et faire
joujou avec le pays contre de gros et gras salaires. Mais heureusement que la
société bouge, que des syndicats exclus des négociations se légitiment sur le
terrain, que des citoyens dénoncent ceux qui autorisent des constructions
mortelles lorsqu'il pleut, les trottoirs recouverts de carrelages et la
corruption qui atteint des cîmes… Les appareils,
tendus vers les rentes, les postes et l'inquisition n'ont pas le temps d'analyser
les champs social, générationnel, politique et la disparition de concepts, à la
mode il y a peu. Ils ont disparu aussi des pages de journaux, alors qu'ils
étaient les indicateurs d'un « combat » managé à bon escient.
La confrontation
d'une rare violence, d'une exceptionnelle capacité meurtrière, qui a opposé des
Algériens à l'A.N.P., aux autres institutions, des
citoyens entre eux, a diminué d'intensité à partir des années 2000. Le
terrorisme (qui tue encore chaque jour) a failli faire imploser le pays, mais
s'il n'est pas résiduel aujourd'hui, il ne peut faire vaciller les fondements
essentiels du pays ni la volonté des Algériens qui veulent vivre dans la paix
et la sécurité. Les mandats de M. Bouteflika sont
soumis à la critique d'experts, ici et ailleurs, d'intellectuels et chercheurs
nationaux, tout comme la place de la religion, de l'intégrisme, de la
tolérance. De leur côté, les partis toutes tendances confondues, évitent comme
la peste les sujets relatifs au culturel, au cultuel, à un projet de société,
au genre féminin, etc. Pour les uns, ils sont à 100% pour le programme
présidentiel qui ne pêche par aucune faiblesse. Quitte à le dévoyer lorsqu'il
s'agit de la femme, du non cumul (ministre et parlementaire) du maintien de la
tutelle de l'administration sur les partis et les associations.
Pour la majorité
des opposants, aussi manichéistes que l alliance des 3, M Bouteflika
n'a fait aucune action positive, aussi petite soit-elle et n'a pris aucune
décision positive ou progressive. La posture est peu mobilisatrice, vide de
pertinence et c'est l'autre face d'un vide politique. Des généraux impliqués
dans la vie politique, les vedettes de l'ex FIS, les « bidouilleurs » du
scrutin remporté par le parti de l'apocalypse sont absents du dispositif mis en
place à partir du premier mandat de M. Bouteflika. Le
traitement à deux volets du terrorisme (lutte ferme et réconciliation) a
ratissé surtout large, en dehors d'îlots incompatibles et surtout élitistes.
Des « éradicateurs » soutiennent la réconciliation nationale, d'autres ne
savent pas, en dehors de la force armée, comment affaiblir les forces
composites et parfois folkloriques, islamistes. Et ces dernières, en fonction
de la situation internationale et des évolutions internes investissent plus
dans les réalités sociales, les perversions culturelles, la haine des femmes
que dans une stratégie politique sur le modèle turc par exemple. Si le climat
sécuritaire et même social qui était manipulé au profit de l'ex FIS a
radicalement changé, il y a des questions en suspens qui tétanisent. Les
disparus, l'enrichissement de repentis, la torture, le rôle de la justice donne
du grain à moudre à l'opposition, aux associations, aux ONG…
M. Bouteflika se place résolument au centre. Ce qui contrarie
les rigoristes « fous de Dieu » et les éradicateurs. Il se veut l'homme de
consensus, au-dessus des appareils acteurs impliqués dans les processus
autoritaires et violents. Ces derniers dont les bilans sérieux et les analystes
froides restent à faire, ont failli emporter le pays et créer un séisme au
Maghreb bien avant les récents développements. La stabilité du socle est
revenue avec certes des islamistes tueurs en liberté. Mais si la majorité,
toute administrative et artificielle jouait le jeu des réformes avec
volontarisme et courage, il est possible d'aller ailleurs et vite. Il est
possible de fédérer les citoyens, s'il le faut au-dessus des partis manichéens
et extrémistes. Les uns pour le tout va bien (T.V.B) et d'autres pour le tout
va mal (T.V.M). On peut rassembler au-delà des appareils partisans soucieux de
conserver ou d'avoir la présidence d'une chambre parlementaire, le plus d'élus
(sans aucun programme propre), d'occuper les syndicats autonomes comme le fait
le gouvernement, de dénigrer, d'insulter et même de fragiliser le pays à
l'extérieur.
La fermeture de
la tripartite aux syndicats non officiels, la disparition des billets de banque
de 2.000 dinars après leur sortie de l'imprimerie, la corruption, la dépendance
alimentaire qui atteint des sommets, le refus du quota pour les femmes, le
verrouillage du mouvement associatif, le nombre ahurissant de quotidiens dopés
par l'ANEP, la cacophonie autour de l'audiovisuel et
de la loi sur l'information, confortent les extrêmes. Il est quand même
stupéfiant d'entendre dire que « l'ouverture du champ audiovisuel à
l'investissement privé apparaît en effet, au regard des progrès considérables
atteint par le développement transnational des technologies (…). » Cette
phraséologie techniciste approximative décrédibilise avec force, la volonté du
chef de l'Etat qui, elle, est politique. Le processus voulu, dit, n'est pas
technique. Il vise à faire vivre le pluralisme, à supprimer le monopole
étatique sur les médias et élargir la libre expression. Réduire la volonté du
président aux évolutions de la technologie, c'est bel et bien, lui faire un
croc en jambes au plan politique. Des chefs de partis qui ne pensent pas une
seconde à affronter le suffrage universel, qui défendent le nomadisme
politique, qui ne pipent mot lorsque des débits de boissons sont fermés et
devant la situation de l'enseignement, des hôpitaux, ne peuvent se transformer
en réformateurs. M. Bouteflika en vertu des pouvoirs
que lui confère la loi suprême peut faire partir le train des réformes qui
perdent du terrain ç chaque jour gagné par les conservatismes, la guérilla
interne à la majorité et la montée des intolérances. Les recommandations
récoltées à la base, sur l'ensemble de territoire par le Conseil national
économique et social et qui seront livrées le 22 décembre prochain, peuvent
être le signal majeur pour refaire le lien et le liant entre les populations et
le pouvoir. Et il est vital que chacun, là où il peut, s'il le veut, apporte
son aide aux réformes sans renoncer à des convictions, surtout si elles sont accompagnées
de projets vulgarisés par tous les moyens légaux, en direction des populations,
des médias, des associations, des élites… Il ne s'agit pas de signer un chèque
à blanc, mais de défendre des convictions et d'élargir chaque ouverture, aussi
imparfaite soit-elle, au moment où des partis s'accrochent à des lopins
d'intolérance, d'archaïsme et de régressions, avec le temps qui passe.
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Posté Le : 06/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com