Algérie

La conversion des djihadistes en mercenaires



Jusque-là, le terme « mercenaire » désignait généralement des anglo-saxons (américains et britanniques) et, à un degré moindre, sud-africains et français, participant à des coups fourrés en Afrique notamment. Ils bossaient en général à leur compte et étaient employés par les services occidentaux pour diverses opérations. Mais ça, c'était avant. C'était la préhistoire.Avec la guerre en Irak en 2003 et ce qui s'en est suivi au niveau régional, puis la guerre en Syrie et en Libye, qui ont singulièrement modifié la donne, le mercenariat militaire est entré dans une logique marchande mondialiste. La sécurité des Etats de la région du Machrek et depuis, la Libye et même le Nigeria, avec en toile de fond la sécurisation des sites stratégiques et pétroliers sous forme d'audits et d'assistance militaire, est aujourd'hui un marché florissant : il brasse des milliards de dollars, donnant naissance à une flopée de sociétés militaires privées, dont la plus connue est Blackwater, créées par d'anciens militaires ayant servi dans des unités d'élite, généralement des anglo-saxons (américains et britanniques). Même les forces US y ont recours pour externaliser certaines de leurs opérations coûteuses financièrement pour le budget de la défense US ou utilisées par la CIA comme couverture pour certaines opérations ! Rien qu'en Irak, ils étaient plus de 10 000 hommes de toutes nationalités opérant au sein des sociétés militaires privées anglo-saxonnes.
La Turquie, qui a des visées sur cette région et dans l'Est méditerranéen, particulièrement en Libye, n'est pas en reste : le nom de la société privée militaire Sadat revient régulièrement dans les médias turcs. Sadat a été fondée en février 2012 en plein conflit syrien par le général de brigade à la retraite et conseiller du Président Erdogan, Adnan Tanriverdi.
Officiellement, c'est une société conseil dont « le but, lit-on sur son site de propagande, est d'aider le monde islamique à prendre la place où il le mérite parmi les super-puissances». Et c'est dans cette logique ? ce dont elle ne se cache pas ? que Sadat a formé, encadré et assisté des djihadistes syriens de l'Armée syrienne libre (ALS) avant d'assister les combattants du Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda. Avec pour double mission : combattre les forces de Bachar et les Kurdes du PYD (Parti de l'union démocratique) dans le Nord-Est syrien. Et peu importe que ces djihadistes aient pillé, violé et tué comme l'attestent de nombreux témoignages documentés.
En Libye ? elle ne s'en cache pas non plus ? Sadat assiste le gouvernement de Fayez Al-Sarraj, dans sa lutte contre son rival de Benghazi, le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar, lui-même ayant recours à la société privée russe Wagner qui emploie des combattants musulmans caucasiens (tchétchènes notamment) mais aussi syriens pro-Bachar, ayant fait le coup de feu à Alep contre les djihadistes de Daesh et du Front al-Nosra.
Le nombre de tous ces ex-djihadistes syriens employés par Sadat en Libye, qui travaillent sous contrat, se chiffrerait autour de 5 000 hommes ou plus. Selon diverses sources, plusieurs centaines d'entre eux, en fin de contrat, ont été acheminés vers le Haut-Karabakh arménien pour seconder l'Azerbaïdjan en guerre contre l'Arménie. De plus, selon des sources sécuritaires russes, outre des Syriens, des Tunisiens et autres combattants ayant fait leurs armes au sein du Front al-Nosra, des islamistes libyens spécialisés dans l'artillerie légère de précision ont été acheminés récemment par la société Sadat sur le front arménien !
L'irruption de Sadat, première société militaire privée « musulmane », va sans doute donner lieu ? si ce n'est déjà fait ? à des sociétés militaires privées également « musulmanes » saoudiennes, émiraties, et peut-être iraniennes. L'essentiel étant de ne pas laisser les Turcs, qui ont une longueur d'avance, creuser l'écart. Et dans cette perspective, sur fond de tensions régionales exacerbées et de rivalités entre Frères musulmans et salafo-wahhabites, la conversion des djihadistes de tous bords en mercenaires au service des divers agendas politiques régionaux est en marche. Et nul doute que les djihadistes au « chômage » ? il y en a beaucoup surtout chez nous ? iront monnayer leur « expertise » au plus offrant.
H. Z.


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