Algérie

La cour d'Alger cherche l'apaisement



Avocats et magistrats de la cour d'Alger ont fini par s'asseoir à une même table, jeudi, pour tenter de trouver une issue à la grosse crise en cours dans le monde des robes noires.Abla Chérif - Alger (Le Soir) - L'invitation à cette rencontre n'avait pas été rendue publique au préalable, et seules quelques rares informations ont circulé au sujet de contacts informels entrepris pour la résolution de cette crise.
Des contacts il y en a eu pourtant, affirment des avocats solidaires avec leurs confrères qui font partie du groupe d'où est parti l'incident entre le bâtonnier d'Alger et le président de la première chambre pénale de la cour d'Alger.
Selon les informations auxquelles nous avons eu accès, des appels au calme et à la sagesse ont été adressés aux avocats, peu de temps après le déclenchement de la grève d'une semaine, puis ils ont été suivis par un appel à une rencontre où seront débattus tous les points d'achoppement.
L'Ordre des avocats a publié ce jeudi un communiqué annonçant que le principe de cette rencontre avait été accepté, et qu'une réunion avait eu lieu le même jour à l'invitation du président et du procureur général de la cour d'Alger. Après une évaluation de l'action entreprise, l'Ordre des avocats informe de sa décision de ne pas reconduire la grève au-delà de la date initialement prévue, c'est-à-dire le dimanche 4 octobre, mais de poursuivre le boycott du travail auprès de deux chambres importantes de la cour d'Alger. La première n'est autre que la cinquième chambre du pôle pénal où a été jugée en appel l'affaire de Karim Tabbou. La seconde chambre est celle où s'est déroulé l'incident entre le président du tribunal et le bâtonnier d'Alger. Entre ces derniers et les avocats, la rupture semble bien plus profonde qu'on ne pourrait l'imaginer.
Dans son communiqué, l'Ordre des avocats va, en effet, jusqu'à citer les noms du président du tribunal et ses deux conseillers, et indique que la décision de boycott des trois concernés s'étend au niveau de toutes les juridictions où ils se trouvent.
Les avocats semblent très remontés par la version livrée, mardi, par le Syndicat des magistrats de la cour d'Alger. Ce dernier imputait à Me Sellini l'entière responsabilité des incidents qui ont produit une rupture entre les robes noires et les magistrats. Le bâtonnier est d'ailleurs accusé d'avoir créé l'anarchie durant le procès de l'homme d'affaires Mourad Eulmi, d'avoir tenu des propos qui attentent à l'autorité du président du tribunal, et d'avoir donné un coup de pied à la porte de la chambre où se déroulait le jugement.
Le Syndicat des magistrats a également annoncé son intention de transmettre un dossier relatant tous les faits aux autorités compétentes, et a appelé à une meilleure protection des magistrats durant l'exercice de leurs fonctions. Ces propos ont provoqué la colère de l'Ordre des avocats qui a réagi au quart de tour, en rappelant que Me Sellini était intervenu pour appuyer la demande de report des avocats, en évoquant la grande fatigue que tous éprouvaient, le peu de temps qui leur avait été accordé pour l'étude de nouveaux documents introduits dans le dossier, mais que la réaction du président du tribunal a été de refuser cette demande.
Face à l'insistance de Me Sellini, le magistrat a fait appel à l'ordre public, entraînant une grande colère du bâtonnier qui a fini par faire un malaise. En réaction à cet incident, la défense de Mourad Eulmi et ses co-inculpés a décidé d'entamer une grève qui a fini par s'étendre à tout le territoire national. L'Ordre des avocats a laissé, par conséquent, entrevoir la possibilité d'aller vers des actions de grève prolongées, tout en menaçant de déposer plainte auprès des instances judiciaires en cas de témoignage erroné, rédigé en dehors de la salle où s'est déroulé l'incident ou écrit en l'absence des avocats.
La menace s'adressait alors au Syndicat des magistrats de la cour d'Alger qui a tenu à indiquer qu'il bénéficiait du soutien de plusieurs magistrats.
Cette escalade a visiblement incité les plus hautes autorités de la cour d'Alger à intervenir à leur tour pour tenter de calmer la situation, en ouvrant la porte du dialogue. C'est ce qui s'est passé ce jeudi. Dans sa conclusion, le communiqué de l'Ordre des avocats signifie bien qu'il est dans l'attente d'une prise en charge et du règlement des problèmes auxquels sont confrontés quotidiennement les avocats.
«Le président de la cour et le procureur général sont tenus de répondre aux préoccupations et problèmes rencontrés durant l'instruction des dossiers, et les autres étapes qui suivent». De ce fait, la prononciation du verdict dans l'affaire Eulmi se transforme en véritables échéances attendues par les avocats. La présidente de la première chambre pénale a fixé le 10 octobre prochain comme date de prononciation du verdict, mais la défense de l'homme d'affaires ne l'entend pas de cette oreille et veut reprendre la séance là où elle s'est arrêtée le jour de l'incident. À ce moment, les plaidoiries des avocats n'avaient pu se dérouler, les nouveaux documents introduits dans le dossier n'ont pu être examinés et les prévenus n'ont pu avoir droit à leur dernier mot, autant de faits que les avocats considèrent comme étant des «atteintes aux droits de la défense».
A. C.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)