La courbe des températures d'ébullition Point Zéro : les autres articles

Du gaz, une casserole et du lait. Quand on met ce dernier dans la seconde et que l'on chauffe le tout grâce au premier, il arrive que le lait déborde si l'on n'éteint pas le feu avant. C'est ainsi qu'en Algérie, tout est prétexte à l'émeute. Deux garçons assassinés à Constantine, une distribution de logements qui a mal tourné, une injustice policière ou une longue coupure d'électricité. Ces débordements sans fin posent la question de l'architecture d'un pays mal construit, qui a volontairement éliminé toutes les instances de médiation et scié toutes les articulations entre la société et ses représentants officiels.
Il y a pourtant des solutions dans l'exemple choisi : utiliser une casserole beaucoup plus grande ou diluer le lait avec de l'eau pour augmenter la courbe de sa température d'ébullition. Ou, encore plus simple, le régime, c'est-à-dire le gouvernement officiel et ses nombreux bras armés, pourrait éteindre le feu en coupant le gaz. Sauf que ce feu s'auto-alimente de façon continue par l'injustice, l'exclusion des moins de 60 ans de tous les domaines de la décision, l'inéquitable répartition des richesses et l'incompétence des chargés de secteur. Ce n'est plus ici de l'architecture mais de l'agriculture : on récolte ce que l'on sème.
C'est ainsi que dans le Sud chauffé au gaz en bouteille, des mouvements de chômeurs naissent un peu partout, à Ghardaïa, Béchar ou Tindouf, à croire que toute la région est au chômage, contredisant les chiffres officiels. On pourrait mal juger ces manifestants, ingrats envers un pouvoir qui leur a tout donné, et condamner moralement tous ces émeutiers qui ne cherchent que l'occasion de casser les symboles du régime. Mais dans la logique du pouvoir, qui a peu près tout confisqué à sa population, même la manifestation pacifique est interdite. Dans la logique des Algériens, par contre, tout peut arriver. Même une émeute contre les émeutes.