Quand les politiques courtisent les journalistes
Jamais, sans doute, les journalistes n’ont fait l’objet d’autant d’intérêt de la part des acteurs politiques et sociaux.
Les promesses fusent et les apitoiements foisonnent sur une corporation qui devient subitement une préoccupation des politiques après l’avoir asservie à coups de lois scélérates et de dénonciations à tout bout de champ. L’approche des élections législatives semble avoir poussé les acteurs politiques à revenir à de meilleurs sentiments pour tenter de titiller l’ego des journalistes dans l’espoir de tirer des avantages comparatifs sous forme d’un soutien personnel ou partisan. Ainsi, le patron du parti majoritaire, M. Abdelaziz Belkhadem, n’a pas manqué l’occasion que lui offrait, jeudi, la conférence nationale des militants du FLN, pour jeter une belle fleur aux gens de la presse qu’il se propose d’aider. Comment? Le premier responsable du FLN annonce la tenue, le 7 de ce mois, d’un séminaire pour les journalistes, à la veille de la célébration de la journée nationale de la femme.Une rencontre qui sera chapeautée, d’après M. Belkhadem, par le «club de la presse du FLN» que préside Saïd Bouhadja. Cette initiative devrait se pencher sur «les préoccupations des journalistes algériens et les problèmes qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur métier». Pour ce faire, le patron du vieux parti appelle tous les professionnelsÂ à «une participation large et efficace». Cela étant dit, si, officiellement, cette proposition du chef du FLN se veut être une »rencontre pour la promotion du métier de journaliste», l’on se demande pourquoi M. Belkhadem se réveille maintenant pour tenter de sauver une corporation qui en a déjà vu d’autres. Il est, en effet, difficile de ne pas y voir une volonté du FLN d’amadouer, voire d’embrigader la presse à deux mois des législatives et dans lesquelles son parti vise à rafler la mise. Cette soudaine «volonté» d’aider les journalistes ne peut assurément être expurgée de son contexte politique qui sent trop fort l’électoralisme. Il est d’usage, soit dit en passant, que les états-majors politiques fassent les yeux doux aux journalistes à la veille des échéances électorales. Il est, d’ailleurs, significatif de noter que ce fameux club de la presse du FLN n’a jamais fait sensation depuis sa création. Aussi, le patron du FLN -qui est également le chef du gouvernement- n’a strictement rien fait –d’un point de vue législatif- pour améliorer un tant soit peu la situation du journaliste. Ni le nouveau code de l’information annoncé, ni même la dépénalisation des délits de presse, n’a été entrepris par le gouvernement FLN. Ce qui jette évidemment de la suspicion sur cette initiative de Belkhadem qui, en d’autres circonstances, aurait pu être saluée par la corporation. Il y a une semaine, le patron de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd a fait une offre tout aussi alléchante aux journalistes en annonçant la création, le 5 de ce mois, d’une fédération des journalistes algériens... C’était à l’occasion du congrès de la fédération des douanes à Zeralda. Sidi Saïd a été même très «charmeur» en consacrant un bon quart d’heure de son «speech» aux «souffrances et aux petits salaires des journalistes». Or, pourquoi, le premier syndicaliste du pays a attendu le printemps 2007 pour s’apitoyer sur le sort des journalistes alors que ces derniers broient du noir depuis près de quinze ans? Mais, quand on sait la mauvaise passe que traverse le patron de la centrale syndicale, surtout après son audition dans le procès de l’affaire Khalifa et la perspective d’un congrès de l’UGTA au cours duquel sa tête pourrait être mise à prix, il est facile de deviner les motivations de Sidi Saïd. L’intérêt que porte Belkhadem et de Sidi Saïd à la presse ressemble à un coup de foudre qui vivra le temps d’une campagne pour le premier et du règlement de ses contentieux pour le second. Et il n’est pas à exclure que d’autres acteurs politiques enfourchent le même cheval de bataille pour rallier une partie de la presse à leur côté afin d’atteindre, sains et saufs, le cap des élections législatives. Après, ce sera une autre histoire. Pour les journalistes, bien sûr.
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Posté Le : 03/03/2007
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com