Depuis l'ouverture au libéralisme, les
Algériens se sont découvert une «vocation» : commercer. Dans les normes ou en
dehors des normes. C'est dans l'informel – en général – que fleurit, depuis
bientôt deux bonnes décennies, le commerce des produits de contrefaçon. Faux
sac Chanel, faux costume Pierre Cardin, fausses lunettes Rayban ou faux
logiciel Microsoft, la liste est longue.
Allez dire au boutiquier du
rez-de-chaussée d'une villa blockhaus qui pirate des logiciels et les revend
qu'il s'agit d'une contrefaçon répréhensible et vous serez vite éconduit sans
avoir le temps d'expliquer quoi que ce soit. C'est une tendance lourde. On vous
rétorquera, avec un sourire entendu, que les grandes nations d'aujourd'hui
comme le Japon, les USA ou la Chine, ont construit leurs économies en
commençant par copier ce que produisaient les autres. C'est vrai, à condition
de sortir de la copie et de créer et d'apporter de la valeur ajoutée. En
Algérie, on se livre à cet exercice depuis deux décennies au moins sans que nos
génies locaux aient pu générer un plus ou stimuler une industrie particulière.
Lorsque Microsoft est arrivé à Alger, il
a corroboré ce que lui avaient signalé les services de l'ambassade américaine,
à savoir que le piratage dominait le marché des logiciels. La première équipe
installée n'a pas attaqué le problème frontalement. Elle a consulté les
autorités et s'est attelée à traiter le problème d'abord au niveau des grandes
entreprises, elles aussi – comme la Sonatrach, par exemple – touchées par le
phénomène. Elle les a convaincus d'installer des logiciels d'origine. Ensuite,
la maison de Bill Gates a essayé de sensibiliser les consommateurs algériens.
Sans résultat perceptible. Il semble que pour toute sorte de logiciels, la
situation ne s'est pas considérablement améliorée puisque un rapport de l'année
dernière de Business Software Alliance (BSA) estimait à 84% le taux de piratage
des logiciels en Algérie. Vendu entre 100 et 200 dinars en moyenne, avec un
investissement maximum de 50 dinars, le créneau est juteux. Le même phénomène
s'étend à la musique et aux films repiqués à tour de bras.
L'Algérie, bien classée
De temps à autre, les services de police,
dans l'Algérois font des descentes dans des magasins, saisissent des produits
informatiques et numériques contrefaits et interpellent des commerçants.
L'étendue du phénomène est telle que l'option répression, si tant est qu'elle
soit efficace, ne paraît pas la plus opportune. On songerait à sensibiliser
tous les acteurs de ce marché. Leur faire prendre qu'un renoncement à la
contrefaçon, dont le piratage, aura un impact sur l'économie car cela poussera
à la production localement, donc à la création d'emplois et procurera des
recettes fiscales. Ce discours, sans relais médiatique, ni soutien constant des
services du commerce et des finances notamment, demeure sans impact. On est
comme impuissant face à cette situation. Résultat : l'Algérie a été classée à
la troisième place, en 2009, d'une liste rouge de onze pays dite «de
surveillance prioritaire» de la contrefaçon.
Après la Chine et la Russie, l'Algérie
serait le pays qui lutte le moins contre la contrefaçon dans le monde, conclut
un rapport annuel, élaboré par les services du Représentant au Commerce
international (USTR), un organisme américain qui établit, depuis 21 ans, ce
classement «infamant». Pour 2009, l'USTR place derrière l'Algérie, l'Argentine,
le Canada, le Chili, l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan, la Thaïlande et le
Venezuela. Curieusement, cet organisme fait l'impasse sur l'Italie et certains
pays des Balkans. Dans les faits, l'Algérie ne reste pas les bras croisés. Sur
son site, la direction des douanes fait dans la pédagogie basique. Elle
rappelle la définition légale de la contrefaçon. «La contrefaçon est un délit
consistant à porter atteinte sous quelque forme que ce soit aux différents
droits de la propriété intellectuelle, qu'il s'agisse des brevets d'inventions,
des marques, des dessins et modèles, des appellations d'origine et indications
de provenance, des droits d'auteurs et droits voisins».
Les douanes algériennes soulignent que pour «les Etats en
développement le non respect des droits de la propriété intellectuelle génère
un environnement non favorable à l'installation des investisseurs étrangers dans
ces pays qui connaissent un recul du niveau d'investissements.» A côté du
discours, les douanes ont mis au point, en accord avec les entreprises
concernées, un système d'alerte à la contrefaçon.
Le filtre inefficace
Depuis le début 2010, pas moins de sept
marques contrefaites sont signalées sur le marché local. Parmi elles, «Braun»
une marque allemande d'appareils électroménagers ainsi que «Silk – Epil», tous
deux appartenant à la société BRAUN GMBH.
Tout peut faire l'objet d'une
contrefaçon, même une marque de thé. C'est le cas de la marque de thé vert
«Empereur - Al Imbrator », appartenant à la société «El Fettouh», dont le siège
est à Oran. Celle-ci signale qu'une contrefaçon est commercialisée sur le
marché.
Depuis, au moins 2008, la législation a donné les outils
nécessaires à la lutte contre ce phénomène mondial. Ainsi les douanes peuvent
s'autosaisir ou être saisies par des entreprises détentrices de droits et
brevets pour des interventions sur le terrain. Récemment, Henkel, l'entreprise
allemande spécialisée dans la fabrication de détergents et produits d'entretien
en Algérie notamment le réputé Isis, a été victime de la contrefaçon de ses
produits phares, comme Nadhaf, Isis liquide vaisselle et en poudre. La même
situation a été constatée chez l'Enad, l'entreprise nationale spécialisée aussi
dans la fabrication de détergents, notamment pour son eau de Javel. Les
produits de ces deux entreprises étaient fabriqués clandestinement dans une
villa à Bordj El-Kiffan, par un groupe de cinq personnes.
Détergents, shampoings, pièces détachées
d'automobiles, lunettes de soleil, sacs de luxe, costumes de grande marque, ces
produits et bien d'autres inondent les artères commerciales de presque toutes
villes d'Algérie. Ils sont, en général, importés de pays asiatiques. Qui dit
importation, dit entrée sur le territoire, autrement dit le filtre n'est pas
efficace. Pour ne pas dire autre chose. Tant que la source ne sera pas tarie ou
réduite à sa plus simple expression, ce commerce illégal et informel, très
rémunérateur, se poursuivra.
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Posté Le : 06/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Bouazid
Source : www.lequotidien-oran.com