Algérie

La contamination



La contamination
Analyse - «Le suicide provoque une culpabilité chez les survivants. En général, cela touche les proches qui se demandent comment ils ont pu passer à côté d'un tel mal être, ce qu'ils auraient pu faire pour l'empêcher.»
C'est la première analyse faite par le psychanalyste Omar Khelloufi. «Dans le cas de l'immolation par le feu, l'acte est public. Il désigne en soi la société comme responsable. Et le lieu choisi n'a rien d'anodin.
Il désigne le principal coupable. Dans les cas récents, ce sont des symboles du pouvoir : une wilaya, l'Assemblée, le Sénat... Il y a la volonté que la société réagisse.
Dans le cas de plusieurs suicides, particulièrement celui de Mohamed Bouazizi, la société tunisienne qui s'est tue si longtemps, a culpabilisé le système politique. D'où ce réveil», analyse Omar Khelloufi. «C'était pour eux une manière de dire qu'il avait raison.» Cela explique en partie la multiplication des cas d'immolation dans le Maghreb. Ceux qui tentent de l'imiter se reconnaissent dans cette douleur et cette détresse exprimées. «Ils estiment vivre dans les mêmes conditions que Mohamed Bouazizi et qu'il a ouvert la voie.»
Dans la foulée, en Tunisie, il y a eu plusieurs cas, avant ceux plus récents en Algérie, au Maroc, en Egypte ou en Mauritanie. Notre interlocuteur évoque une contamination de proche en proche. «L'immolé devient un héros national pour avoir fait le sacrifice ultime qui a permis à la société de se réveiller.
C'est le cas pour le Mauritanien qui a tenté de se suicider par le feu devant le Sénat à Nouakchott. Il avait publié sur sa page Facebook plusieurs messages, l'un en hommage à Mohamed Bouazizi, les autres ayant une portée plus politique.
Sorte de manifeste, il avait même formulé plusieurs revendications et il avait menacé le régime d'être lui aussi renversé par une révolte populaire. Il doit y avoir une fantasmagorie incroyable avant le passage à l'acte. Celui qui s'en convainc imagine tout ce qui peut se passer après, avec une accélération des images mentales et des pulsions de plus en plus fortes», précise le psychanalyste.


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