Algérie

La Côte-d'Ivoire dans l'incertitude



Frontières fermées, armée en état d'alerte, couvre-feu, chaînes internationales de télévision suspendues. Les Ivoiriens attendaient les résultats de l'élection, mais ils ont eu droit à  ce qu'ils appréhendaient, même si, dit-on, l'élection en soi s'est déroulée dans des conditions jugées acceptables. Ce sont deux présidents qui ont été déclarés élus en l'espace de tout juste quarante-huit heures. Il fallait le faire et d'ailleurs le coup de force n'était plus exclu depuis que le Conseil constitutionnel a décidé, jeudi, de reprendre en main le processus électoral dont était chargée la Commission électorale indépendante (CEI) avant l'expiration du délai qui lui était officiellement accordé. Ainsi donc, Alassane Ouattara a été déclaré vainqueur jeudi, hors délai et sans respect des formes légales, selon le pouvoir qui refuse visiblement de tenir compte de tous les blocages auxquels s'est heurtée cette même commission. Reprise en main donc et nouveau résultat, qui accorde cette fois la victoire au président sortant Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis dix ans. Et dire que quelques heures auparavant, le camp Ouattara mettait en garde contre un  putsch. Il est vrai, comme le dit un ambassadeur de Côte-d'Ivoire, que ce n'est pas à  la communauté internationale de choisir le président des Ivoiriens, bien que celle-ci appelle au respect du résultat des élections, se faisant l'écho de certaines inquiétudes désormais fondées. Le problème, constate-t-on, n'est pas technique mais fondamentalement politique à  la simple lecture de réactions internationales.
La tentation du pouvoir déjà grande menace cette fois la Côte-d'Ivoire, un pays coupé en deux, avec la présence sur son sol de forces étrangères chargées, depuis jeudi pour certaines d'entre elles, d'assurer la sécurité du candidat Alassane Ouattara. Et ce pays, jadis réputé pour sa stabilité, puis ayant vécu une situation de troubles, est menacé d'en connaître d'autres si la crise actuelle née de la double proclamation des résultats de l'élection présidentielle venait à  s'aggraver. D'ailleurs, rien n'indique une tendance inverse.La situation a basculé jeudi, lorsque l'armée a fermé les frontières du pays  immédiatement après l'annonce par la CEI de la large victoire de Alassane Ouattara sur Laurent Gbagbo. Pour ainsi dire, le pouvoir était particulièrement à  l'aise pour faire valoir l'argument légal qui est le délai accordé, mais n'y a-t-il pas cependant contribué en bloquant ou, simplement, en retardant le travail de la CEI ' Pour beaucoup, le travail accompli relève du miracle au regard bien entendu des incidents. En ce qui concerne les résultats proprement dits, auxquels le camp du président sortant ne semblait pas s'attendre, ils ont donné M. Ouattara vainqueur du scrutin «avec 54,10% des suffrages» contre 45,9% pour le chef de l'Etat. On en retiendra cependant la manière, puisque le président de la CEI, Youssouf Bakayoko avait annoncé ces résultats provisoires à  l'improviste, devant une poignée de journalistes, dans l'hôtel où était installé le QG de campagne de M. Ouattara. Cette proclamation était un coup de force car hors délai, qui avait quant à  lui expiré sans qu'un vainqueur soit proclamé. Mais dans la foulée, le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N'dré, un proche de Laurent Gbagbo, affirmait à  la télévision publique que ces résultats n'étaient pas valables : le délai passé, la CEI n'est «plus à  même de décider quoi que ce soit». Le Conseil constitutionnel a donc refait les comptes et annoncé la défaite de l'opposant Ouattara. Le camp du président Gbagbo – au pouvoir depuis dix ans – a saisi le Conseil pour faire annuler des votes «frauduleux» dans le nord, antérieurement sous contrôle de l'ex-rebellion depuis 2002.
Dans ce pays en proie à  l'instabilité depuis 1999 et même bien avant, lorsque M. Ouattara avait été exclu de la course à  la présidentielle pour «nationalité douteuse», personne ne sait sur quoi va déboucher une telle situation.


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