Un voleur s'est introduit chez moi et a dérobé ma montre, un vase à fleurs et ma médaille. Je l'ai cherché partout, dans les marchés et les prisons pour récupérer mes biens. De guerre lasse, j'ai vu le chef de la police pour qu'il arrête celui qui a volé ma demeure. J'ai commencé à lui raconter mon histoire lorsque j'ai vu, à son poignet, une montre ressemblant à la mienne. Je lui ai dit : « Pardon monsieur, je crois que vous avez appréhendé le voleur. Cette montre à votre poignet, je l'ai héritée de mon père, legs de mes ancêtres ». Il m'a regardé sournoisement et a appelé les gardes pour me jeter dans une cellule individuelle.Après une année, on m'a libéré et j'ai décidé de me plaindre, auprès du juge, du chef de la police et du voleur de ma maison. Devant le juge des juges, j'ai vu sur son bureau mon vase à fleurs. Je lui ai dit : « Monsieur le juge, est-ce que vous avez arrêté celui qui a volé ma demeure ' Ce vase est le mien et j'y mettais mes fleurs. Tout le monde s'est tu, moi également, lorsque le juge a crié après les gardes de prendre ce fou, en parlant de moi, et de m'apprendre à le respecter.
Après une année ou deux, je suis parti en courant voir le gouverneur. Je lui ai expliqué en détail ce qui m'est arrivé : le voleur, le chef de la police, le juge des juges, tous devenus mes ennemis. Le gouverneur m'a alors regardé, souriant, et m'a dit : « Je crains que tu ne dises que ta médaille est celle que porte le gouverneur ». J'ai regardé ma médaille autour du cou du gouverneur et j'ai enfin compris la leçon. Moi et mes biens appartenons au gouverneur. Le voleur ne s'est jamais introduit chez moi. Mais c'est moi qui étais le voleur dans ma propre maison.
Cette traduction libre du poème de Ahmad Matar, poète irakien dont l'?uvre est principalement centrée sur une critique politique des régimes arabes en place, est une caricature du mal qui ronge la nation arabe ou ce qu'il en reste. L'Algérie ne fait pas exception dans la cartographie de la corruption même si son cas est critique, chronique et irrémédiablement désespéré. Les différents classements internationaux la renvoient au fond des listes, traînant sa mauvaise réputation comme on traîne une ombre trop envahissante. Pourtant, les discours lénifiants, les effets de manche et les sigles anti-corruption ont fleuri tout au long de ces années sans pourtant épingler ne serait-ce qu'un simple factotum qui se fait graisser la patte pour vous laisser voir le responsable. A croire que tous ces organismes, créés par une Algérie schizophrène, ont décrété que la corruption est comme le père Noël.
Les responsables donnent l'impression de découvrir la corruption : « Ah bon ! Elle existe, pourtant on nous a promis que la corruption est une main étrangère qui veut nous étrangler ». De cette volonté politique absente du terrain à la condamnation de simples lampistes, la corruption est devenue une seconde nature, une monnaie d'échange pour vendre le pays au plus offrant. Si ailleurs, la corruption est une réalité, au même titre qu'en Algérie, on prend la peine de ne pas saboter la patrie. Chez nous, on est corrompus et on creuse la tombe de ce pays. Alors, au lieu de tirer à vue sur les porteurs d'armes blanches, commencez par exécuter ces voleurs qui dépècent l'Algérie dans les hôtels cinq étoiles.
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Posté Le : 22/07/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Moncef Wafi
Source : www.lequotidien-oran.com