Algérie

La coupe jusqu'à la lie



«Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au football que je le dois». (Albert Camus)

« Sept Africains font partie de l'équipe de France ; ça leur fait plaisir de jouer cette coupe en terre d'Afrique …s'est laissé aller à dire le commentateur sportif de la chaîne française TF1, alors que les Bleus (à ne pas confondre avec les débutants) étaient menés, en ce 22 juin, par deux buts à zéro par l'équipe sud-africaine. Sous-entendez que l'équipe française qui est en train de perdre n'est pas «totalement» française… blanche. Il y a sept joueurs, français la veille, qui deviennent, ce 22 juin, africains… noirs. Je me suis dis que ce rappel des origines ethniques à des Français, qui sonne comme une tare congénitale lorsqu'ils posent problème à la société est, au mieux, une réaction instinctive des milieux populaires clients des partis politiques d'extrême droite, au pire, la manifestation d'une certaine faune prétendument intellectuelle qui n'a pas encore intégré les bouleversements post-modernes sociaux, culturels, économiques, philosophiques…ethniques ( !) du monde d'aujourd'hui. Passons. Pour m'éviter la «torture» des commentateurs sportifs français, j'ai, le lendemain, préféré suivre le match Algérie-USA sur une chaîne télé belge francophone dénommée «la Une», alors qu'en termes d'audience, c'est une autre chaîne francophone, RTL-TVI, qui tient la première place en Belgique en raison de son penchant pour les scandales et faits divers. Passons. Pas si évident que ça, puisque je n'en étais pas au bout de mes surprises. «…L'Algérie est, rappelons-le, la seule équipe dans ce Mondial qui représente les pays arabes…qui représente les musulmans», disait la voix du commentateur sportif attitré de «La Une» belge, avant de prononcer «terrorisme… Algérie… passé» sans qu'on n'y comprenne rien, puis, soudain : «Ah !!! Ce n'est pas possible ! Belle occasion ratée !» Le commentateur n'a pu développer sa parabole politique, géographique et… religieuse. Et comment aurait-il pu ? Par quel argumentaire aurait-il pu démontrer un quelconque rapport entre le match, Algérie – USA et l'islam ou le terrorisme islamique ? Et puis, de quoi parle-t-on, bon dieu ! Qu'est-ce qui est si particulier à cette Coupe du monde qui se déroule, pour la première fois de son histoire, en terre africaine ? Je sais, les télés occidentales, françaises en tête, n'ont pas ménagé leurs efforts pour mettre en doute, bien avant l'ouverture de l‘événement, la capacité du pays de Nelson Mandela à assurer une parfaite organisation de cette fête sportive. Et depuis le 11 juin, jour du lancement de la compétition, je n'ai pas raté les nombreux reportages sur la misère des Townships, la grève des travailleurs des stades, les 4 milliards de dollars investis par l'Afrique du Sud dans la construction et la rénovation des stades et autres infrastructures de base, le scepticisme d'un impact positif de cette Coupe du monde sur la population locale, etc. Moi qui veux, en cette veille de grandes vacances, voir juste des matchs de foot, je n'en suis pas au bout de mes peines et interrogations. Parce que figurez-vous que l'élimination de l'équipe de France au premier tour de la compétition tourne au drame national à tel point qu'au plus haut sommet de l'Etat, on crie à la trahison, au complot, à la triche. Thiery Henry, butteur de l'équipe de France, est reçu à l'Elysée par le chef d'Etat le jour même où deux millions d'autres Français manifestaient contre le report de l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans. Moi qui croyais que seules les républiques dites bananières utilisaient le football à des fins politiques, me voilà doublement surpris de découvrir que les êtres humains sont pareils, ont les mêmes passions et émotions, les mêmes faiblesses, les mêmes calculs et discours démagogiques, qu'ils appartiennent à l'élite ou au bon peuple, partout dans ce monde et, bien sûr, en France aussi. Ce n'est pas fini pour autant. Puisque les êtres humains sont pareils, pourquoi les responsables politique français, les commentateurs sportifs de télé, les journalistes…mettent-ils en doute le patriotisme des joueurs d'origine étrangère qui font partie de l'équipe nationale ? J'ai beau retourner la question, rien à faire, ne surgit devant moi que la terrible douleur de l'incompréhension. Puis une peur que j'ose à peine nommer… le racisme. Le visage de Nelson Mandela m'apparut. Serein, rayonnant, beau… songeur et soucieux, l'air de dire : «Vous savez, la bataille contre le racisme n'a pas d'échéance finale. Le ventre de la bête immonde est fécond. Y compris dans les démocraties les plus anciennes.» Par un coup du sort, Mandela, Madiba pour ses proches, n'a pu assister au coup d'envoi de la fête du foot. Prémonitoire, le destin de Madiba !




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