Publié le 21.09.2023 dans le Quotidien d’Oran
par Mohamed Rachid Cheriti *
« La croissance économique d'un pays peut être définie comme étant une hausse sur une longue période de sa capacité d'offrir à sa population une gamme sans cesse élargie de biens économiques. Cette capacité croissante est fondée sur le progrès technique et les ajustements institutionnels et idéologiques qu'elle requiert. Les fruits de la croissance s'étendent par suite aux autres secteurs de l'économie. » Simon Kuznets, économiste américain
La consommation mondiale d'énergie est relative à plusieurs facteurs, et principalement alimentée par l'expansion économique, la croissance démographique, l'émergence de nouvelles industries, et les préoccupations liées au changement climatique. En effet, l'orientation de plusieurs pays et les plus développés en particulier vers le développement des énergies renouvelables n'est pas une option prestigieuse, mais c'est un impératif érigé par les changements géopolitiques et géostratégiques mondiaux actuels dans le secteur d'énergie. Ce secteur qui est considéré comme un facteur majeur pour stimuler le processus de développement économique et social d'un pays. Les expériences empiriques de plusieurs pays sont un indicateur du rôle crucial des énergies renouvelables dans le développement économique, en tant qu'intrant principal dans le développement industriel, et un facteur clé de l'amélioration de la qualité de vie des populations, en créant des emplois, en attirant des investissements, en réduisant la dépendance énergétique, en favorisant l'innovation technologique, en stabilisant les prix de l'énergie, et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. D'où la connaissance du lien de causalité entre la consommation et la production des énergies renouvelables voire le taux de pénétration des énergies renouvelables et la croissance économique s'avère nécessaire pour la mise en œuvre des politiques et mesures adaptées. Plusieurs études sont menées sur cette relation d'un pays à un autre. Cette relation est étudiée tantôt par rapport au PIB, tantôt par rapport à la formation brute de capital fixe, et main-d'œuvre, par des modèles économiques différents. Des résultats cruciaux et positifs dans la majorité à court et à long terme. Néanmoins, il est important de noter que le succès dépendra de politiques gouvernementales favorables, d'investissements adéquats, et d'une planification efficace.
Les investissements dans les énergies renouvelables :
Entre 1965 et 2015, la consommation mondiale d'énergie par habitant est passée de 1,3 à 1,9 Tep. La consommation individuelle moyenne est cependant trois à quatre fois plus élevées dans les pays développés, où les progrès réalisés en matière d'efficacité énergétique ont simplement permis de ralentir la croissance de la demande. La part des capacités des énergies renouvelables dans le monde est de 40,3% en 2022 contre 38,4% en 2021. Par contre sa part de la production elle est de 27,8% contre 27,6% en 2020.
Les investissements dans les projets d'énergies renouvelables au cours de la période 2013-2021, sont environ 2 900 milliards de dollars à travers le monde, les projets éoliens et solaires recevant près de 90% de ces investissements. Selon l'AIE les investissements énergétiques en 2022 sont estimé au total à environ 975 milliards de dollars, alors que pour atteindre les objectifs de NZE d'ici 2030 un besoin annuel d'investissement de 2 000 milliards de dollars est nécessaires. Avec ces investissements, les énergies renouvelables, les réseaux et le stockage représentent désormais plus de 80% des investissements dans le secteur de l'électricité. Et environ 86% du total des investissements dans les énergies renouvelables dans la production d'électricité sont réalisés par le secteur privé. Concernant le PIB, et selon la banque mondiale, la croissance du PIB a ainsi atteint 3,2% en 2022, soutenue par l'accélération du PIB hors-hydrocarbures.
Selon l'IRENA, en 2022, les énergies renouvelables déployées dans le monde depuis 2000 ont permis d'économiser environ 521 milliards de dollars en coûts de carburant dans le seul secteur de l'électricité. En Europe ce chiffre était de 176 milliards de dollars. En outre, il est possible que le développement des énergies renouvelables depuis 2010 ait sauvé le continent d'une véritable crise économique, car en l'absence de production d'énergie renouvelable, les coûts économiques directs de la hausse des prix des combustibles fossiles auraient été très élevés.
Selon la Banque mondiale, les investissements mondiaux dans les énergies propres sont repartis à la hausse, ils stagnent au niveau de 2015, voire moins dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Pour atteindre l'objectif de NZE d'ici 2050, les investissements énergétiques dans les pays en développement devront quadrupler pour atteindre 1 000 milliards de dollars en 2030, avec notamment une accélération très significative du financement des solutions solaires, de l'éolien terrestre et de l'éolien offshore.
Par conséquent, les trajectoires de la consommation des énergies renouvelables peuvent être simulées par plusieurs modèles différents qui reposent sur un traitement détaillé du système énergétique et permettent de choisir les variables macroéconomiques pour atteindre une cible de causalité économie-énergie. Cependant, le PIB reste encore l'indicateur économique le plus utilisé pour mesurer la croissance économique. Les résultats de plusieurs études indiquent le rôle positif et significatif du développement et des innovations technologiques des énergies renouvelables dans la croissance économique, et sur l'augmentation du PIB. Un grand nombre des études montrent que l'interdépendance entre la consommation d'énergie renouvelable et la croissance économique marque que les énergies renouvelables ont un impact non seulement sur la qualité de l'environnement mais aussi sur la croissance économique. Autres études ont montré que la consommation d'énergies renouvelables a un effet positif à long terme, mais qu'elle a un effet négatif à court terme sur la croissance économique pour d'autres pays.
Création de postes d'emploi :
Le nombre exact de postes d'emploi créés par les énergies renouvelables dans le monde varie d'une année à l'autre en raison de la croissance de ce secteur. Cependant, les énergies renouvelables ont créé et continuent de créer un nombre significatif d'emplois dans le monde entier. À l'échelle mondiale, le secteur des énergies renouvelables a déjà prouvé son fort potentiel de création de nouveaux emplois. Selon IRENA, 12,7 millions d'emplois ont été créés dans le secteur des énergies renouvelables en 2021 dans le monde, contre 12 millions en 2020, près des deux tiers de tous les emplois se trouvent en Asie, et la Chine représente à elle seule 42% du total mondial, viennent ensuite l'Union européenne et le Brésil avec 10% chacun, et les États-Unis et l'Inde avec 7% chacun, en nord Afrique 24 mille postes d'emploi. Dans le cadre de son scénario de transition énergétique, l'IRENA prévoit 38,2 millions d'emplois en 2030, le nombre d'emplois dans le secteur de l'énergie pourrait atteindre 139 millions, dont plus de 74 millions dans l'efficacité énergétique, les véhicules électriques, les systèmes électriques/flexibilité et l'hydrogène.
Dans cette optique, les énergies renouvelables contribuent de manière significative à la création d'emplois en favorisant la croissance de plusieurs secteurs économiques, de la construction à la recherche en passant par la maintenance et la fabrication d'équipements. Cette contribution à la création d'emplois est l'une des raisons pour lesquelles de nombreux gouvernements encouragent le développement des énergies renouvelables comme un moyen de stimuler l'économie tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Cela nécessite une préparation à toutes les compétences professionnelles nécessaires pour délivrer et multiplier ces emplois. À défaut, les pays ne réaliseraient pas pleinement les avantages potentiels de cette transformation et de la croissance du secteur économique, ce qui limiterait également le développement des talents locaux et la capacité de développer et de maintenir des systèmes énergétiques durables de manière indépendante.
Réduction des émissions des gaz à effet de serre :
La contrainte climatique est l'un des causes primordiales d'incubation des énergies renouvelables par plusieurs pays, même si les conséquences du réchauffement climatique sont difficiles à les évaluer de manière exacte alors donc les politiques aussi difficiles de les calibrer. Mettre en œuvre aujourd'hui des actions de réduction des émissions de CO2 est une forme d'assurance contre la probabilité non nulle de survenance d'événements catastrophiques. En fait, les émissions de CO2 sont également liées à plusieurs facteurs tels que les progrès technologiques, la consommation d'énergie, l'intensité énergétique, la population et l'urbanisation
etc.
Les émissions mondiales de GES ont augmenté de 3,8% en 2021 pour atteindre 54,6 milliards de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone (GtCO e), 44% par rapport aux niveaux de 1990. En 2019, les émissions mondiales de GES ont atteint un niveau record de 54,8 GtCO e, mais ont chuté de 4% en 2020 en raison des confinements et des restrictions liées au COVID-19. Le CO2 représente environ 75% des émissions de GES et est le principal moteur du changement climatique.
Les énergies renouvelables contribuent de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'un pays en substituant les combustibles fossiles en réduisant la dépendance à eux, en stimulant l'efficacité énergétique, en encourageant l'innovation technologique, et en sensibilisant aux enjeux climatiques.
De nombreux modèles macroéconomiques ont été développés à l'échelle internationale pour évaluer les politiques de réduction des GES. D'après une étude (France stratégie de 2015), les simulations des différents modèles macroéconomiques montrent qu'une taxe carbone équivalent à un montant de 1% du PIB se traduit par une réduction des émissions de CO2 de près de 10% à un horizon de cinq ans et de 15% en moyenne à long terme.
La situation en Algérie :
La variable consommation des énergies renouvelables, semble être l'un des facteurs déterminants de croissance économique à court terme ou à long terme. En Algérie, selon la banque mondiale la croissance du PIB a atteint 3,2% en 2022, soutenue par l'accélération du PIB hors-hydrocarbures, en dépit d'une contraction modérée de la valeur ajoutée des hydrocarbures (-0,6%), emmenée par le segment hors-hydrocarbures de l'économie (+4,3%). La croissance du PIB hors-hydrocarbures s'est en effet accélérée, passant de 2,3% en 2021 à +3,8% au S1-2022 et +4,5% au S2. La croissance a été portée par celle de la consommation privée (+2,9% en 2022), soutenue par l'augmentation des dépenses publiques. Après une croissance moyenne de 2,2% entre 2017 et 2019, une chute de 3% en 2020, et un rebond à 3,7% en 2021, la consommation privée représente autour de 44% du PIB algérien.
Selon le rapport statistique d'énergie IRENA 2023 l'Algérie a une capacité de 599 MW d'énergie renouvelables en 2022 contre 686 MW en 2019. Par contre la production des énergies renouvelable elle avoisine 780 GWh en 2021 contre 841 GWh en 2020. La part d'énergie renouvelable dans la puissance installée est de 2,3% contre 3,2% en 2017. La part d'énergie renouvelable dans la production d'électricité est de 0,9% en 2021 contre 1,1% en 2020. Par contre, le flux financier public de l'Algérie pour les énergies renouvelables est de 01 million de dollars en 2021 contre 0.01 million de dollars seulement en 2020. Le flux financier international à destination des pays en développement à l'appui de la recherche et développement dans le domaine des énergies propres et de la production d'énergie renouvelable, notamment au moyen de systèmes hybrides pour l'Algérie est de 01 million de dollars en 2021 contre 0.01 million en 2020 selon la même source toujours.
Ces résultats empiriques d'estimation du variable énergies renouvelables ont montré qu'elle est positive mais qu'elle n'a aucun impact sur la croissance économique à court terme, mais l'estimation à long terme confirme l'existence d'une relation entre la consommation nationale d'énergie renouvelables et la croissance économique principalement sur le taux du PIB national. Quant à l'Algérie jusqu'ici le PIB n'est pas impacté par la consommation des énergies renouvelables.
Un impératif ou une volonté :
Le monde actuel besoin de nouveaux modèles économiques basé sur les énergies propres et durables, d'une part à travers les conséquences qui peuvent se découler du réchauffement climatique, et d'autre part, pour avoir une indépendance énergétique à l'effet de se prémunir contre tout risque de pénurie ou de crises géopolitiques. L'investissement dans les énergies renouvelables est considéré comme outil indispensable et puissant pour créer des emplois, améliorer la compétitivité, stimuler l'innovation, fournir des infrastructures et des services essentiels et rétablir les finances publiques. Les résultats de plusieurs méthodes d'études montrent que la mondialisation sociale et politique, le capital et la main-d'œuvre sont positivement corrélés au PIB, tandis que la mondialisation économique et la consommation d'énergies renouvelables sont associées à un degré faible au PIB. De nos jours, sans investir suffisamment dans le secteur énergétique, aucun pays ne peut parvenir à une croissance et à un développement industriels durables.
L'Algérie a entamé depuis des années une stratégie énergétique visant le déploiement des énergies renouvelable, néanmoins la dépendance de l'Algérie des énergies fossiles ralentie son développement économique, et c'est le moment d'aller vers les énergies alternatives, dont le progrès technologique reste tributaire.
Cependant, pour maximiser ces avantages, les gouvernements, les entreprises et les citoyens doivent investir dans les énergies renouvelables de manière proactive. Cela nécessite des politiques favorables, des incitations financières, des investissements dans la recherche et le développement, et une sensibilisation continue à l'importance de la transition vers des sources d'énergie propres et plus durables. Et en fin de compte, la croissance économique et les énergies renouvelables peuvent être étroitement liées dans une perspective de développement durable et de prospérité à long terme.
* Ingénieur spécialisé dans le domaine énergétique
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Posté Le : 22/09/2023
Posté par : rachids